Conditions d’accès
Inventaire
Archives d'outre-mer: Goums (1908-1966)
Dates
1908-1966Présentation du contenu
AVANT-PROPOS
Cet inventaire présente les fonds d'archives des goums nordafricains. Il existe également au Service historique de l'armée de terre quelques fonds concernant les goums sahariens classés dans la série des unités sahariennes des troupes de marine : 7 U 2821, 2822, 2984, 2986, 2988 et 3004.
Je remercie M. François-Xavier Guénot qui a traité ces archives, M. Rémi Brocart qui a écrit l'introduction de cet inventaire et Mmes Marie-Françoise Laurenchet et Michelle Leroy qui m'ont apporté leur aide pour l'élaboration et la présentation de l'index.
Philippe Schillinger
Ministère de la Défense. Etat-major de l'armée de Terre. Service historique
Vincennes
INTRODUCTION
I. De la création des goums à 1914
En 1907, la France est amenée à prendre des mesures militaires pour assurer la sécurité de la frontière occidentale de l'Algérie. Dans ce but sont levés des « goums ». Ce terme qui en arabe signifie troupe, « milice tribale » visait des formations irrégulières de cavaliers de tribu, placés sous les ordres de leurs chefs traditionnels. Recrutés en Algérie, surtout dans les Hauts Plateaux, ils participent à des missions de police de durée limitée, sur les confins algéro-marocains L'un de ces goums, commandé par le capitaine Charlet, fait partie du corps de débarquement du général Drude, arrivé le 7 août 1907 à Casablanca à bord des bâtiments de la division de l'amiral Philibert.
Durant la progression du corps de débarquement autour de Casablanca, les services de tribus ralliées sont utilisés. Les Français trouvent parmi celles-ci leurs premiers guides. Le projet de former un goum avec ces éléments est conçu très rapidement par les officiers de renseignements du corps de débarquement.
En janvier 1908, le lieutenant Holtz du goum algérien étudie la levée d'un goum marocain dans les tribus nouvellement soumises des Ouled Ziane et des Ouled Harriz Le 2 février, le lieutenant Holtz avec 25 cavaliers participe au combat de Kseibat. En avril 1908, le général d'Amade, confiant dans les résultats obtenus avec les cavaliers de tribu, propose au ministre la création d'un goum auxiliaire marocain. Les hommes seraient en principe répartis entre les différents postes du service des renseignements, mais pourraient être également réunis pour participer aux opérations sous la forme d'un « goum de manœuvre ». Le 3 octobre 1908, un goum marocain est donc constitué pour la première fois. Un mois plus tard, le 1er novembre 1908, le modèle est officialisé avec la création des six goums de la Chaouia, provoquant de ce fait, le 30 novembre, la dissolution du « goum de manœuvre » originel.
L'ordre n° 100 du corps de débarquement en date du 1er novembre 1908 et sa circulaire d'application n° 25 du 5 novembre 1908 constituent la charte originelle des goums marocains qui doivent avant tout constituer un moyen d'action politique et de police entre les mains des officiers du service des renseignements.
Dès le printemps 1909, les goums, véritable milice locale aux ordres de chefs qui sont à la fois commandants de goums et chefs de postes de renseignements, exécutent des sorties soit seuls, soit avec les troupes régulières de leur détachement régional. À l'automne 1909, les goums sont considérés comme entièrement formés, et assurent leurs missions de police intérieure, de protection des postes et de couverture du système de renseignements. Les premiers engagements sérieux se produisent au début de 1910 chez les Zaer, où un lieutenant du 6e goum est tué. La participation à la colonne de Fez est un véritable tournant pour l'avenir des goums de la Chaouia qui, devant les résultats obtenus par eux tant en opérations qu'en postes, ne seront plus appelés à agir uniquement en Chaouia.
Le 5 octobre 1911, le ministre de la guerre décide de doubler les effectifs des six goums existants, en constituant six « goums bis » qui continueraient à être administrés et instruits par les goums dont ils étaient issus. Le 19 juillet 1912, le ministre approuve la création des six nouveaux goums, numérotés de 7 à 12.
