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Classement interne des registres par armes, classement dans l'ordre alphabétique des régiments
Inventarios
Archives des personnels de l'Armée de Terre : Contrôles des troupes : Tome 1 : Guide de recherche
Fechas
1716-1789Présentation du contenu
AVANT-PROPOS
Le 2 juillet 1716, une ordonnance sur le recrutement prescrivait aux majors de régiment de tenir à jour, par compagnie, un registre coté et paraphé spécifiant les prénoms, noms de famille, noms de guerre des sergents, caporaux et soldats, leur lieu de naissance, âge, date d'engagement, signalement, date de la mort, date du congé absolu ou de la désertion.
Un grand nombre de ces registres matricules des corps de troupe de l'Ancien Régime ont été versés au Service Historique de l'Armée en 1951 par le Bureau des Archives Administratives militaires.
Monsieur Corvisier, Professeur à la Faculté des Lettres de Rouen, a consacré plusieurs années au dépouillement systématique de ce fonds, dont il a tiré l'essentiel des éléments de sa thèse principale « Le soldat de la fin du 17e siècle au Ministère de Choiseul ».
Il lui est alors apparu que le classement interne de ces registres par armes, et dans l'ordre alphabétique des régiments, présentait un certain nombre de faiblesses. En effet, les majors avaient tenu des cahiers matricules par compagnie, mais lorsque, par la suite, pour une meilleure conservation les cahiers furent regroupés en registres, certains, par erreur, ne furent pas insérés à leur place logique.
Sans modifier la présentation matérielle du fonds, Monsieur Corvisier fut amené à constituer un inventaire rétablissant un classement correctement ordonné, mettant chaque compagnie à sa place exacte, ce qui donne l'ordre de bataille authentique des régiments, donc celui de l'Armée.
L'intérêt indéniable de ce patient travail, ce qui constitue son originalité, c'est que pour la première fois il permet des études centrées sur la compagnie. En raison des liens entre soldats, entre le capitaine et ses hommes, la compagnie formait sous l'Ancien Régime un groupe social bien défini. Elle était vraiment la cellule de base de l'Armée.
En facilitant singulièrement la tâche des chercheurs, l'inventaire établi par Monsieur Corvisier sera d'une utilité indiscutable pour tous ceux qui veulent connaître la vie d'un militaire de cette période de l'histoire, en complétant les renseignements fournis par les documents d'état civil et les archives notariales des dépôts départementaux.
C'est pour cette raison que le Service Historique de l'Armée a estimé que cette thèse complémentaire méritait une publication financée en partie par son budget et bénéficiant d'une contribution importante du Centre National de la Recherche Scientifique.
PRÉFACE
Il y a quatre ans M. André Corvisier, alors maître-assistant à la Sorbonne présentait comme thèse complémentaire pour le doctorat-ès- lettres une étude intitulée : Une source de l'histoire sociale de l'Ancien Régime, les contrôles de troupes dont le rapport m'avait été confié et je n'avais pas manqué, lors de la soutenance, de formuler le vœu que ce travail ne tardât pas à être publié en manière d'introduction à un inventaire raisonné de ce fonds si peu connu, si difficile d'accès et si mal exploité jusqu'alors que constituent les registres des contrôles de troupes conservés aux Archives historiques de l'Armée. Voici que grâce au Service historique de l'Armée et à son chef le général Fournier, ce souhait devient réalité et il m'est particulièrement agréable de redire ici en quelques mots, comme je l'avais déjà fait publiquement lors de la soutenance de la thèse, tous les mérites qui s'attachent à l'œuvre entreprise et menée à bien par M. André Corvisier.
Ce n'était pas chose facile dans les années 1950-1955 que de consulter cet ensemble de plus de deux mille registres d'un abord, il faut bien le dire, assez peu engageant, mais dont M. Corvisier avait vu tout de suite quel profit il pourrait retirer pour l'élaboration de sa thèse principale où il s'attachait à montrer ce qu'avait été le soldat dans l'armée française depuis Louvois jusqu'à Choiseul. Les archives administratives venaient à peine de quitter le ministère de la Guerre afin de rejoindre dans les bâtiments du château de Vincennes affectés aux « Archives de la Guerre », comme on dit pour faire bref, les archives historiques jusqu'alors en dépôt aux Archives Nationales. Un répertoire des registres avait bien été dressé dans l'Inventaire des Archives conservées au Service historique de l'État-major, mais il était à l'image du désordre où ils avaient été laissés sous le Directoire. Pour les utiliser comme ils devaient l'être, M. Corvisier dut se faire archiviste ; toutes facilités lui furent d'ailleurs données pour mener à son terme, et registre par registre, le classement et l'inventaire nécessaires cependant qu'il me tenait régulièrement informé de l'état d'avancement de son travail et des problèmes qui ne manquaient pas de se poser à son sujet.
Ce n'était pas la première fois sans doute qu'un chercheur avait à mettre en ordre et à inventorier les documents dont il aurait à se servir et il existe encore dans nos dépôts d'archives, et malgré le zèle dont font preuve leurs conservateurs, nombre de fonds qui n'ont pas pu être dotés jusqu'alors des instruments d'investigation qu'ils requièrent mais, en se muant en archiviste, M. Corvisier a fait œuvre de maître ; je n'hésite pas à dire, même, que son travail pourra être donné comme un modèle du genre puisqu'il est à la fois un inventaire raisonné et un guide de recherche.
L'inventaire proprement dit comprendra deux volumes constituant les tomes II (contrôles de l'infanterie) et III (contrôles des autres armes et services) de la présente publication ; un quatrième tome sera consacré aux index indispensables. Mais c'est dans le tome premier, tout entier consacré à l'introduction, que le maître d'œuvre se révèle. Il fallait connaître, comme lui, le fonctionnement de nos institutions militaires au temps de la guerre de la Ligue d'Augsbourg — la guerre d'Orléans comme on l'appelle outre-Rhin — de la guerre de Succession d'Espagne et de la guerre de Sept Ans, c'est-à-dire à l'époque où la France a fourni un immense effort de guerre, pour situer dans une perspective de longue durée les contrôles tels qu'ils ressortiront notamment de l'ordonnance du 2 juillet 1716 et pour en démonter et démontrer le mécanisme dans la double série des registres établis au corps même et à Versailles : c'était là besogne d'archiviste et il n'est pas d'archiviste digne de ce nom qui ne soit aussi historien. Mais là où l'historien donne toute sa mesure c'est lorsqu'en quelque cinquante pages particulièrement bien venues il nous montre toute la richesse d'informations que recèlent ces cahiers si pauvres d'aspect et où l'on serait tenté à première vue de ne voir que des nomenclatures dépourvues de tout intérêt. C'est que, comme l'a dit Marc Bloch, un document est un témoin qui ne parle que lorsqu'on l'interroge. Or non seulement M. Corvisier a su poser les questions qui convenaient, il a tenu aussi à confronter les réponses avec celles d'autres témoins contemporains, registres d'état civil, rôles d'impositions par exemple pour nous faire pénétrer au cœur de la société française d'Ancien Régime et dans les couches les plus frustes, celles aussi sur lesquelles nous sommes le moins bien renseignés, de cette société. Sous les pauvres couvertures de ces quelque deux mille registres parvenus jusqu'à nous, derrière ces quelque quatre mille numéros d'inventaire auxquels ils ont donné lieu, c'est le signalement de près de deux millions de Français qui se dissimulait, avec leurs misères et leurs tares, mais aussi leurs services et leur geste : la geste des grenadiers de Demain et des fusilliers de Fontenoy que désormais nous connaissons mieux, en somme, que leurs officiers. M. Corvisier a justement remarqué en effet ce qu'avait d'insolite à l'époque et, partant, de difficilement acceptable pour les personnes de qualité l'établissement d'une fiche d'identité, considérée qu'elle était comme une véritable atteinte à l'individu et qu'aux yeux de l'historien comme du sociologue le soldat faisait en conséquence figure de privilégié. Encore ne faut-il pas demander aux registres de contrôle des troupes plus qu'ils ne peuvent donner et ce n'est pas le moindre des mérites de M. Corvisier de nous avoir sur ce point mis en garde mais ce que, lui, nous a donné, avec cet inventaire et l'introduction qui le précède, demeurera un instrument de recherche incomparable pour l'étude de la société française au dernier siècle de l'Ancien Régime.
Michel FRANÇOIS
INTRODUCTION
S'il apparaît possible d'étudier la composition sociale des grands corps professionnels ou sociaux du XIXe siècle, administrations, magistrature, enseignement, armée, services publics, etc. à partir des annuaires et des dossiers individuels, l'Ancien Régime est infiniment moins favorisé. Les sources habituelles de semblables enquêtes se présentent souvent avant le milieu du XVIIIe siècle comme des recueils d'épaves. Tel est le cas pour l'armée, des dossiers individuels des généraux, dont les premiers ont probablement été constitués par Pinard au milieu du XVIIIe siècle, en rassemblant des pièces éparses et les dossiers de certains officiers de moindre grade conservés au classement alphabétique 1776-1790. Or, voici qu'un important groupe d'hommes, les soldats, a été l'objet du soin tout particulier de l'administration royale à cause de la surveillance constante que nécessitaient l'observation de la discipline militaire et la lutte contre la désertion. On leur imposa, ce que pendant longtemps on n'osa imposer à un honnête homme ou à un paisible citoyen : un signalement. Aussi, à une époque où l'existence de cartes d'identité était inconcevable, les soldats étaient les seuls, avec les condamnés et les étrangers, soumis à l'obligation de posséder pour circuler ce passeport signalétique qu'était le congé absolu ou encore le congé limité, l'actuelle permission. Les troupes suisses montrèrent d'ailleurs beaucoup de répugnance à l'établissement des contrôles signalétiques. Parce qu'ils ont laissé derrière eux l'enregistrement officiel de leur identité, il est plus facile de connaître les soldats que leurs chefs, à l'encontre desquels il ne serait venu à l'esprit de personne de témoigner pareille suspicion. Or, ces soldats représentent une masse humaine considérable, à la formation de laquelle ont contribué, en proportions variables, presque tous les milieux sociaux surtout si on se rappelle qu'elle compte de nombreux miliciens, devenus soldats par tirage au sort. On voit quel intérêt les contrôles de troupes présentent non seulement pour l'étude de la société militaire, mais encore pour une approche de la société du dernier siècle de l'Ancien Régime prise dans son ensemble. Cependant, avant de préciser l'ampleur et la richesse de leur contenu, il est nécessaire d'expliquer leur origine, le mécanisme de leur établissement et aussi de décrire leur état présent.
Je me dois auparavant d'associer à l'œuvre le nom de Robert Dauvergne qui en 1949 me donna l'idée d'explorer les contrôles de troupes.
Cet ouvrage, présenté en 1964 comme thèse complémentaire de doctorat d'Etat n'est pas celui d'un archiviste. N'étant guère préparé à la confection d'un inventaire d'archives, j'ai dû une bonne part de mon initiation à M. Michel François, Professeur à l'École Nationale des Chartes, Secrétaire général du Comité international des Sciences Historiques, qui a accepté de guider mes pas dans le domaine où je m'étais aventuré. C'est encore vers ce maître que je me suis tourné lorsque j'ai entrepris cette publication. A M. Michel François va ma très profonde gratitude.