En cette année 1912, à l'aube du protectorat, les territoires sur lesquels rayonne faction des troupes françaises au profit du sultan, sont organisés en « secteurs », qui se subdivisent en « cercles », eux- mêmes répartis en « postes ». Par un ordre en date du 20 août 1911, le commandement des territoires occupés avait été réorganisé. Le général de division Moinier commande l'ensemble des secteurs et est assisté d'un directeur du service des renseignements. Trois secteurs sont définis:
- le secteur de la Chaouia, articulé en quatre cercles;
- le secteur de Rabat Salé, articulé en quatre cercles;
- le secteur de Meknès, articulé en deux cercles (Meknès et Fès).
Entre les postes, qui se développent peu à peu, les communications tendent à devenir plus faciles et plus fréquentes. Ainsi, les secteurs, qui vont devenir par décision ministérielle du 27 octobre 1911, des « régions », deviennent des unités administratives mieux cimentées, amorces des futures régions civiles ou militaires qui diviseront plus tard le territoire de l'empire chérifien.
Chaque goum est commandé par un capitaine français assisté de deux à trois lieutenants. Les goumiers reçoivent une solde (3 francs par jour pour le cavalier, 1,75 franc pour le fantassin), du fourrage et des armes, mais ils doivent se vêtir et se nourrir à leurs frais, fournir leur monture; les officiers français donnent leur avis sur ces effets et ces montures, accordant à l'occasion un prêt sur la caisse de l'unité. Ils reçoivent également 25 francs à la signature du contrat d'engagement et une gratification de 25 francs par année de service. Les goumiers vivent en famille, en compagnie de leurs parents et alliés, dans un douar annexé au poste, sorte de cantonnement construit en pierres liées avec du mortier et parfois fortifié, situé à proximité d'une route importante et près d'un marché Lorsqu'ils ne sont pas en opérations, les goumiers surveillent leurs troupeaux. Leur famille peut être nombreuse, englobant les vieillards aussi bien que les infirmes. Les femmes aident à l'entretien de l'équipement, des armes même, et au soin des chevaux Les goums constituent donc un véritable ensemble humain et social entièrement entre les mains des officiers de renseignements.
Au 1er août 1914, à la suite de la création de quatre autres goums, il en existe seize, appelés alors « goums mixtes », tous stationnés dans les limites du Maroc occidental. A cette époque, aucun d'entre eux n'exerce son contrôle sur les tribus situées au sud de l'oued Tensift, où le maintien de l'ordre est confié aux grands caïds.
II. De 1914 à 1939
La pacification - De 1914 à 1918, les goums jouent un rôle important dans le maintien de l'autorité française au Maroc, alors que ce territoire est dégarni de troupes. Ainsi leur nombre augmente: 18 goums au 10 octobre 1915, 21 goums au 1er octobre 1917, 22 goums en novembre 1918. Continuellement en mouvement, ils permettent de montrer qu'il n'y a pas d'affaiblissement de la politique française. Le rôle des goums devient encore plus important, de 1918 à 1933, quand le contrôle des Français s'étend aux régions montagneuses. Leur nombre continue d'augmenter en conséquence, de 1919 à 1934, 28 nouveaux goums sont créés. En 1934, il existe une cinquantaine de goums mixtes représentant un effectif de: 102 officiers, 452 sous-officiers, 8050 gradés et goumiers marocains, 3000 animaux. Pendant quinze ans, les goums sont continuellement en opérations. Us participent activement à la répression de la révolte du Rif en 1925-1926 En raison de leur totale fidélité à la cause de la France, l'une des missions importantes, et non des moindres, reste le renforcement des autres unités supplétives. Lorsque les troupes françaises pénètrent dans l'Atlas, des unités de goumiers parlant le berbère sont constituées en nombre croissant.
Goums auxiliaires et groupements de goums. - Au lendemain de la pacification, la composition d'un goum est la suivante: 3 sections d'infanterie dotées de 5 fusils-mitrailleurs Madsen ; 1 groupe de mitrailleuses, 1 peloton de 38 cavaliers. Au total, le goum comprend 161 indigènes. L'encadrement français est constitué par: 1 capitaine ou lieutenant des affaires indigènes commandant le goum, 1 officier adjoint, 6 sous-officiers, 3 caporaux ou brigadiers. Les goumiers sont recrutés par voie d'engagement ou de rengagement.
À ces goums « normaux » appelés « goums mixtes marocains actifs », viennent s'ajouter, à la veille de la seconde guerre mondiale des « goums auxiliaires ». II s'agit d'unités de complément, préparées et instruites dès le temps de paix par le goum actif qui agit à leur égard comme centre mobilisateur. Ces unités sont levées chaque fois que leur emploi est jugé nécessaire, soit pour participer à des opérations, soit pour tenir le rôle des goums actifs appelés à prendre part à des opérations en dehors de leur secteur normal d'action. En 1937, 21 goums auxiliaires existent déjà, et on prévoit d'en créer 5 nouveaux. En juillet 1939, l'ensemble des goums comprend:
- 16 goums actifs de sécurité intérieure sur le front sud (déchargés de toute fonction mobilisatrice),
- 41 goums actifs mobilisateurs;
- 64 goums auxiliaires des séries 100, 200, 300, dont 2 goums de cavalerie.
Il est admis que les goums peuvent être employés hors du Maroc dans des opérations de guerre moderne. À cette époque, on officialise également le principe de » groupements de goums », qui avaient existé temporairement au cours de certaines opérations
III. La seconde guerre mondiale
Les goums en 1939-/940- Le 5 septembre 1939, le général Mellier, directeur des affaires politiques à Rabat, signe une instruction sur l'organisation des groupements de goums. 8 groupements, de 5 goums chacun, sont créés formant 2 demibrigades, l'ensemble devant constituer la » brigade légère de supplétifs marocains ». En fait, cette grande unité ne voit pas le jour; néanmoins le nombre de groupements réalisés atteint le chiffre de 16 en avril 1940. Malgré les difficultés d'encadrement et des problèmes d'équipement, les goums obtiennent peu à peu une certaine cohésion et rendent des services en surveillant les frontières et en participant à la sécurité intérieure. Au début du mois de juin 1940, après l'entrée en guerre de l'Italie, le 1er groupe de supplétifs marocains (G. S. M.), résultant de la réunion de quatre groupements de goums (1er, 3e, 5e, 7e) est dépêché sur la frontière de Tripolitaine. Goumiers et partisans rejoignent le front sud-tunisien, commandés par le général Poupinel (PC à Gabès) En fait, les combats consistent surtout en coups de main, que vient finalement interrompre l'armistice.
L'armistice - Au moment de l'armistice de juin 1940, les forces supplétives marocaines comprennent un ensemble assez disparate. A côté des goums mixtes, on trouve des makhzens, des fezzas et des harkas pouvant être levés en cas de besoin. Le mot makhzen a deux significations: « gouvernement central marocain » ou « troupe d'auxiliaires marocains à la disposition d'une autorité locale ». Les mots fezza et harka, quant à eux, ont la même signification: « troupe d'irréguliers, de partisans, levés dans les tribus pour une action temporaire ».
En juillet 1940, la direction des affaires politiques définit les nouvelles missions des forces supplétives:
1) continuer à assurer te rôle traditionnel des forces supplétives: sécurité intérieure, équipement du pays, moyen de rayonnement politique et humain à la disposition des autorités locales de contrôle;
2) maintenir les effectifs des goums en leur donnant une organisation permettant leur emploi dans le cadre d'une guerre moderne au Maroc ou à l'extérieur;
3) camoufler les goums en formations civiles pour éviter l'intervention des commissions d'armistice et empêcher leur dissolution;
4) profiter au maximum des possibilités offertes par les organismes de l'administration du protectorat pour absorber les excédents d'effectifs et les spécialistes non autorisés de l'armée de transition du Maroc.
Dès le début du mois d'août 1940 est édifiée la façade destinée à couvrir cette vaste entreprise de camouflage sous l'ancienne dénomination des forces de police du maghzen: les méhallas chérifiennes.
Les méhallas chérifiennes - Le 15 août 1940 est d'abord créée une inspection des forces supplétives à Rabat auprès de la direction des affaires politiques. Parallèlement, on crée auprès de chaque chef de région (autorité civile) de Fez, Meknès, Marrakech et des territoires de Taza et d'Agadir, l'emploi de chef des forces supplétives régionales, disposant chacun d'un goum hors rang (G. H. R.). Le 19 août 1940, un 6e commandement régional est créé, celui de Rabat, auquel s'ajoute naturellement un 6e G H. R
Enfin, ce même 19 août, paraît la directive résidentielle n° 1144/DAP/7, rédigée comme suit:
À compter du 1er septembre 1940, les appellations suivantes sont appliquées en ce qui concerne les formations irrégulières du Maroc.