L'inventaire des Contrôles de troupes des Archives de la Guerre n'a pu être entrepris que grâce aux facilités de travail qui m'ont été offertes par le Service Historique de l'Armée. Je tiens à reconnaître ici ma très grande dette envers M. le Général de Cossé-Brissac qui le dirigea de 1954 à 1966, les colonels Pierre Chalmin, Patrick de Ruffray et Henri de Buttet, successivement chefs de la Section ancienne, M. Jean-Claude Devos, conservateur de cette même section et M. André Cambier, dont les encouragements et les conseils me furent infiniment précieux.
Pour la plus grande part la dactylographie du manuscrit a été assurée par le Service historique de l'Armée. Madame Ruaud chargée de cette tâche délicate y consacra de longs efforts.
Enfin, je n'aurais pu envisager la publication de ce travail sans l'accueil chaleureux et l'appui efficace de M. le Général Jean Fournier, Directeur du Service Historique de l'Armée depuis 1966 et sans l'aide du C. N. R. S.
De la confiance qui m'a été ainsi accordée, j'ai un compte fort lourd.
Ministère des Armées
Vincennes
NOTES BIBLIOGRAPHIQUES
Des études dont le Dépôt de la Guerre a fait l'objet, retenons :
Le répertoire des Contrôles de troupe se trouve dans :
La filiation des corps a été établie d'après : [Donne la succession des colonels, lieutenants-colonels et majors des régiments. Complétée partiellement à époque récente.]
Pour la forme de cet inventaire j'ai tiré quelques enseignements d'un travail effectué sur les archives des régiments prussiens.
Les noms des officiers qui ne figurent pas dans les contrôles ont été restitués pour les colonels, d'après les ouvrages de SUSANE et pour les autres d'après le manuscrit de DESBONNAYES et les contrôles collectifs d'officiers dont la liste figure ici, tome III.
L'administration des régiments et compagnies :
Les contrôles de troupes n'avaient été utilisés jusque-là que pour des recherches particulières ou de caractère généalogique, à l'exception d'une étude sur les noms de guerre : .
J'avais signalé l'intérêt des contrôles de troupes dans une communication à la Société d'Histoire Moderne : . Certains d'entr'eux ont été utilisés systématiquement dans ma thèse :
L'administration des régiments et compagnies peut être étudiée dans les collections d'ordonnances des Archives nationales (collection Rondonneau, de la Bibliothèque Nationale, collection Châtre de Cangé) ou des Archives de la Guerre et dans les fonds suivants des Archives de la Guerre :
- Série A1, Correspondance des secrétaires d'État à la Guerre.
- Série Mémoires et Reconnaissances.
- Série Ya, Pièces diverses des archives administratives.
- Série X, Archives des Corps de troupes.
- Série Yc, Papiers divers laissés dans les contrôles de troupes. (Tous les papiers déplacés et que je n'ai pu replacer à la page où est inscrit le soldat qu'ils concernent, ainsi que les documents d'intérêt général, ont été sortis des registres.)
CHAPITRE PREMIER
LES CONTRÔLES DE TROUPES
I - ORIGINE ET INSTITUTION
Les contrôles de troupes sont nés avec le souci non seulement d'être informé de la situation exacte de celles-ci, mais encore, quand il s'agit d'armées soldées, de surveiller l'emploi des fonds qui leur sont attribués. C'est à ce but que répondaient déjà les pridiana des Romains. La réapparition des mercenaires au début du XIVe siècle amena rapidement l'établissement d'états nominatifs dressés lors des revues de contrôle et qu'on appela des « montres ». Les plus anciennes montres connues datent de Charles V. Si les états de situation ou d'emplacement n'ont d'intérêt que pour l'histoire militaire, les montres s'inscrivent déjà comme une source de l'histoire sociale. Source parfois bien décevante, il convient de le reconnaître. Elles se présentent comme des énumérations de noms, précédés quelquefois de prénoms, sans que l'on puisse discerner le plus souvent s'il s'agit du nom de famille ou d'un nom de guerre. Jusqu'au début du XVIIe siècle, l'unité essentielle dans une troupe fut la compagnie. C'est pourquoi il n'existe que des montres de compagnies. Ces états nominatifs suffirent longtemps aux besoins d'une armée peu nombreuse, où les capitaines étaient personnellement connus de leurs supérieurs et connaissaient personnellement leurs hommes (Ferdinand LOT, L'Art militaire et les armées au Moyen-Age, Paris, 1946, 2 vol., in-8°, et Recherches sur les effectifs des armées françaises des guerres d'Italie aux guerres de religion, Paris, 1962, in-8°).
La levée par Richelieu d'une armée de plus de 100.000 hommes bouleversa complètement les anciennes habitudes. Aux vieilles bandes formées de guerriers à la vocation durable, s'ajoutèrent des régiments nombreux, la plupart éphémères, formés, si l'on en croit les contemporains, de vagabonds de races, de langues et de religions variées. Pour entretenir une armée aussi importante et instable, il fallut mettre sur pied une administration militaire, où le corps des commissaires des guerres joua un rôle essentiel. Les soucis financiers rejoignaient ceux que suscitait le maintien de la discipline. Bien des capitaines s'ingéniaient à tromper les commissaires des guerres en présentant aux revues des passe-volants, ces hommes recrutés uniquement pour la circonstance dans l'espérance de recevoir éventuellement l'argent du roi pour les hommes qui manquaient à la compagnie, soit par désertion ou décès, soit plus simplement parce que celle-ci n'avait jamais été complète. La répétition presque annuelle des ordonnances contre les passe-volants pendant le règne de Louis XIV montre combien le mal était profond. Les peines édictées pourtant étaient cruelles. Louvois avait ordonné de couper le nez aux faux soldats et de casser les capitaines fautifs. Les dénonciateurs recevraient leur congé absolu. Mais les dénonciations furent très rares, car les délateurs se heurtaient à une solidarité autrement plus redoutable que la justice du roi.
Pour distinguer le soldat véritable du passe-volant, autant que pour lutter contre la désertion, il était nécessaire de noter le signalement des hommes. Or, les ordonnances du XVIe siècle ne demandaient pas autre chose que la tenue de rôles des soldats. A ma connaissance, l'exigence du signalement n'apparaît dans l'armée française qu'en 1620. Cette année-là, Louis ХIII ayant conduit ses troupes en Béarn les avait fait manœuvrer avec toute l'attention qu'il portait aux questions militaires et avait assisté aux montres. Pour corriger les abus qu'il y avait remarqués, il prit une ordonnance datée du 26 septembre 1620, dont voici le texte :
« Le rois, ayant voulu assister en personne aux dernières montres des troupes et voulant remédier aux abus qu'il a reconnu être commis dans son infanterie, ordonne aux commissaires ordonnés à la conduite et police tant du régiment des gardes qu'autres par lui entretenus, de faire en chaque compagnie un rôle de signal de tous les gens de guerre de la compagnie sur lequel on portera le nom, le surnom, le lieu de naissance et les marques particulières de chaque soldat. Aux montres suivantes, les gens de guerre présents seront passés sur le rôle de signal de la compagnie et payés manuellement et à la banque, en présence d'un des chefs de la compagnie, du commissaire et du contrôleur départis pour la montre. Quand le capitaine enrôlera un nouveau soldat, le commissaire à la conduite l'inscrira sur le rôle de signal et le préviendra que l'intention du roi est que personne n'entre à son service, qu'il ne demeure et fasse au moins quatre montres dans sa compagnie pour pouvoir acquérir l'expérience et la discipline requises. Quand un soldat aura congé de son capitaine pour se retirer, il prendra un certificat du commissaire à la conduite qui cotera sur le rôle du signal le jour de son partement » (Bibliothèque Nationale, coll. Châtre de Cangé, vol. 21, folios 212-213).
Le règlement pour l'infanterie proposé à l'assemblée des notables de 1626-1627 renouvelle l'exigence du « rôle de signal » et en janvier 1629, le « code Michau » prescrit d'effectuer un nouveau contrôle de toutes les troupes en précisant les renseignements que ce contrôle doit comporter. L'article 235 s'exprime ainsi :
« Nous voulons et entendons que de tous les soldats qui sont maintenant sur pied, tant dans les vieux et nouveaux régimens que dans les places et forteresses il soit fait par les commissaires ordinaires des guerres et les controlleurs en présence des mestres de camps, et en leur absence des gouverneurs ou magistrats des places dans lesquelles les régimens sont en garnison, un enrollement nouveau, auquel les noms, surnoms, l'âge, la demeure et le mestier de chaque soldat sera spécifié avec le signal qui pourra estre remarqué sur lui ». (ISAMBERT. Recueil des anciennes lois françaises, t. 16, p. 286)
L'article 238 ajoute :
« Et que de chaque enrollement de compagnie il sera fait trois rolles qui demeureront l'un au payeur et l'autre au commissaire ou capitaine, et certifiez par le mestre de camp, gouverneur ou magistrat susdit pour sur iceux rolles appeler et payer les soldats aux prests ou monstres qui se feront ci-après ».
On ne pouvait alors mieux définir ce que devaient être des contrôles signalétiques. Mais sur ce point, comme sur d'autres, le « code Michau » semble être resté lettre morte. Il faudra attendre 1716 pour que soient institués de véritables contrôles de troupes. Dans l'intervalle on se contenta au plus de montres signalétiques. L'ordonnance du 23 octobre 1666 rappelait l'obligation de tenir des « rôles de signal ». Chaque capitaine devait en fournir un au commissaire des guerres dans un délai d'un mois, sur lequel chaque homme serait décrit et son lieu de naissance indiqué. Par la suite le capitaine devrait fournir au commissaire des guerres de mois en mois les mêmes renseignements sur les nouveaux enrôlés.
En fait, avec Le Tellier et Louvois se répandirent les montres indiquant le lieu de naissance, l'âge, la « figure » et quelquefois la profession. Les abus disparurent sous leur forme la plus grossière, mais la tromperie revêtit des formes plus subtiles, échanges de soldats entre capitaines, surnuméraires itinérants, faux billets d'hôpitaux... On vit surtout des déserteurs comptés comme tués, pour tenter de les faire remplacer aux frais du roi. Le chiffre des pertes officielles s'en accrut beaucoup... Il est vrai que les commissaires des guerres étaient devenus plus exigeants et s'inquiétaient de ce qui cinquante ans plus tôt eut été considéré comme péché véniel. Si Le Tellier et Louvois ont réussi à enrayer le mal des passe-volants, ils ont échoué contre celui de la désertion. On appliquait ce terme non seulement à tout départ de l'armée sans congé régulier, mais encore au fait très fréquent alors de quitter sa compagnie pour se rengager dans une autre. Le goût du changement n'était pas le seul mobile de ceux qui allaient de régiment en régiment. Il y avait aussi le désir de toucher à chaque fois la prime d'engagement. Ceux qui procédaient ainsi étaient appelés « rouleurs » ou « billardeurs ». Cela ne pouvait qu'affaiblir la cohésion des compagnies et de plus, coûtait fort cher au roi. Certains filous réussissaient même à contracter plusieurs engagements à la fois. C'est pourquoi les peines contre les « rouleurs » étaient les mêmes que contre ceux qui passaient à l'ennemi. La montre signalétique se révélait insuffisante à assurer un contrôle efficace de tous les hommes. On s'achemina lentement vers le registre de contrôle.