I. L'ensemble des forces supplétives du Maroc portera le nom de » méhallas chérifiennes » (méhalla chérifia)
II. Les méhallas comprennent:
a) des tabors chérifiens (ex-groupements de goums);
b) des goums chérifiens (goums chérifiens d'infanterie, de cavalerie et saharien);
c) des maghzens;
d) des harkas;
e) des fezzas.
Ainsi, à l'occasion de cette directive, apparaît le terme de tabor, qui désigne dorénavant le groupement de goums.
Le 30 août 1940, une instruction résidentielle provisoire définit le rôle de ces formations de la façon suivante:
Les méhallas chérifiennes sont des unités de police dont le rôle essentiel est d'assurer l'ordre et la sécurité en tribu. Ces formations irrégulières sont placées sous la haute autorité du résident général qui en fixe l'organisation et l'emploi. Il dispose à cet effet d'un inspecteur des méhallas chérifiennes auprès de la direction des affaires politiques. Cet emploi est tenu par un officier supérieur des affaires indigènes.
Suivent les directives relatives aux rôles de l'inspecteur des méhallas, des chefs de corps régionaux et des autorités territoriales, ainsi que des tableaux fixant le stationnement et les effectifs des méhallas par région, soit:
- région de Rabat-Casablanca: inspection des méhallas chérifiennes, 1 G. H. R., 2 tabors, 10 goums isolés;
- région de Meknès: 1 G. H. R, 2 tabors, 14 goums isolés;
- région de Fez: 1 G. H. R., 2 tabors, 7 goums isolés,
- région de Taza: 1 G. H. R, 1 tabor, 11 goums isolés,
- territoire des confins du Draa et Agadir 1 G. H. R., 12 goums isolés.
L'effectif de l'ensemble est de 268 officiers, 868 sous-officiers, 19718 goumiers et 4700 mokhaznis.
La réorganisation d'août 1940 maintient 102 goums (99 goums d'infanterie, 2 goums de cavalerie et 1 goum saharien), numérotés de 1 à 102. La grande innovation réside dans la création de 11 tabors groupés en permanence. La création de ces tabors permanents, groupant 3 ou 4 goums, amène quelques modifications dans l'esprit traditionnel « goum » en ce qui concerne la discipline, la vie courante, l'instruction qui ne peuvent être les mêmes que dans un goum isolé installé dans un bureau d'affaires indigènes. Autre changement majeur: les goumiers ne choisissent plus librement leur goum, ni surtout leur commandant de goum.
Enfin les difficultés d'installation empêchent la plupart du temps les familles des goumiers de les suivre au cours des mouvements exécutés durant toute la période de formation des méhallas chérifiennes. Mais, peu à peu, tout rentre dans l'ordre normal et la vie familiale peut reprendre en s'adaptant aux nouvelles conditions d'existence, ce qui favorise le maintien du bon moral des goumiers devenus « chérifiens ».
A partir du 1er septembre 1940, ces diverses transformations peuvent être considérées comme réalisées, et vont rester pratiquement inchangées jusqu'en 1946:
- les 57 goums d'avant septembre 1939 conservent leurs numéros et restent goums isolés;
- les goums de tabor venant tous des goums de marche de série 100 prennent des numéros à partir de 58, jusqu'au numéro 89 (sauf le 3e tabor qui conserve le 101e goum),
- le 102e goum de cavalerie conserve son numéro;
- 10 goums (9 de l'ancienne série 100, et 1 de la série 200) ne sont pas groupés en tabors et sont numérotés de 90 à 99
Démobilisation des méhallas chérifiennes. - En novembre 1940, sous la pression de la commission d'armistice allemande, le gouvernement de Vichy dissout le corps des officiers des affaires indigènes, celui des affaires militaires musulmanes ainsi que les formations auxiliaires. Ce décret entraîne la démilitarisation des méhallas chérifiennes et leur mise à la charge du budget du protectorat. Ce dernier dépendant du ministère des affaires étrangères, il est moins sujet à contrôle de la part des autorités allemandes que s'il était resté sous la tutelle de la défense nationale. Un nouveau statut du personnel d'encadrement voit le jour; officiers et sous-officiers, placés en congé d'armistice, sont intégrés dans le corps civil des contrôleurs et des agents des affaires indigènes, créé tout spécialement à leur intention. La tenue militaire doit être abandonnée.