La France ne fut pas la première à utiliser les registres de contrôle, puisque l'armée suédoise en eut, d'assez sommaires, il est vrai, dès le règne de Gustave-Adolphe. Les plus anciens registres que nous possédions d'un corps français sont ceux des Invalides et datent de l'année de cette institution. Si en l'espèce on ne craignait guère les désertions, il était nécessaire d'enregistrer soigneusement les bénéficiaires et leurs titres à la faveur royale pour éviter des admissions frauduleuses. De plus, la méfiance était grande envers les vieux soldats difficilement réadaptables à la vie civile. Les contrôles des Invalides qui commencent en octobre 1670, mentionnent, outre les noms, prénoms et noms de guerre, le lieu de naissance et l'âge de chaque homme, la durée de ses services avec l'indication des régiments et compagnies où il est passé, ses blessures ou toute autre raison, maladie, caducité qui justifie son entrée à l'Hôtel, ainsi pour les premiers que le nom de l'abbaye où ils avaient été affectés comme oblats. On devait y ajouter par la suite, en mention marginale, la date du décès ou du départ. Les oblats ayant été rassemblés, l'ordre chronologique des admissions fut respecté à partir de 1676, peut-être 1675. Un corps de troupe auquel le roi donnait beaucoup d'attention, les Gardes Françaises, reçut ses registres de contrôle en 1674, à raison d'un par compagnie. Chacun était renouvelé lorsqu'il se trouvait rempli. La mention consacrée à chaque homme ne comprenait guère à l'origine que les noms, prénoms et noms de guerre, le lieu de naissance et l'âge, mais se montrait discrète pour le signalement proprement dit. La taille, la couleur du poil et les particularités physiques n'apparurent que peu à peu. Jusqu'à la fin de l'Ancien Régime, ces registres devaient garder le même aspect : même format et absence d'en-têtes imprimées.
Les autres corps eurent-ils des registres semblables avant 1716, année où commence la série régulière des registres conservés ? On peut en douter. En tout cas il n'en subsiste aucun. Or les dernières montres sont de 1697. Évidemment il n'y eut aucun vide administratif entre ces deux dates. Le terme de « montre » a disparu parce qu'il ne répondait pas à la précision croissante exigée des signalements. Celui de « contrôle » qui, jusqu'alors avait servi à nommer ce que nous appelons « contrôles d'emplacement » ou « états de situation » des troupes le remplaça pour désigner les états nominatifs et signalétiques. Il est appliqué dans ce sens en 1701 aux états des miliciens que les intendants de provinces, chargés de la levée devaient remettre aux officiers chargée de conduire ces hommes à leur bataillon. Ces états sont qualifiés ainsi par le ministre Chamillart : « controlle qui contienne le nom, l'âge, le poil, la taille et la paye de chaque soldat, en sorte qu'on puisse les connoistre parfaitement par ce signal ». Ces contrôles devaient être établis en double exemplaire, l'un destiné au corps, l'autre à l'intendance (Lettre de Chamillart aux intendants, citée par Georges GIRARD, Racolage et milice (1701-1715), p. 316, n. 4). Dans les troupes réglées, les contrôles de régiments dressés par le major avaient probablement déjà commencé à se répandre (Ordonnances des 21 mars et 1er août 1706), malgré des réticences qui montrent quelle liberté était laissée aux corps dans l'interprétation des ordres reçus. En 1707, un inspecteur d'infanterie, M. de Maupeou s'en plaint au ministre : « ... Vous conviendret par exemple avec moy, Monseigneur, qu'il seroit util au bien du service que chaque major eut un controlle signalé des soldats du régiment, comme il se pratique dans la cavalerie. Par là on éviterait que des capitaines ne missent des surnuméraires dans d'autres compagnies qu'ils reprennent quand ils en ont besoing ou qu'ils ne se servissent de soldats pour valets, ce qui diminue considérablement les bataillons pendant la campagne. L'inspecteur seroit sûr du véritable estat d'un régiment quand le major représenteroit son controlle. Cependant si je leur ordone aujourd'hui, les colonels leur deffendront aussytost » (Au camp de Rastatt, le 26 septembre 1707, Arch. de la Guerre A1 2028 n° 143). Le ministre esquiva la réponse. Il était indispensable que le roi donnât les ordres qui s'imposaient. Une ordonnance du 20 juin 1714 enjoignait aux majors des régiments de tenir « un controlle exact des cavaliers, dragons et soldats de chaque compagnie dans lequel le nom, le signal et le lieu de leur naissance soit spécifié afin qu'aucun n'y puisse estre admis n'y en estre osté sans en avoir connoissance » (Arch. Nationales, A D VI (Collection Rondonneau). La forme de ces contrôles n'était pas encore fixée. Peut-être certains majors avaient déjà pensé à relier en un volume les contrôles de compagnies en utilisant des registres. Rien ne permet de l'affirmer. Cependant des usages dans la tenue de ces contrôles s'étaient dégagés de la pratique. On s'en rend compte par l'analyse des registres de 1716. Ainsi le régiment de Poitou reçoit le 21 décembre 1714, deux compagnies du régiment de d'Ormoy dissous. Ce sont les compagnies Cressy et La Boulay. Les soldats de ces compagnies ne sont pas signalés dans les mêmes termes que les autres. Le major a vraisemblablement recopié les indications qui figuraient sur le contrôle du régiment disparu (Arch. de la Guerre, 1 Yc 723). Pour répandre et uniformiser les contrôles, il fallait que le roi fasse confectionner et distribuer aux majors des registres du même type.
L'effort d'organisation qui accompagna la démobilisation de la grande armée ayant soutenu la guerre de Succession d'Espagne se poursuivit pendant la Régence et porta ses fruits. L'ordonnance du 2 juillet 1716 qui accordait une amnistie générale des déserteurs, dans son article XXIII, créait les contrôles de troupe de l'armée française, ancêtres de nos registres matricules. En voici le texte :
« Pour faciliter à l'avenir la recherche des déserteurs et avoir une connaissance plus particulière des cavaliers, dragons et soldats dont les compagnies seront composées, il sera envoyé incessamment par le Conseil de la Guerre au major ou. ayde-Major de chaque régiment d'infanterie de cavalerie et dragons, un registre visé par ledit conseil sur lequel ils écriront, compagnie par compagnie, dans les colonnes marquées sur ledit registre, les noms propres, de famille et de guerre des sergens, caporaux, anspessades et soldats desdites compagnies, le lieu de leur naissance, l'élection, bailliage, seneschaussée ou chatellenie, dans le ressort desquels ledit lieu sera situé, leur âge, leur taille, les marques qui peuvent servir à les faire reconnaître et les dates de leur enrollement, observant de les placer sur ledit registre suivant leur rang d'ancienneté dans lesdites compagnies, ce qui sera aussi observé par la cavalerie et les dragons et les troupes étrangères à la solde de Sa Majesté ».
La tâche étant clairement définie et les moyens matériels nécessaires à l'accomplissement assurés par le gouvernement, celui-ci pressa l'exécution.
« Veut pour cet effet Sa Majesté que dans le courant du mois d'aoust prochain, le colonel ou commandant de chaque régiment fasse successivement assembler chez luy ou chez le major, ayde-major ou officier chargé du détail toutes les compagnies dont ledit régiment sera composé et que ledit major, ayde-major ou officier chargé du détail prenne et reçoive les déclarations desdits soldats conformément à l'article précédent, en sorte que ledit registre puisse estre rempli au dernier dudit mois » (art. XXIV).
D'autres précisions étaient données sur la tenue des registres. Majors ou aydes-majors devaient laisser six feuillets en blanc à la suite de l'enregistrement de chaque compagnie pour y inscrire les soldats qui s'enrôleraient par la suite (art. XXV). Ils devaient encore « marquer régulièrement sur leur registre, à costé de chaque article, les soldats qui seront morts ou qui auront déserté, et les jours desdites morts et désertions » (Arch. Nationales, A D VI. (14) A. CORVISIER, L'Armée française).
Les registres servirent de base à tout ce qui concernait le contrôle de la troupe. Signés et souvent paraphés ils auront la valeur de documents authentiques et officiels auxquels on se réfèrera en toutes occasions. D'abord ils consacrent l'enrôlement des hommes. « Deffend Sa Majesté à tous les Commissaires des Guerres à peine d'estre cassez et privés de leurs charges, de comprendre et passer dans leurs revues aucun soldat de recrue, qu'après en avoir vérifié l'enregistrement, auquel effet les majors ou officiers chargez du détail, seront tenus de représenter leurs registres auxdits Commissaires toutes les fois qu'ils en seront requis» (art. ХХVII).
Comme ces documents restaient au Corps, la Cour exigeait d'être exactement informée de leur contenu et des additions qui y seraient portées. Les officiers chargés de la confection des registres seraient tenus d'envoyer au conseil de la guerre « dans le quinzième du mois de septembre au plus tard », une copie « de toutes les déclarations qu'ils auront insérées dans ledit registre ». Par la suite « ils adresseraient de mois en mois copie de celles des soldats de recrue, dans le même ordre qu'elles seraient inscrites sur le registre, ainsi qu'un état de tous les morts et déserteurs avec copie de leur signalement ». (art. XXIX et XXX). Des peines sévères étaient prévues contre toute fraude : les galères perpétuelles à tous les soldats qui déguiseraient leur nom et le lieu de leur naissance (art. XXVI) et la cassation assortie d'un an de prison aux majors qui auraient inscrit des noms de soldats supposés (art. XXXI). Enfin il était prévu qu'on établirait, à l'aide des états mensuels adressés à la Cour des rôles signalétiques de déserteurs qui seraient envoyés à tous les intendants des provinces, commandante des places, commissaires des troupes, majors des régiments et prévôts des maréchaux (art. XXXII).
L'ordonnance du 2 juillet 1716 fut strictement appliquée. Si les registres ne furent pas remplis à la fin d'août, du moins on peut considérer qu'ils l'étaient sauf exception au premier octobre (A. CORVISIER, L'Armée française de la fin du XVIe siècle au ministère de Choiseul, Le soldat, t. 1, p. 380). M. de Maupeou qui avait demandé dès 1707 la tenue de ces registres avait sans doute été l'un des auteurs des articles cités. En tout cas il veilla à leur application. Le 4 juin 1717, il rend compte au Conseil de la Guerre qui de 1715 à 1718 remplaça le secrétaire d'état à la guerre, du peu d'ordre qui régnait dans le registre du régiment de Normandie (Lettre rendant compte de l'état du régiment de Normandie et du peu d'ordre qui règne dans le registre de ce régiment. Arch. de la Guerre, Mémoires et Reconnaissances, 1777, n° 13) et il fait refaire les contrôles. Cela nous vaut d'avoir deux contrôles successifs pour le premier et le second bataillon de ce régiment (1 Yc 621 et 619, 627 et 625). On retrouve cet officier jouant un rôle actif dans le renouvellement général des premiers contrôles en 1718 (Lettres des 21 mai, 30 mai, 3 juin 1718. Mémoires et Reconnaissances, 1777). Bien que les contrôles aient dû rester au corps ils furent demandés par le Conseil de la Guerre qui se les fit envoyer en 1717. Je n'ai trouvé aucun texte l'attestant, mais on peut constater que les hommes enrôlés en 1717 sont tous inscrits de la même écriture. Leurs signalements sont des plus restreints. Ils ont probablement été portés au reçu des états mensuels, le plus souvent incomplets, que les majors envoyaient à la Cour. La même observation peut être faite pour les contrôles de 1718.