En 1940, des inspections allemandes et italiennes de contrôle sont mises en place dans les départements algériens ainsi que dans les protectorats du Maroc et de la Tunisie; elles dépendent des commissions d'armistice de Wiesbaden et de Tunis. Elles sont doublées par des délégations françaises qui relèvent de la « direction des services de l'armistice » installée à Alger. Début mars 1941, les Allemands, sans doute alertés par leurs services de renseignements, exigent la dissolution des méhallas « démilitarisées » ou leur intégration dans l'armée de transition. Le colonel Guillaume, directeur adjoint des affaires politiques, est dépêché à Wiesbaden par le général Huntziger, ministre de la guerre, pour défendre le point de vue français. Devant les membres de la commission d'armistice allemande, il insiste pour que les goums soient maintenus dans leur totalité, dans le but d'éviter tout risque de soulèvement qui serait préjudiciable à l'équilibre de la région; l'insurrection du Rif n'avait- elle pas duré deux ans et nécessité 300000 hommes (espagnols et français) pour la juguler? Le colonel Guillaume attend sur place la décision du commandement suprême allemand (O. K W), qui rend finalement un verdict moins sévère que ne le laissaient entendre les exigences formulées auparavant: le principe du maintien des goums, dont le volume des personnels est ramené à 16000, est admis. Mais, en contrepartie, les forces régulières d'A. F. N. sont réduites de trois régiments de tirailleurs et de trois groupes d'artillerie. Les goums sont sauvés, mais deviennent partie intégrante de l'armée de transition et, par là, plus exposés aux aléas des contrôles allemands.
Débarquement allié - En novembre 1942, le 8e tabor5 reçoit l'ordre de se mettre à la disposition du commandant de la division de Meknès pour s'opposer au débarquement anglo-américain en A. F. N. dans la région de Port-Lyautey tandis que le 1er G S M est prévu pour mener une contre-attaque dans la région de Fédala. « Malgré la lenteur des convois motorisés et l'incohérence de certains ordres, plusieurs goums vont être engagés dans ces combats jugés stupides par les exécutants eux-mêmes ».
Ainsi le 79e goum (8e tabor) est chargé d'effectuer une contreattaque, le 9 au lever du jour, en direction de la plage de Mehdia. Les pertes du goum sont sévères: 12 tués, 10 blessés et 5 disparus pour un effectif de 133 hommes.
Le 11e tabor reçoit la mission d'assurer la protection de la résidence à Rabat qu'il rejoint le 8 au soir. Le 10, il est engagé sur ta route de Casablanca et essuie le feu de l'aviation américaine (1 tué et plusieurs blessés). Le même jour, la colonne formée par une partie du 2e tabor et un escadron du 1er R. C. A. sert de cible à l'aviation américaine qui lui inflige de nombreuses pertes (au total 140 tués et blessés).
L'ordre de suspendre les hostilités, transmis au général Noguès par l'amiral Darlan, parvient finalement aux unités le 10 novembre à 20 heures.
La campagne de Tunisie et les deux premiers groupes de tabors marocains (1942-1943). - Les goums vont désormais se battre aux côtés des alliés. Ainsi, un mois plus tard, deux groupes de tabors marocains (G. T. M., nouvelle appellation des groupements de supplétifs marocains), le 1er aux ordres du chef de bataillon Leblanc, le 2e commandé par le chef de bataillon de La tour, sont dirigés vers le théâtre d'opérations qui vient de s'ouvrir: la Tunisie.
Suivant les plans de l'état-major qui avait étudié une éventuelle reprise de la lutte, un détachement d'armée français (D. A. F.) est constitué sous le commandement du général Juin. Il comprend:
- la division de marche du Maroc (D. M. M.) du général Mathenet constituée notamment par les 1er et 2e G. T. M.;
- les troupes de Tunisie commandées par le général Barré;
- les éléments provenant d'Algérie (19e corps d'armée) aux ordres du général Koeltz.