On éprouva bien vite le désir de posséder deux exemplaires de chaque contrôle : un qui resterait au corps et un qui serait déposé à Versailles. En voici pour témoignage une inscription non datée sur la première page d'un contrôle du régiment de Condé-Cavalerie établi en 1718 : « Pour faire la copie du registre du régiment de cav[ale]rie de Condé ». Mais on ne sait rien de plus sur cette copie (3Yc 77). Peut-être est-ce un cas isolé. Il semble bien par contre que lors du renouvellement général qui eut lieu en 1722 deux exemplaires aient été établis. Dans un contrôle de cette date on trouve la mention suivante : « Je soussigné major du régiment d'agenois infanterie certifie les signalements au présent registre conforme (sic) à celuy qui reste entre mes mains, A Bergues, ce 14e aoust 1722, La Coretterie » (1 Yc 3). La date indiquée correspond à celle du renouvellement. Les allusions à ces doubles registres se multiplieront par la suite. Ainsi il est question du « registre que le régiment de Turenne garde» (3 Yc 288). On lit encore : « Double du registre envoyé par M. de Lormetel, major du régiment de Vivarais en avril 1744 » (1 Yc 1049-2). « Renvoyé le double à la Cour le 22 octobre 1749 » (Royal-Roussillon cavalerie) (3 Yc 261-4), « The coppy of this register was sent to court the 31 st of may 1757 » (Berwick-infanterie) (1 Yc 139-1), « Le double du présent registre a été envoyé à la Cour le 17 février 1779 » (Lanan-dragons) (7 Yc 18).
Les contrôles renferment quelquefois des lettres permettant de reconstituer le processus. On peut les classer en deux séries : les ordres du ministre aux majors et les lettres des majors accompagnant l'envoi du registre à la Cour. La lettre adressée par d'Argenson à « M, de Weitterchein, major du régiment Royal-Allemand, à Jussey en Comté », le 10 février 1746 ne laisse aucun doute sur le mécanisme.
« Je vous envoyé, Monsieur, suivant votre lettre du mois de décembre, deux nouveaux registres pour servir à l'enregistrement des cavaliers qui composent le régiment Royal-Allemand. Vous garderez celui qui est signé de moi et vous me renverres le double pour rester dans mes bureaux, après que vous aurès fait inscrire sur chacun de ces registres les noms, compagnie par compagnie de tous les cavaliers existants qui composent le régiment avec leur signalemens et la datte de leur enrollemens. Vous observerès que ces registres sont composés de 18 cahiers chacun à raison d'un cahier pour chaque compagnie. Je joins à ma lettre des feuillets pour marquer les changemens qui arriveront au régiment. Vous aurès agréable de m'en envoyer des états mois par mois le plus régulièrement que vous pourrès... » (3 Yc 236-3, pièce).
C'est dans les mêmes termes à peu de chose près que les ministres donnent leurs ordres aux majors pendant tout le XVIIIe siècle pour la confection des contrôles (Voir les lettres de d'Argenson au même major ou à son successeur. 3 Yc 236-5 et 236-7, pièces, 14 juillet 1749 et 9 mai 1756 (voir tome 3, Nos 2416 et 2418), etc.). La date de réception du registre à Versailles est souvent indiquée sur la feuille de garde : « arrivé au bureau le ... » ou « arrivé le... ». Cette inscription suit le visa du major de quatre à vingt-cinq jours selon la plus ou moins grande distance de la garnison à Versailles. Tandis que les inscriptions postérieures à la confection du registre concernant les nouvelles recrues ou les départs de la compagnie sont d'écritures diverses dans les registres restés au corps, il n'en est pas de même dans les registres conservés à Versailles. A l'époque de la guerre de Succession d'Autriche, c'était un commis à la main appliquée mais hésitante, probablement un vieillard, qui recopiait les indications des états mensuels.
Les contrôles sont pour l'infanterie des contrôles de bataillon et pour les autres armes des contrôles de régiment. Comme les registres comprennent autant de cahiers qu'il y a de compagnies dans ces unités, il fallait les renouveler à chaque fois que changeait la composition des troupes ou à la fin des guerres, après la réforme de nombreux corps. On les renouvelait également quand ils devenaient trop anciens ce fut le cas en 1729 et en 1771. En dehors des renouvellements généraux, d'autres registres sont constitués pour les unités de création récente ou en cas de perte ou de détérioration. Voici pour l'infanterie les dates de confection des contrôles, exception faite des remplacements particuliers :
Date : 1716. Caractère : création.
Date : 1718. Caractère : renouvellement général. Motif : mise des bataillons de 15 à 9 compagnies.
Date : 1722. Caractère : renouvellement général. Motif : mise des bataillons à 17 compagnies.
Date : 1729. Caractère : renouvellement général. Motif : registres de 1722 devenus trop anciens.
Date : 1734-1735. Caractère : établissement partiel pour les unités nouvelles.
Date : 1737. Caractère : renouvellement général. Motif : réforme de nombreux corps pour les unités nouvelles.
Date : 1744 à 1747. Caractère : établissement partiel pour les unités nouvelles ; renouvellement partiel. Motif : remplacement des registres détruits ou reconstitution des unités décimées ou captives.
Date : 1748 et 1749. Caractère : renouvellement général. Motif : réforme de nombreux corps et mise des bataillons à 13 compagnies.
Date : 1751 et 1752. Caractère : renouvellement partiel. Motif : réforme de quelques corps remplacement de registres m a] tenus (?).
Date : 1756. Caractère : renouvellement partiel. Motif : remise des bataillons à 17 compagnies. Dans certains registres on s'est borné à ajouter des cahiers.
Date : 1763. Caractère : renouvellement général. Motif : réforme de nombreux corps et mise des bataillons à 9 compagnies.
Date : 1764 à 1768. Caractère : renouvellement partiel. Motif : dans certains registres, le nouveau contrôle est inscrit à la suite du précédent.
Date : 1771. Caractère : renouvellement général. Motif : remise en ordre des contrôles.
Date : 1774. Caractère : renouvellement partiel.
Date : 1775. Caractère : renouvellement général. Motif : réforme de nombreux corps création des compagnies de chasseurs.
Date : 1776. Caractère : renouvellement général. Motif : mise de tous les régiments (sauf le régiment du roi) à 2 bataillons de 5 compagnies chacuns.
Date : 1784. Caractère : renouvellement partiel.
Date : 1786. Caractère : renouvellement général. Motif : début d'une nouvelle série de contrôles (ordonnance du 24 septembre 1786) : 1787 - an III.
Dans la cavalerie, les contrôles furent renouvelés aux mêmes dates à deux différences près. Le renouvellement général de 1722 semble avoir été effectué le plus souvent en 1723. En 1729 et 1730 laquelle le nombre des compagnies passa de 8 à 9 par régiment, eut lieu un renouvellement général des contrôles de l'arme. Dans l'artillerie, les premiers contrôles sont de 1720, année où le Royal-artillerie et le Royal-bombardiers furent fondus puis partagés en cinq bataillons.
Certains contrôles probablement jugés mal tenus furent refaits. J'ai déjà cité ceux du régiment de Normandie en 1717. C'est probablement le cas également de contrôles renouvelés de 1764 à 1766. Quelques- uns, assez bizarrement sont portés sur les pages restées blanches du contrôle précédant, donc compagnie par compagnie. Ainsi dans les registres du régiment de Quercy on se trouve en présence pour chaque compagnie de deux listes séparées seulement par cette formule : « recommencé les signalemens » (1 Yc 761).
Le renouvellement des contrôles ne pouvait se faire de manière immédiate. En général, dès que le major était informé d'un prochain renouvellement, il arrêtait les inscriptions sur le registre qu'il avait en main, aussi un intervalle de quelques semaines sépare quelquefois la clôture de fait d'un contrôle de l'ouverture du suivant.
A qui incombait le soin de surveiller l'établissement des contrôles ? Au ministère de la guerre existaient entre autres deux bureaux : celui du contrôle des troupes et celui des déserteurs ou des maréchaussées. Le fait qu'ils aient été souvent réunis sous une même direction montre que le but des contrôles était surtout la lutte contre la désertion et que ces documents constituaient leur instrument de travail essentiel. On peut en juger par les mémoires sur « les détails du bureau du Contrôle des Troupes et des Déserteurs » dont l'un, établi sous le ministère de Choiseul est très précis :
« Les détails de ce bureau sont le contrôle général contenant les signalements de tous les soldats cavaliers et dragons, la date de leurs enrôlements et tous les changements qui arrivent par congés, mort ou désertion.
L'envoy des registres aux majors des régimens pour y inscrire ces signalements et des feuilles pour marquer les changements.
Les lettres d'envoy aux officiers de maréchaussée des signalements pour en vérifier la vérité et aux majors des procès-verbaux de vérification lorsqu'il paroit que les soldats ont usé de déguisement.
Les lettres aux officiers de maréchaussée pour faire sommer les soldats tant ceux de recrue que ceux qui sont absents par congés limités de joindre leurs régiments, et l'envoy aux majors des procès-verbaux de sommations.
Les lettres pour faire arrêter les déserteurs et pour faire juger par le conseil de la guerre ceux qui par leurs interrogatoires ou autrement sont reconnus tels, et faire mettre en liberté ceux qui ne se trouvent pas dans le cas de la désertion.
L'expédition des ordres du roy pour faire conduire les déserteurs à leurs régiments.
L'expédition des ordres pour le paiement des frais de conduite des déserteurs à leurs régiments.
L'expédition des ordres pour le paiement des frais de conduite des déserteurs et gratification à ceux qui en font la capture.
L'envoy aux maréchaussées des extraits des jugements du conseil de guerre contre les déserteurs pour les afficher dans le lieu de leur naissance.
Le rolle des déserteurs que l'on forme tous les trois mois [publiés à 600 exemplaires] et dont l'envoy est fait à MM. les intendants, aux maréchaussées, aux majors des régiments et aux commissaires des guerres («Mémoires des impressions faites et fournies au bureau de Monsieur Destouches, contrôleur général de l'artillerie, au sujet du rôle des déserteurs de l'année 1710 par Léonard, imprimeur ordinaire du Roy». Paris, 2 octobre 1711. Ya 19. Cette publication continua pendant tout le XVIII3 siècle. On a conservé fort peu de ces registres. Voir tome 3, appendice au n° 4039).
Les lettres à MM. les intendants pour faire vérifier les engagements dont la validité est contestée par les particuliers que les officiers prétendent avoir enrôlés et qu'ils font sommer de joindre leurs compagnies.
Les lettres aux majors pour leur faire savoir que les engagements ont été jugés bons et valables ou nul [s] et de nul effet.
Les mémoires pour proposer des grâces pour des déserteurs.
L'envoy aux majors des cachets, congés militaires et exemplaires des jugements contre les déserteurs » (Ya 19, sans date. Entre 1760 et 1765. 605 exemplaires et 602 reliures papier marbré).
Après Le Blanc, secrétaire du conseil de guerre, puis secrétaire d'état à la Guerre qui signa certains des premiers registres, et même parapha ou fit parapher toutes les pages des registres destinés à rester à Versailles ce furent les chefs de bureau du contrôle des troupes et des déserteurs qui signèrent. On lit ainsi sur les pages de garde dont le formulaire est le plus souvent imprimé les signatures de Canaye en 1729 et 1730, Berthelot de Duchy en 1734, 1735 et 1737, Chateauvillard en 1740. Ensuite les ministres reprirent, sauf Belle-Isle, l'habitude de viser eux-mêmes les contrôles. Les contrôles de 1744 à 1753 portent la signature, M. de Voyer d'Argenson. Puis on trouve : R. de Voyer de Paulmy (1754-1757) le lieutenant général Crémilles adjoint de Belle-Isle qui avait reçu pouvoir de signer et contresigner toutes les expéditions (1759-1760), Duc de Choiseul (1762-1767), Monteynard (1771) Maréchal du Muy (1775), P[rin]ce de Montbarey (1776-1779), Maréchal de Ségur (1782-1785).
On étendit aux contrôles de la milice les règles et pratiques du contrôle des troupes. Laissons de côté les registres où les hommes sont inscrits par subdélégations et paroisses et qui sont des sortes de contrôles de recrutement, dressés par les subdélégués et qui avaient un caractère civil plus que militaire. Nous constatons que deux séries de contrôles furent constituées, l'une restant au bataillon de milice, l'autre destinée à la Cour. On trouve dans l'un d'eux l'apostille suivante : « Envoyez (sic) à M. Berthelot-Duchy, intendant du commerce chargé des affaires concernant la maréchaussée de France à la Cour, le pareil registre le 22 7bre 1735. Signé Dumont, ayde-major du régiment de Menou du 1er octobre 1734 » (2 Yc 5). Il semble bien qu'à partir de 1761, l'exemplaire qui allait jusque là au ministère ne dépassa pas toujours l'intendance. En effet, les archives d'intendances conservent des registres signés Crémilles. Quand en 1774 les régiments provinciaux remplacèrent les bataillons de milice, il semble que les contrôles de ces unités aient été établis en triple exemplaire. L'intendant d'Alençon écrivait le 15 octobre 1778, probablement au commis du secrétariat de la Guerre chargé du contrôle des troupes :
« Monsieur,
Le sieur Beau Commissaire des guerres m'ayant remis depuis quelques jours les contrôles des trois Bataillons de garnison [c'est le nom porté alors par les bataillons restés dans les provinces] de mon Département, je les aі fait transcrire conformément à l'article 10 du titre V de l'ordonnance du premier mars 1778 et j'ai l'honneur de vous en envoyer une expédition. Je suis...» (2 Yc 6, pièce).
Je pense qu'un exemplaire était destiné au ministère, un à l'intendance et le dernier au corps, mais n'ayant jamais trouvé trois exemplaires d'un même contrôle, je ne puis évidemment le prouver.
En 1778 également des registres de contrôle furent établis sous une forme peu différente pour les canonniers garde-côtes. Ils sont généralement conservés dans les archives d'intendances. Enfin les troupes de la Marine et des Colonies, bien que ne dépendant pas de la même administration adoptèrent également cette forme de contrôle et au début utilisèrent les mêmes registres que l'armée de terre.
2 - ÉTABLISSEMENT DES REGISTRES
A) LES TYPES DE REGISTRES
En tête de chaque contrôle de régiment de cavalerie ou dragons, de bataillon d'infanterie ou de compagnie de mineurs, se trouve une feuille de titre portant une formule, généralement imprimée, sauf au début, avec des espaces laissés en blanc, que le major remplissait. Voici un exemple de la formule encore manuscrite utilisée sous le ministère de Le Blanc.
« Registre contenant quarante huit feuilles numérotées par « première et dernière et paraphé de nous, conseiller secrétaire d'état ayant le département de la guerre pour servir à l'enregistrement des cavaliers, compagnie par compagnie du régiment de Grieux, en exécution de l'ordonnance du 2 juillet 1716 à laquelle le major ou officier chargé du détail sera obligé de se conformer » (3 Yc 124, année 1723).
Au bas figure souvent la signature de Le Blanc. Cette formule est employée jusqu'en 1776, avec quelques variantes : la référence au signataire disparaît, mais il s'y ajoute après les mots : compagnie par compagnie, l'expression : « avec leurs signalemens et la datte de leur enrollemens... » (par exemple, 1 Yc 247, année 1744). Le nombre de pages est indiqué soit par le nombre de feuilles, soit par le nombre de cahiers de x feuilles. En 1776 apparait la référence à la composition nouvelle des régiments ou bataillons. Cette formule peut se terminer par : « Fait à Versailles » ou à Paris, quand il s'agit des registres du ministère, ces mots étant imprimée ou non, ou par « Fait à... » que le signataire complète en ajoutant également la date. Pour les registres de milice la formule est manuscrite, jusqu'au moment où les bataillons de milice prennent le nom de régiments provinciaux. Elle est plus explicite, s'adressant à des officiers moins expérimentes :
« Registre contenant deux cens feuillets pour porter les noms des sergens, caporaux, anspenssades, soldats et tambours du bataillon de milice de... Paris..., suivant le nombre d'hommes dont il se trouvera composé à la revue qui en sera faite par le commissaire des guerres pour le mois de décembre 1759, devant être laissé sept feuillets en blanc entre chaque compagnie pour у porter par la suite les miliciens de remplacement. Ledit registre devant être tenu et conservé par les soins de l'ayde-major dud. bataillon sous les yeux du commandant qui instruira l'inspecteur général des milices après chaque revue de la situation dud. bataillon.» Signé : Crémilles (13 Yc 93, décembre 1759).
Pour la revue de 1761, on renouvella les registres et la formule, toujours manuscrite, se terminait ainsi :
« ... Dès qu'on aura reporté sur ce nouveau registre les signalemens de tous les hommes du bataillon comme il est dit су dessus, il faudra renvoyer au secrétaire d'état ayant le département de la guerre le précédent registre. Le nouveau sera tenu et conservé par les soins de l'ayde-major du bataillon sous les yeux du commandant pour servir aux revues du commissaire des guerres et à former la Récapitulation qui doit être envoyée chaque mois à l'inspecteur général des milices par le commandant dudit bataillon ». Signé : Crémilles (13 Yc 12, janvier 1761).
Pour les régiments provincianx le texte sera plus bref :
« Registre contenant... 160... feuillets, pour servir à l'enregistrement des noms et des signalemens des soldats qui composent le régiment provincial de ... Moulins... de ...2... bataillons, en exécution de l'article 13 du titre 7 de l'ordonnance du Roi du premier décembre 1774 » (13 Yc 24, année 1775). Souvent suivent les signatures du commandant du régiment, du major et du commissaire des guerres.
Voici quelle est la composition des registres pour l'infanterie :
Contrôle de 1716 : 128 feuillets.
Contrôle de 1718 : 156 feuillets, 12 pour la compagnie de grenadiers, 18 pour chacune des compagnies de fusilliers.
Contrôle de 1722 : 102 feuillets.
Contrôle de 1729 : 148 ou 136.
Contrôle de 1737 : 136 feuillets, 8 pour chacune des 17 compagnies type utilisé jusqu'en 1749).
Contrôle de 1749 : 156 feuillets, 12 pour chacune des 13 compagnies.
Contrôle de 1756 : 170 feuillets, 10 pour chacune des 17 compagnies.
Contrôle de 1763 : 180 feuillets, 20 pour chacune des 9 compagnies (type utilise jusqu'en 1776).
Contrôle de 1776 : 150 feuillets, 30 pour chacune des 5 compagnies.
Pour la cavalerie, les registres de contrôle sont moins épais. Dans toutes les armes un type de registre peut prolonger son existence après l'арparition du type suivant, car on utilise les registres non employés.
Les registres doivent être remplis conformément aux en-têtes imprimés en haut des colonnes qui divisent chaque page. Ceux de 1716, 1718 et 1722 comportant six colonnes de neuf cases par page, correspondant aux rubriques : « Noms propres, surnoms et noms de guerre – lieu de naissance – élection, baillage, sénéchaussée ou chastellenie – signalement – datte de l'enrollement – datte des morte – des congez absolus et désertions ». En 1729, il n'y a plus que cinq colonnes. Tout ce qui concerne le lieu de naissance est rassemblé dans « Lieu de naissance, Province et Juridiction ». A partir de 1735, le nombre des colonnes est réduit à quatre « Lieu de naissance, Province Juridiction et Signalement » n'en formant plus qu'une. En 1776, les registres sont de format légèrement plus petit et ne comportent plus que sept cases par colonne. Il existe un registre à la disposition inhabituelle, celui de Béarn-infanterie en 1776, où chaque page est répartie en quatre colonnes de cinq cases seulement (1 Yc 102). Signalons enfin l'existence pour l'infanterie de deux registres de très grand format qui sont des contrôles d'inspection effectuée en 1764. Ils groupent chacun les inspections de quatre régiments (ce sont 1° 1 Yc 903, pour Royal-Suédois, Nassau, Bouillon et Royal-Deux-ponts. 2° 1 Yc 1094, pour Limousin, Royal-des-Vaisseaux, Orléans et La Couronne). Un dernier registre, appartenant au régiment d'Auvergne, et datant probablement de 1775 est également de grand format et toutes les pages contiennent sept colonnes de dix cases (1 Yc 75). Il s'agit probablement aussi d'un contrôle d'inspection.
Avec les milices, on trouve plus de variété, car avant 1759, il semble que chaque généralité ait adopté un type de registre à son gré. Si les registres de la généralité de Paris ont assez tôt des en-têtes imprimés, ceux de Limoges sont longtemps écrit sur papier blanc (13 Yc 109-2, année 1756). Les renseignements demandés sont plus nombreux que dans les troupes réglées. On у voit figurer le nom de la paroisse pour laquelle servent les miliciens, qui n'est pas toujours celle de la naissance, quelquefois la profession et un numéro matricule. Voici les rubriques que l'on trouve sur le type le plus répandu :
— Noms de compagnies
— Noms de baptême, de famille et de guerre des miliciens et leurs grades dans les compagnies
— Lieux de naissance, provinces, juridiction et signalement desdits miliciens dans lequel il sera fait mention de leur âge
— Paroisses et communautés pour lesquelles ils servent
— Date de leur entrée dans le bataillon
— Colonne d'observations оù l'оn remarquera ce que devient chaque milicien
— Le jour qu'un milicien sera entré à l'hôpital externe ou du lieu
— Le jour de son retour à la troupe
— Le jour qu'il aura obtenu un congé et pour combien de temps
— S'il n'a pas rejoint
— S'il a rejoint, quel jour ?
— Le jour qu'il aura déserté
— Le jour qu'il aura été mis au conseil de guerre
— S'il a été condamné par contumace ou contradictoirement
— Celui où il sera renvoyé dans sa province pour raison d'infirmité ou de défectuosité
— Celui où il aura passé aux grenadiers
— Le jour de la mort du milicien
Ces indications minutieuses sont inscrites sur deux pages. Chaque colonne est divisée en cinq cases (par exemple, bataillon de Chartres, 13 Yc 12).
В) TENUE DES REGISTRES
C'est aux majore qu'incombait le soin de tenir les registres. Outre la formule portée sur la feuille de titre, recevaient-ils d'autres instructions ? Il est difficile de le dire. Les lettres par lesquelles les ministres leur ordonnaient de remplir de nouveaux registres sе bornent à rappeler ce que tous les officiers chargés du détail devaient savoir.