Les deux G. T. M. participent donc à la campagne de Tunisie de décembre 1942 à mai 1943. Après la victoire, tes G. T. M. sont rapatriés sur le Maroc, le 1er par voie ferrée, le 2e, par la route.
Le makhzen de marche - En 1938, le général Noguès, résident général de France au Maroc, crée à El-Hajeb un makhzen mobile de police dont la mission est d'assurer le maintien de l'ordre dans le territoire. En 1940, un deuxième makhzen mobile est formé à El-Boroudj. Ces deux unités, essentiellement recrutées dans les tribus berbères de la montagne, constituent un groupement sous les ordres directs du cabinet militaire du résident. À la suite des évènements de novembre 1942, le groupement des makhzens, tout comme l'ensemble des goums mixtes marocains, veut avoir sa place sur le champ de bataille de Tunisie. C'est pourquoi, sur proposition du capitaine de Battisti, commandant le groupement, et du capitaine Spitzer, commandant le 1er makhzen mobile, le général Noguès décide la création du makhzen mobile de marche (M. M. M.) à compter du 1er décembre 1942.
Instruite et entraînée, l'unité est mise à la disposition des troupes du Maroc à la fin du mois de janvier 1943. Le 13 février, il embarque pour la Tunisie, où il combat jusqu'au mois de mai 1943. Dissous à compter du 1er juillet 1943, il verra ses effectifs répartis entre les 1er et 2e makhzens mobiles.
Le commandement des goums marocains (C. G. M.) et les groupes de tabors marocains en Europe - Fort de l'expérience de la campagne de Tunisie, où les deux groupes de tabors marocains furent engagés, le commandement décide au printemps 1943, de mettre quatre G. T. M. à la disposition du corps français de débarquement en préparation: un organe d'autorité, le » commandement des goums marocains » est chargé d'assurer l'administration des unités en campagne, d'établir la liaison avec l'état-major et avec la résidence générale au Maroc et d'exécuter des missions tactiques qui pourraient lui être confiées.
Créé le 2 juin 1943, il est confié au général de brigade Guillaume, alors directeur des affaires politiques. Installé d'abord à Rabat, cet état-major a pour tâche initiale de dresser tes tableaux d'effectifs de l'ensemble et de présenter les demandes correspondantes en moyens d'habillement, d'équipement, d'armement, de transmissions et véhicules. En effet, l'existence des goums n'avait pas été prévue lors de l'accord d'Anfa entre les généraux Giraud et Clark.
En juillet 1943, le général Guillaume fixe son PC à proximité de Tlemcen, à côté des G. T. M. de Leblanc, de Latour et de Massiet du Biest. Pendant que les unités perfectionnent leur instruction, il poursuit ses contacts à Rabat, à Alger et à Trouviile près de Mers El- Kébir où le général Juin a établi son quartier général. Soucieux de conserver tous ses goums dans une grande unité autonome, il ne peut empêcher le général Giraud de prélever le 4e tabor pour la Sicile (14 juillet-19 août 1943), où, pour la première fois, des goumiers marocains sont employés hors du théâtre d'A. F. N. et sous les yeux des autorités alliées. C'est ensuite le 2e G. T. M. du lieutenant-colonel de Latour qui est prélevé, pour libérer la Corse, aux côtés d'éléments de la 4e division de marche marocaine, et du 1er bataillon de choc (13 septembre 1943-4 octobre 1943). Le 2e G. T. M. reste en Corse jusqu'au mois d'août 1944, s'en éloignant seulement quelques jours pour la conquête de l'île d'Elbe (17 juin-29 juin 1944).
Campagne d'Italie - Le général d'armée Juin est nommé le 18 mai 1943 chef du corps expéditionnaire français (C. E. F.) en Italie. Sont immédiatement placées sous ses ordres les grandes unités mises sur pied à la suite des accords d'Anfa de janvier 1943 qui constituent un premier corps de débarquement:
- la 2e division d'infanterie marocaine;
- la 3e division d'infanterie algérienne;
- les 3e et 4e G. T. M e;
- des éléments de réserve générale;
- des formations de service.