Si le major est responsable du registre, il établit rarement lui-même le contrôle. Il arrive toutefois que non seulement il signe la formule de la feuille de garde, mais qu'il en remplisse les blancs. Ainsi on peut connaître son écriture. Il est exceptionnel que celle-ci se retrouve dans le reste du registre. Signalons pour cette raison le cas d'un contrôle de Royal la Marine établi en 1737, ou tout est écrit de la même main que la signature du major Limones (1 Yc 879). Ce dernier a-t-il tout composé lui-même ou sommes-nous en présence d'une signature autorisée ? On peut dire que le registre n'est presque jamais composé par le major mais par l'aide-major ou un capitaine chargé du détail. Il n'est pas rare que ce soient ces officiers qui signent la feuille de garde et assument la responsabilité du contrôle. J'ai trouvé une allusion à l'intervention d'un copiste (« Le copiste a sauté cette feuille par mégarde ». 1 Yc 282, Cie de grenadiers). Dans les régiments à plusieurs bataillons, le major a sous ses ordres un aide-major par bataillon. A chaque renouvellement des contrôles la même date est assez souvent indiquée pour chaque bataillon, même quand ceux-ci ont des garnisons différentes. Ainsi dans Souvré-infanterie, les contrôles des deux bataillons sont datés l'un de Toulon, l'autre de Marseille, du 6 janvier 1738 par le même officier qui a signé : Longuenos (1 Yc 969). On peut penser par contre que le major a surveillé les opérations lors qu'il signe à des dates différentes les contrôles des bataillons cantonnés en des lieux différents. Dans Talaru-infanterie, il semble bien que le major Milly se soit rendu sur place le 15 avril 1759 pour viser le contrôle du 3e bataillon, stationné à Landerneau et Brest ; le 18 avril à « Saint Paul « (probablement Saint Pol de Léon), pour le 2e, à Lesneven et Roscoff le 25 avril pour le 1er et le 4e (1 Yc 920). En 1744, le major du régiment de Mailly a dû faire diligence pour se trouver le 29 juillet à Briançon où séjournait le 2е bataillon, le 30 à Embrun auprès du 4e et le 1er août à Montdauphin avec le 1er et 3e (1 Yc 544). Dans quelques bataillons on connaît même la date d'établissement du contrôle, compagnie par compagnie. Par exemple dans Touraine-infanterie en 1737, le contrôle de chaque compagnie est précédé de la formule « Renouvelé le ... juin 1737 » (1 Yc 999-1). Il en est de même dans le contrôle de Colonel-général-dragons à la même date. Cependant cette pratique est assez rare et le plus souvent lorsque les dates d'établissement des contrôles de chaque compagnie sont indiquées elles coïncident (par exemple dans Vivarais-infanterie, où en tête de chaque compagnie on lit : « Arrêté et Renouvelle, 1e r Xbre 1784 ». 1 Yc 1048).
Le plus souvent les contrôles des bataillons d'un même régiment, bien que d'écriture différente, présentent les mêmes formules et apportent les mêmes renseignements. C'est l'indice de l'autorité du major sur ses subordonnés. Mais il y a des exceptions. Dans Royal-Comtois en 1763, bien que le major ait signé les contrôles des deux bataillons, les professions des soldats et de leur père qui figurent dans le contrôle du premier sont absentes du second (1 Yc 862). Il arrive enfin que le major ne se borne pas à apposer sa signature mais qu'il la fasse précéder de ces mots : « Vérifié par nous, major dudit régiment, à ... le ... » ou simplement « vérifié le ... » ou encore : « bon » (Par exemple, Touraine en 1737, 1 Yc 999 ; Royal-Auvergne en 1784, 1 Yc 849 ; Béarn en 1786, 1 Yc 102-3).
Que dure la confection d'un contrôle ? Stanislas-Roy cavalerie porte sur la première feuille la mention : « Fait à Vendosme le premier février 1729 » et sur la feuille de titre : « certifié exact le premier février 1729 [signé] le major, La Penche » (3 Yc 220). Cela ne nous renseigne guère.
Le temps que durait les opérations préliminaires n'est connu que lorsque le contrôle de chaque compagnie est daté. Il aurait dû être bref si tous les officiers avaient suivi les préceptes mis au point par Guignard dans son ouvrage célèbre : L'École de Mars, paru en 1725, Voici ce que Guignard conseillait au capitaine :
« Il doit 1° avoir un Registre, qui contienne les Enrôlemens des Sergens et des Soldats, avec leur âge, leur Pays, et le signalement de ce qu'il у a de plus remarquable en eux ; afin que lorsqu'il en dénonce quelqu'un comme déserteur, il soit aisé aux Prévôts de les reconnoître ; et afin qu'à mesure que quelque Soldat manque, par désertion, par mort, pour avoir été congédié, on tiré pour les Grenadiers, il puisse en faire mention au-dessous ou à côté de son nom, pour у avoir recours, en cas que les parents du Soldat eussent besoin d'un Certificat, pour justifier sa mort, ou qu'il est vivant, ainsi qu'il arrive communément. Pour être donc toujours en état de donner de ces Certificats essentіels, avec connaissance de cause ; ce Registre doit passer du Capitaine qui quitte, à celui qui le remplace, pour servir pour ainsi dire d'archives à la Compagnie. Si ce Registre se perdait, on doit avoir recours à celui que le Major garde, contenant les Enrôlemens de tous les Soldats du Régiment...» (Pp. 679-680).
Car de plus Guignard recommande au Major de posséder pour son compte personnel outre un registre des dépenses et des recettes, un livre des enrôlements :
« Le Major doit avoir un second Livre qui contienne les Enrôlemens de tons les Sergens et Soldats du Régiment, distinguez par Compagnie, et dans lа même forme que nous l'avons marqué à l'article du Mestre de Camp [C'est le contrôle de troupe]. Pour cet effet il doit se faire amener les soldats de Recrue à mesure qu'ils arrivent, pour prendre d'eux-mêmes la note de leur enrôlement. Il doit marquer dans le même livre la datte de la Commission de chaque Capitaine, et le jour de la réception des Officiers subalternes ; afin de régler leur ancienneté : il faut у ajouter leur Pays et le lieu de leur résidence, pour pouvoir leur écrire en cas de besoin» (Ibid., p. 704).
On ne trouve qu'exceptionnellement trace de ces registres personnels d'enrôlement qui, il est vrai, étant la propriété des officiers, revenaient dans les familles de ceux-ci. On rencontre plus fréquemment des registres de dépenses et recettes. Il ne semble pas que les officiers aient souvent tenu des registres personnels d'enrôlement, dont l'existence aurait facilité l'établissement des contrôles de troupes.
En général en période de guerre ces derniers sont plus négligés qu'en période de paix, non pas dans le signalement de chaque homme, mais dans leur composition générale. Par exemple les états mensuels informent la Cour de décès ou de congés bien antérieurs, ce qui dans ce dernier cas ne s'explique guère. Plusieurs de ces états étaient restés déposés dans les contrôles.
L'étude des registres montre combien jeune était encore l'administration militaire jusqu'au milieu du siècle. Malgré les en-têtes, les colonnes sont utilisées avec une certaine fantaisie. Par exemple, dans Beauvaisis-infanterie en 1718, la taille des hommes est indiquée dans la colonne : « Noms... » et non pas dans celle « signalement » (1 Yc 118 et 119). Dans Tournaisis et Traisnel-infanterie, les états de service et les congés figurent aussi dans la colonne « Noms... » (1 Yc 1015, 1016 et 1017-1019). Les noms des parents et les professions sont mentionnés soit dans la colonne « Noms » soit dans celle « signalements » (dans Rouergue-infanterie en 1718, on trouve dans la première colonne ; outre les noms, prénoms et surnoms, la profession du soldat, les noms des parents et la profession du père, dans la deuxième, le lieu de naissance, l'âge et la taille, dans la troisième, la juridiction du lieu de naissance... 1 Yc 789). Certains majors prescrivent que les officiers chargés du détail laissent en blanc quelques cases, entre les signalements des sergents et ceux des soldats, pour pouvoir у inscrire éventuellement les noms des nouveaux sergents ou ceux des cadets ou volontaires qui arriveraient par la suite à la compagnie. Effectivement, ces cases sont quelquefois remplies d'une autre main, donc après coup par exemple en 1729 dans Rouergue-infanterie (1 Yc 788). Cet usage se répand à la fin du XVIIIе siècle. Le chevalier d'Argoeuvre l'impose de manière précise dans le régiment de Chartres-cavalerie en 1772 :
« Il sera réservé pour les changements qui pourront arriver des trompettes et bas-officiers de chaque compagnie au livre de signalement du régiment le nombre de cas(s)es су après désigné qui resteront en blanc ; scavoir deux cas(s)es en blanc après celle qui sera nécessaire au signalement de chaque timbalier ou trompette, même nombre après celle des fouriers, quatre cas(s)es après celle des deux maréchaux des logis et après celles des quatre brigadiers pour remplir les places qui pourront vaquer par la suitte, et éviter les transpositions qu'occas(s)ionnent les remplacements » (5 Yc 5-2).
Dans Belsunce-Dragons ce ne sont pas moins de douze cases qui restent libres entre la liste des brigadiers et celle des dragons. (7 Yc 4-2).
Non seulement les usages ne sont pas complètement unifies d'un régiment à l'autre, mais les termes employés par l'administration militaire ne sont pas encore fixés. Prenons l'exemple du mot « congé ». Il signifie le plus souvent le départ de l'armée par suite d'une autorisation irrévocable, c'est le congé absolu, ou au contraire momentanée, c'est le congé limité, équivalent de nos permissions. Mais on rencontre le mot congé employé dans le sens de durée d'engagement, d'engagement ou même de service. Un congé de six ans est un engagement de six ans. On lit quelquefois « congé limité » pour engagement à temps, par opposition à «congé sans limite » ou engagement à vie (Rohan-infanterie, compagnie Parisot, soldat Jean Prévost, enrôlé en 1749. 1 Yc 782-2). Le major du régiment de Vermandois en 1747 et 1749 emploie le mot « promesse » pour engagement et celui de « consigne » pour signalement (1 Yc 1032). Certains mots changent de sens : « Réformé » signifie d'abord libéré de son engagement, par suite de la dissolution de son régiment. Il s'applique ensuite à tout congé absolu involontaire puis au renvoi pour inaptitude. A la fin du XVIIIе siècle le mot est employé concurremment dans ces différents sens.
La très grande diversité dans le détail des registres traduit la personnalité du major, l'origine régionale et le niveau d'instruction de l'aide-major. Certains majors se montrent des administrateurs remarquables. Le chevalier d'Argoeuvre écrit au dos des feuilles de garde ses instructions pour l'officier chargé du détail, relatives non seulement à la tenue des registres, mais à l'ensemble de la fonction. Ainsi nous avons des renseignements précieux sur l'exécution des ordres de la Cour. Voici entre autres une de ses instructions :
« ... L'officier chargé du détail ne devra jamais négliger les congés ou certificats qui pourraient constater l'ancienneté des services des hommes engagés pour servir au rég[imen]t qui auraient servi dans d'autres corps et ils seront conservés avec le plus grand soin en un[e] еnveloрре intitulée du nom de la comp[agn]ie où chacun de ces dits hommes pourront être placés afin de faciliter les moïens de les retrouver et de les présenter lorsqu'ils seront dans le besoin de prouver les différents changements qu'ils se seraient permis dans leur service » (Commercy, 20 janvier 1777. Chartres-dragons. 7 Yc 8).
Sans doute, tous les majors ne témoignaient pas des mêmes qualités mais les cas de désinvolture semblent très rares. Peut-être a-t-on fait disparaître les registres les plus défectueux ? Il est des majors très scrupuleux qui multiplient les additions et rectifications, portant notamment sur les tailles, les âges et aussi les lieux de naissance.
Dans les contrôles les mieux tenus on constate des omissions qui pourraient être volontaires. Certains majors scrupuleux se font sans doute, conformément aux ordres reçus, présenter le billet d'enrôlement du soldat et ne dressent le signalement que lorsque l'homme est présent. Ainsi échappent les hommes en détachement ou en congé limité, absents au moment de l'établissement du contrôle. Aussi les voit-on inscrits plus loin avec la mention « a été omis » ou « par oubli » et une justification de l'oubli (Par exemple, Georges Stukinger, grenadier au régiment d'Alsace. 1 Yc 15-7). Ainsi en 1716, André Aymard, fantassin au régiment de Gâtinais, « avoit ésté oublié [étant] détaché aux Salines d'Yeres » (1 Yc 366, ci e Neuvefont).
Le signalement de Jean-Louis Coudray, du Royal-Auvergne en 1783 porte ainsi l'indication : « Omission à réparer d'après la cartouche enregistrée sous le n° 28370 », probablement la cartouche de congé limité de ce soldat (1 Yc 849-2, ci e de Saint-Florent, à la page précédente). Evidemment ces omissions peuvent aussi être tout à fait involontaires. Il semble que bien des majors n'hésitent pas à inscrire l'homme absent, même s'ils ne possèdent pas son signalement. C'est ainsi que l'aide-major du régiment de La Chenelaye en 1716 a fait confiance au nommé Magalotty, en ces termes : « Il est par congé. Envoyera sa consigne (c'est-à-dire son signalement) à son retour. Il est caporal » (1 Yc 410-1, en 1716, ci e La Chenelaye).
Enfin l'on peut affirmer qu'à partir du moment où les milices reçurent des registres de contrôles de troupes, les officiers de ces unités semblent s'être acquittés avec assez de conscience de la tâche administrative qui leur était demandée. La surveillance de l'intendant, le désir de jouer un rôle dans la province ont sans doute contribué à leur zèle.
3 – UTILISATION ЕТ ÉТАТ ACTUEL
Des le ministère de Choiseul, les contrôles furent utilisés, non seulement à la demande des officiers et services administratifs, mais à celle des bas-officiers et hommes de troupe. En effet, les retraites militaires créées par l'ordonnance du 26 février 1764 ne pouvaient être accordées que sur la présentation d'états de service dûment attestés, donc établis d'après les documents authentiques, Déjà la conservation des registres faisait l'objet des plus grands soins. Après leur remplacement par les registres suivants, on détruisait en principe un exemplaire sur deux. Il semble que l'ordre ait été donné de conserver, après son retour de Versailles, le registre qui avait jusque là été gardé au corps. Sur le registre 3 Yc 53 ouvert le 11 mai 1753 et signé de Crémilles au nom du ministre, on lit : « registre à supprimer », ordre qui n'a pas été exécuté. En fait, on possède actuellement tantôt le registre du corps, tantôt celui de Versailles, quelquefois les deux. Pour le choix des registres à garder, on a eu le souci de ne pas créer de lacunes dans les signalements. La feuille de garde du registre de Royal-Roussillon porte l'inscription suivante : « Le double de ce registre a été adressé au Bureau au commencement de l'année 1787 en vertu de l'ordonnance du 24 7bre 1786. Mais comme il ne prenoit qu'à compter de 1766 et que celuy-ci prend de 1763, on a jugé à propos de le conserver en у faisant la correction des erreurs qui ont pu s'y glisser, d'après celui renvoyé par le corps, qui a été mis au rebut » (1 Yc 898).
Les feuillets inutilisés furent le plus souvent détruits. Déjà quelques majors avaient procédé ainsi. « J'ai supprimé quatre cahiers de ce registre attendu sa réduction », écrit le major de La Rochefoucauld-cavalerie en 1749. Cela se produisit dans l'infanterie lorsque le nombre des compagnies d'un bataillon passa de 17 à 13. (L'inscription se termine ainsi : « Fait à Castres ce 10e May 1749, Létan, Major». 3 Yc 146-3. On lit dans 1 Yc 712, contrôle du régiment de Piémont en 1773 : «On a gardé ces différentes feuilles que l'on a [re]gardé[es] comme nécessaire[s] dans le cas d'un répertoire»). Cette fois c'est à Versailles que ce travail fut affecté. Ce procédé fut désormais appliqué aux contrôles postérieurs à 1763. Il devait l'être également à des contrôles antérieurs probablement à ceux dont l'état nécessitait une nouvelle reliure.
Ainsi on peut distinguer trois sortes de volumes.
D'abord les registres d'origine, à couverture de parchemin. Le carton de la couverture, fait quelquefois de papier fort ou de papiers de récupération imprimés ou manuscrits, est toujours recouvert d'une feuille de parchemin. Chacun de ces volumes contient le contrôle d'un bataillon d'infanterie, artillerie, milice, ou d'un régiment de cavalerie ou dragons. Exceptionnellement, le registre 1 Yc 878 de 1755 est composé des contrôles des trois bataillons de la Marine-infanterie.
Dans ce groupe de volumes figurent tous les contrôles de 1716, 1718, 1722 et un nombre décroissant de contrôles de 1729, 1737, 1744, 1749 voire 1763, il s'en trouve même de 1775 (Flandre-infanterie, 1 Yc 342), enfin tous les contrôles de grenadiers royaux et de milices. Les contrôles des Invalides et des Gardes Françaises appartenant à un autre type et restant au corps sont des registres d'origine. C'est sous cette forme que les registres étaient envoyés par le ministre aux majors des divers régiments. Il est impossible que les cahiers composant ces registres aient été reliés après coup. Outre que dans leur correspondance le ministre et les majors ne parlent jamais que des registres, il existe une autre preuve : dans les contrôles de 1716, les feuillets consacrés à chaque compagnie ne correspondent pas à un cahier. Certains dessins fantaisistes sur les couvertures sont le résultat de longs séjours dans les corps (Touraine-infanterie de 1775, porte des dessins de fleurs, 1 Yc 1006. RoyalLa Marine de 1755, contient un portrait. 1 Yc 878). Il en est de même de réparations de fortune dans lesquelles les cartes à jouer manuscrites tiennent une grande place. Plus émouvantes sont les traces de boue, témoignages de la vie des camps. Les fournisseurs de ces registres ne sont connus que pour les dernières années de l'Ancien Régime, par les vignettes de papetiers, collées sur les couvertures, Malheureusement certaines ayant tenté les collectionneurs ont été découpées. On ne les trouve que pour des corps stationnés à Paris : Gardes Françaises ou milices de Paris. Elles indiquent les maisons suivantes : « A la Flotte de Hollande, rue de Seine au coin de la rue de Вussy, Fauxbourg Saint Germain, BOUTON, marchand... à Paris 1768 » (Registre des appointés chirurgiens. 11 Yc 137). « A l'Espérance rue Neuve des Petits Champs, en face de l'Hotel du Contrôle Général des Finances, MARQUIS, marchand tient magasin des Papiers de France et de Hollande... fournit les bureaux, à Paris » (13 Yc 92). « Aux Envieux de la Vertu, rue de la Verrerie, près Saint Méry à Paris, DE SAINT AMAND tient magasin de toutes sortes de papiers, registres et autres marchandises concernant le Commerce et la Finance » (11 Yc 114). Enfin « Lamу successeur du sr Ract, Md Papetier de l'Assemblée Nle, Trésorerie, Guerre et Marine, rue St Nicaise n° 487 » (11 Yc 45, ainsi que 11 Yc 36, 41, 42, 43). Pour les registres d'inscription des Gardes Françaises, la vignette postérieure à la clôture du registre, indique qu'on a doté celui-ci d'une nouvelle reliure, la première sans doute fatiguée par un usage constant, de plusieurs dizaines d'années.
Le deuxième type de volume est celui qui fut utilisé au fur et à mesure pour rassembler tous les contrôles postérieurs à 1763. A ce type appartiennent plusieurs groupes homogènes de volumes uniformes. Ce sont pour l'infanterie :
1°) Les « Registres Rouges » appelés ainsi par les bureaux, à couverture de carton habillée de papier marbré dont la couleur rouge à passe. Ils rassemblent les contrôles de 1763 à 1775 inclus. Leur composition varie. A cette époque un contrôle fut quelquefois inscrit à la suite du précédent, compagnie par compagnie, sur les feuilles restées libres. Dans Quercy-infanterie, les deux contrôles successifs sont simplement séparés, en milieu de page, par ces mots : « Recommencé les signalemens » (1 Yc 761-1). Lorsqu'il n'en fut pas ainsi, les contrôles successifs furent reliés en un seul volume en rapprochant les cahiers consacrés à une même compagnie. Cela ne va pas sans inconvénients. Dans l'intervalle les compagnies avaient changé de titulaires. Or l'ordre des compagnies dans le bataillon suivait l'ordre d'ancienneté des capitaines et par conséquent était fréquemment modifié. On choisit généralement dans ces volumes l'ordre qu'avaient les compagnies entre elles lors du dernier contrôle. Alors cet ordre ne correspond pas à celui que l'on trouve dans la table des compagnies inscrite sur le dos des feuilles de garde conservées des premiers contrôles.
2°) Les « Registres Bleus », nommés ainsi à l'époque (On peut lire les inscriptions : « Voir au registre bleu ». Par exemple à propos de Jacques Rouvroy, au régiment de Picardie-infanterie, ci e Deroc, 1 Yc 692-2. De même, sur la feuille de garde on lit parfois « en bleu », qui peut signifier un ordre d'avoir à relier le contrôle sous couverture bleue. 1 Yc 234). En 1776 la composition des régiments d'infanterie fut uniformisée et le ministère adopta un nouveau type de registre, de format plus petit, dont la couverture est revêtue de papier marbré bleu. Chaque volume correspond strictement à un régiment. Les deux bataillons у figurent à la suite l'un de l'autre.
3°) Pour la cavalerie et les dragons, tous les contrôles postérieurs à 1763 reçoivent une couverture de parchemin à dos cuir. Les contrôles de cavalerie de 1763 à 1775 sont reliés ensemble, généralement deux par volume (1763 et 1772). Il en est de même de ceux de 1776 à 1786. Les contrôles de dragons postérieurs à 1763 ne forment qu'un ensemble.
Dès cette époque les registres de cavalerie et de dragons ont été classés suivant l'ordre alphabétique des régiments. Les noms des régiments marqués au fer avec un numéro de classement, C'est pour cette raison que les archivistes du Dépôt de la Guerre en formèrent trois sous-séries : 5 Yc : cavalerie de 1763 à 1775 ; 6 Yc : cavalerie de 1776 à 1786 ; 7 Yc : dragons de 1763 à 1786. Au XVIIIе siècle, les registres rouges et bleus de l'infanterie avaient reçu un classement semblable. Au dos des couvertures, des traces sont visibles d'une numérotation correspondant à l'ordre alphabétique des régiments (Lisible sur 1 Yc 194 : « 9 Infie Bourbois Contle des Bas-Off. Et soldats » Ce registre avait alors reçu le n° 9). Plus tard les archivistes ne crurent pas devoir constituer des sous-séries spéciales avec les registres rouges et bleus, Actuellement ceux-ci appartiennent à la sous-serie 1 Yc qui rassemble tous les contrôles de l'infanterie.