Après le départ pour l'Italie des 3e et 4e G. T M., et avant celui du 1er G. T. M., le général Guillaume décide de transférer son PC en Italie. Lui-même prend l'avion pour Naples tandis que le C G M. embarque, le 24 janvier 1944, sur le croiseur « Duguay-Trouin ». De décembre 1943 à juillet 1944, les goums combattent en Italie. Le 14 juillet 1944, les troupes du C. E. F. défilent dans Sienne libérée, saluée par les généraux Clark et Alexander.
Campagnes de France et d'Allemagne - Le 23 juillet 1944, les 1er et 3e G. T. M. venant d'Italie, commencent à débarquer en Corse, où ils rejoignent le 2e G. T. M., et se préparent à débarquer en Provence, tandis que le 4e G. T. M., premier à avoir combattu en Italie, retourne au Maroc. À partir du 12 août, les goums abandonnent leurs bivouacs pour se rendre dans les aires d'embarquement situées à proximité d'Ajaccio. Les embarquements ont lieu à partir du 17 août sur des L. S. T. américains, sur un torpilleur britannique et sur un croiseur auxiliaire canadien. À partir du 18 août, les goums prennent pied sur les plages, soit à Sainte-Maxime, soit à Saint-Tropez, soit à Cavalaire. Dès lors, les goums participent à toutes les phases de ta campagne de France (libération de Marseille, combats des Alpes, des Vosges, percée de Belfort), pour aboutir en décembre 1944 en Alsace. C'est là qu'en mars 1945, le 4e G. T. M., revenu du Maroc, vient remplacer le 3e G. T. M., qui est, à son tour, rapatrié au Maroc pour y être dissous.
Le 19 mars 1945, l'armée française entre en Allemagne. Pour les 1er, 2e et 4e G. T. M. commence la dernière étape de ce deuxième conflit mondial. Lorsqu'arrive l'armistice, le 8 mai 1945, les goums vont se consacrer à l'occupation et à l'administration des territoires conquis. Pour certains, cette période est de très courte durée: ainsi, le 30 juillet, le 1er G. T. M. quitte l'Allemagne pour Marseille où il embarque peu après. Après son arrivée au Maroc, il se regroupe à Khénifra, où il est dissous, le 1er octobre 1945, laissant un tabor de tradition (3e tabor) au poste des Aït-Issehaq. Le 4e G. T. M., quant à lui cantonne en Allemagne jusqu'en avril 1946, date à laquelle il quitte ce pays pour Marseille. Arrivé le 6 mai à Casablanca, il est dissous le 16 juillet 1946, laissant un tabor de tradition (8e tabor) implanté partie à N'Kheila, partie à Mechra Bel Ksiri. Enfin, le 2e G. T. M. quitte l'Allemagne à la mi-novembre 1945. Un mois plus tard, il embarque à Marseille par échelons. Le 1er mai 1946, il est dissous (le 1er tabor est désigné comme tabor de tradition).
IV. Les goums en Indochine
Neuftabors (10e - 8e-3e-1er-11e-17e - 9e- 5e- 2e) servent en Indochine, dont deux à deux reprises (10e et 8e) de 1948 à 1954. Avec l'arrivée progressive de nouveaux tabors, le commandant en chef (général Carpentier) va être amené à créer un groupement opérationnel formé de tabors, le G. T. M. E. O. (Groupement des tabors marocains en Extrême-Orient). En fait, en dehors de l'affaire de Cao Bang et d'une opération sur la RC4, début janvier 1951, les tabors ne se sont jamais trouvés engagés ensemble, sous les ordres du commandant du G. T. M. E. O Parfois, deux tabors voisinent dans un même cadre opérationnel, mais à partir de l'année 1951, les tabors opèrent généralement seuls.
Au cours de la guerre d'Indochine, les goums marocains ont perdu, de 1948 à 1954,16 officiers, 41 sous-officiers, 730 goumiers et gradés marocains morts au combat ou des suites de leurs blessures en captivité.
V. Les goums marocains en A. F. N. (1954-1956)
Tunisie - Face à l'aggravation de la situation en Tunisie, le général Boyer de Latour, ancien chef du 2e G. T. M. devenu commandant supérieur des troupes de Tunisie, fait venir des goumiers qui, d'une part, devront participer aux opérations de maintien de l'ordre, et, d'autre part, mettront sur pied des goums tunisiens (voir infra). Ainsi arrivent en Tunisie, le 12 juin 1954, les 3e et 41e goums. Ils sont immédiatement engagés, notamment dans la région de Gafsa. Le commandement escompte que leur comportement et leur emploi auront valeur d'exemple pour l'ensemble des troupes de Tunisie. Ces missions donnent parfois lieu à des engagements avec des bandes rebelles. Le 5 juin 1954, dans le djebel Orbata, le 3e goum a deux tués. Dans la même région, le 5 juillet, le 41e goum perd un sous-officier. Les deux goums rentrent au Maroc dans la première quinzaine d'août 1954.
Le commandement décide de faire venir en Tunisie d'autres unités marocaines. Le 3e tabor (23e et 29e G. C. A., 31e, 48e et 51e goums) quitte le Maroc le 29 septembre 1954 pour rejoindre Kasserine (Tunisie) où il est aussitôt employé à des missions de pacification. À compter du 26 novembre, le 3e tabor assure la sécurité de la commission mixte franco-tunisienne, à laquelle les rebelles sont censés remettre leurs armes. Le 25 avril 1955, le 3e tabor est mis à la disposition de la 10e région militaire (Algérie).
Algérie - Le général Parlange, chef du commandement civil et militaire des Aurès-Nementcha souhaite disposer de tabors marocains pour mener à son terme le ralliement des populations, dans une région politiquement et géographiquement difficile. Venu provisoirement en Algérie, le 3e tabor y reste, pour appuyer l'action du général Parlange. Il s'installe dans la région de Khenchela. La conjoncture politique au Maroc évoluant, l'emploi d'unités marocaines en Algérie devient difficile. Le 3e tabor est rapatrié début avril 1956.
Rentré d'Indochine en unité constituée, le 8e tabor (12e G. C. A., 13e, 19e et 45e goums) est désigné pour l'Algérie. Il arrive dans les Aurès le 27 janvier 1955. En liaison avec les officiers d'affaires indigènes affectés dans la région, il s'adonne aussitôt aux missions de pacification; nomadisation, recherche de dépôts d'armes, protection des populations, neutralisation des hors-la-loi, sécurité des récoltes, action sanitaire. Début avril 1956, le 8e tabor est rapatrié.
Le 10e tabor (80e G. C. A. T., 34e, 40e et 43e goums) est lui aussi dirigé sur l'Algérie. Début mars 1955, le 43e goum arrive dans les Aurès, où il est rejoint le 30 mars par le reste du tabor. Au cours de la deuxième quinzaine de mars 1956, le 10e tabor est rapatrié.
VI. Goums tunisiens
Le 30 avril 1954, le général de division Boyer de Latour inquiet, comme il a été signalé supra, du développement de la « dissidence » dans le sud tunisien, adresse une lettre au ministre de ta défense nationale, dans laquelle il réclame la possibilité « d'opposer aux fellaghas des unités menant la même vie, c'est-à-dire nomadisant dans une région, se montrant constamment aux populations... « Fort de son expérience à la tête du 2e G. T. M., le général souhaite en fait importer en Tunisie le modèle « goum marocain ». C'est ainsi que par décision ministérielle du 12 mai 1954 sont créés: un commandement de goums tunisiens, 4 goums mixtes autonomes, 2 goums portés autonomes. Par la suite, le nombre de ces unités s'accroît, jusqu'à 16, mais leur durée de vie est relativement faible, et elles sont dissoutes entre le 1er juillet 1956 (date de la dissolution du 1er tabor tunisien) et la fin de l'année 1957.
VII. Goums divers
À la fin de l'inventaire des goums, se trouvent un certain nombre de fonds d'archives provenant de goums divers: groupement de goums Armagnac (1942), goum algérien territoire sud (1943), groupe de goums Dubroca, goum du général de Gaulle (1941), groupe de goums Oriol (1943), groupe de goums Saunier (1943), groupe de goums Gibert (1943).
Il s'agit de goums « de circonstance », formés au coup par coup au cours de la campagne d'Afrique du Nord en 1942-1943. Le « goum du général de Gaulle », quant à lui, est un cas particulier. Cette unité est en fait un « goum de parade » formé à Londres le 15 décembre 1940.
Rémi Brocart Chargé d'études au Service historique de l'armée de terre
Dernière modification le 15/12/2021