4°) Un dernier type de volume, renferme des contrôles d'infanterie, cavalerie ou dragons antérieurs à 1763, réunis sous une même reliure. La confection de ces volumes fut un travail en quelque sorte rétrospectif. On у soumit tous les contrôles de 1762 à 1744, et en nombre décroissant, ceux de 1737 à 1719. Il semble bien que ces reliures aient été faites sous le Directoire probablement en l'an V et en l'an VI. Le registre qui contient les contrôles du régiment de troupes légères de Hainaut établis en 1759 et 1760 présente cette particulanté que dans la reliure se trouve pris un certificat signé Abaucourt, ministre de la guerre et date du 5 août 1792 qui par conséquent est antérieur à ce travail (1 Yc 1058). Par contre une erreur de reliure est signalée ailleurs le 18 ventôse an VI (1 Yc 287-1, pièce), Ces observations valent-elles pour tous les registres de ce type ? Notons que la feuille de titre d'un autre contrôle porte l'inscription suivante : « Premier paragraphe au dessus de l'acte de dépôt de ce jourd'hui 17 ventôse an sixième de la République française une et indivisible, signé Duvivier Denonvilliers » (3 Yc 39). Il est vraisemblable qu'une tentative de regroupement des contrôles restés dans les corps pour des raisons diverses a accompagné la confection de сеs nouvelles reliures. Quoiqu'il en soit, à ce moment la filiation exacte des régiments était souvent oubliée, fait d'autant plus fâcheux qu'on voulait respecter l'ordre alphabétique des noms qu'ils avaient portes. Ainsi les contrôles successifs d'un même régiment qui avait changé de nom en changeant de colonel, se trouvaient dispersés dans des volumes différents. Par contre, et cela est plus grave, dans un même volume, on rapprocha parfois les contrôles de régiments n'ayant entre eux d'autre rapport que d'avoir été commandes par le même officier ou par des officiers portant le même nom (Voir par exemple au tome 1 les contrôles des 30e et 40e régiment d'infanterie..). On rencontre même des erreurs grossières : Dauphiné est rapproché de Dauphin dans le registre 1 Yc. On doit reconnaître qu'un effort fut fait pour conserver l'ordre des compagnies et pour insérer les feuilles de garde en tête des contrôles auxquelles elles se rapportent.
Si nous devons à ceux qui ont relié les contrôles en gros volumes, de nous avoir conservé de précieux documents, on ne peut cependant que déplorer la méthode adoptée. Мême en dehors des cas signalés plus haut de confusions entre régiments, on trouve beaucoup de désordre, notamment dans les registres rouges. Les feuilles de garde quand elles ont été conservées ont trop souvent été placées au petit bonheur. L'unité des contrôles a été bousculée pour respecter une filiation de compagnies, souvent illusoire, ou même sans aucune justification. Voici un exemple : Dans un même volume sont reliés deux Contrôles de la Sarre-infanterie, l'un du ministère, l'autre du corps (1 Yc 954). Ainsi se succèdent :
1°) la feuille de litre du contrôle du 1er bataillon établi à Montpellier le 1er octobre 1775 ;
2°) la feuille de litre du contrôle du 2e bataillon établi à Versailles le 10 juillet 1775 ;
3°) un contrôle de la compagnie de grenadiers et de la compagnie colonelle du 2e bataillon ;
4°) la feuille de titre du contrôle du 1er bataillon établi à Versailles le 10 juillet 1775 ;
5°) un contrôle de toutes compagnies du 1er bataillon, mais relié en désordre ;
6°) la feuille de titre du contrôle du 2e bataillon établi à Montpellier le 1er octobre 1775 ;
7°) un contrôle des compagnies du 2e bataillon, moins la compagnie de grenadiers et la compagnie colonelle.
De plus, je n'ai pu savoir auquel des deux contrôles dont on possède les feuilles de titre, appartiennent les feuillets où sont inscrits les hommes. Dans le саson l'on est en présence, non pas de deux mais de quatre, six ou huit contrôles, il faut examiner chaque feuillet pour voir à quel contrôle il se rattache. L'inventaire qui suit en montrera plusieurs exemples. Dans les volumes du 4e type, de reliure plus récente, on a évité cet inconvénient pour les contrôles de 1729 à 1749 et l'unité des registres d'origine a été respectée. Mais le désordre dans de nombreux contrôles de 1752 à 1762 dépasse ce que l'on a vu dans les registres rouges.
Nous conservans les contrôles de milice sous leur forme d'origine ; mais nous en conservons fort peu. En dehors des registres établis pour les revues de décembre 1759 et janvier 1761, dont la plupart sont aux Archives de la Guerre, ce dépôt ne possède guère que les contrôles des milices des généralités de Paris et d'Orléans, circonstance heureuse, si on pense airs destructions subies par les archives de la Seine en 1871 et du Loiret en 1940. Ce sont probablement les seuls que le dépôt de la Guerre ait pu recueillir lorsqu'il entreprit semble-t-il de rassembler les contrôles dispersés dans les anciennes intendances. Cette tentative aurait eu lieu pendant la Révolution. On en a la certitude pour ce qui vient de l'intendance de Paris. En effet, dans le répertoire des ouvriers provinciaux, se trouve un «Inventaire des pièces, contrôles, liasses, registres, etc. qui étaient déposes dans les bureaux de la cy-devant intendance de Paris et qui ont été remis au contrôle général de la troupe par le citoyen Buhaux, conformément à la lettre du ministre du 3 octobre dernier ». Malheureusement l'аnnée n'est pas indiquée, mais un ordre semblable concernant la Garde de Paris est du 25 vendémiaіrе an 5 (13 Yc 88).
Voici cet inventaire :
« 26 registres concernant les noms des hommes tombés au sort de la milice depuis et compris l'année 1750 jusqu'à 1758 inclusivement.
— Huit liasses contenant les Contrôles des compagnies des différents bataillons de la Généralité de Paris depuis et compris 1753 jusqu'en 1761 inclusivement.
— Deux liasses contenant les Contrôles des grenadiers royaux et postiches depuis et compris 1757 jusqu'en 1760 inclusivement.
— Une liasse d'extrait de revue d'appel de 1747 à 1760.
— Trente-sept liasses contenant les petite Contrôles nominatifs des hommes tombes au sort de la milice depuis et compris l'annéе 1775 jusqu'en 1788 inclusivement.
— Trois liasses contenant les engagemens des hommes qui ont formé le régiment des recrues de Sens assemblés à Pontoise en 1763.
— Trois liasses contenant les états de mouvement (sic) desdits grenadiers depuis 1775 jusqu'en 1780.
— Cinq liasses contenant les états et autres pièces qui concernent les services des officiers des troupes provinciales depuis 1730 et compris 1787.
— Une liasse et un registre contenant les Contrôles signalés des hommes qui ont composé le rég[imen]t de Senlis à l'assemblée de 1775.
— Une liasse et un registre contenant les Contrôles signalés des hommes qui ont composé le régiment provincial de Mantes.
— Une liasse contenant les Contrôles signalés des Contrôles provinciaux des années 1768 et 1769.
— Deux liasses contenant de semblables Contrôles pour les années 1776, 1777 et 1778.
— Une liasse contenant les Contrôles et états nominatifs des hommes engagés et connus sous la dénomination de garnisaires depuis et compris 1777 jusqu'en 1787 inclusivement.
— Une liasse contenant tons les Contrôles des hommes engagés tant par M. Le Bas qu'autres depuis et compris 1778 jusqu'en 1788 inclusivement.
— Une liasse contenant les Contrôles et pièces relatives aux bataillons de garnison de Chartres, Beauvoisis, Bourgogne, Royal, du Roi, et Isle de France, assemblés en 1778.
— Un carton contenant les Contrôles signalés des différentes compagnies qui composaient le bataillon de garnison de Chartres depuis et compris 1775 jusqu'en 1785 inclusivement.
— Idem pour le bataillon de garnison de Royal.
— Idem pour celui de Bourgogne.
— Idem pour Beauvoisis.
— Idem pour Isle de France.
— Idem pour les deux bataillons du Roi.
— Une liasse contenant les grands Contrôles signalés des hommes au sort en 1786, 1787 et 1788.
— Enfin une dernière liasse contenant les Contrôles signalés des hommes engagés dans la Marine Royale et matelots novices de 1777 à 1781 »
J'ai cité ce long inventaire pour attirer l'attentіon des archivistes et des chercheurs en Général sur un type de documents qui peut se trouver dans les fonds d'archives des anciennes intendances et qui, comme les Contrôles conservés aux archives de la guerre constituent une source intéressante de l'histoire sociale et de l'Ancien Régime, en même temps que de son histoire militaire. Par ailleurs on peut se rendre compte que de nombreux Contrôles de milice n'étaient pas reliés. C'est en liasse que j'en ai reconnu dans les archives de l'Hérault ou du Puy- de-Dôme. Dernière observation à ce sujet : en comparant cet inventaire à ce qui subsiste actuellement, nous pouvons mesurer les pertes subies en ce domaine par le Dépôt de la Guerre depuis la Révolution (Voir au tome 3). Tout ce qui était en liasse a disparu.
Certains de ces Contrôles avaient connu bien des avatars. Un curieux dossier déposé dans le Contrôle des gardes des quais et remparts de Paris (1 Yc 1081), nous apprend que les registres de la Garde de Paris étaient déposés en l'an V chez la citoyenne Kollekrack et qu'ils ont été remis par elle au ministre de la guerre, le 8 brumaire an V. Il contient en premier lieu une lettre datée du 4 vendémiaire [an V ?] envoyée par le citoyen Garçon, lieutenant-colonel aux Invalides au citoyen Privé, chef des bureaux du ministère de la guerre :
« Citoyen,
Le porteur du présent s'est présenté ché moi pour avoir le relevé de son service dans la ci-devant Garde de Paris. Le registre étant ché la citoyenne Kolekeralk, rue Mélé n° 291 et plusieurs officiers et soldats étant dans le même embarras, je vous prie de lui faire tenir un ordre pour que ledit registre soit transporté dans vos bureaux ce qui obligera beaucoup de braves militaires. Salut et fraternité Garçon, chef de bataillon en second de la gendarmerie, 32e division » .
Cette lettre porte en marge la mention : « Refusé » .
Il faut croire qu'une autre démarche eut davantage d'effet. Une seconde lettre en témoigne. Elle émane de l'adjudant-Général chef de l'État-Major, au Quartier Général, à Paris, le 8 brumaire an V et est adressée au Ministre de la Guerre : « Suivant votre demande, citoyen ministre, en date du 25 du mois dernier, je vous fais passer les registres et Contrôles qui m'ont été remis par la citoyenne Kollekreck. Je vous prie de m'en faire parvenir le reçu cy-joint pour lui servir de décharge, salut et fraternité. Charpentier ». On lit ensuite :
« État des registres de Contrôles relatifs à la Garde de Paris et de celle des ports délivrés par la cne Kolkrack au ministre de la guerre.
1°) Un répertoire par ordre alphabétique ne contenant aucune indication relative à son utilité.
2°) Un registre intitulé division de Lassus, année 1789.
3°) Un registre portant pour titre : enregistrement de la garde des ports 1732 à 1782 n° 1. [C'est probablement le registre conservé sous la cote 1 Yc 1080] .
4°) Un registre portant pour titre : Garde de Paris sur le port de 1783 à 1788 n° 2. 1 Yc 1082.
5°) Un registre ayant pour titre : Enregistrement de l'infanterie de la Garde de Paris de 1738 à 1771. [C'est le registre 1 Yc 1081].
6°) Un registre ayant pour titre : Enregistrement de la Garde de Paris de 1771 à 1784 [C'est le registre 1 Yc 1084.].
7°) Un registre intitulé : Suite de la Garde de Paris, 1786 à 1789 n° 5. Reçu de la cne Kolckalk les registres et Contrôles ci-dessus désignée, à Paris le 9 brumaire an V de la Ré[publique]. Le ministre de la guerre, Petiet. Le 13 brumaire an 5 env[oyé] le reçu à l'adjudant Général Charpentier chef à l'Etat-Major ». (1 Yc 1089).
Je n'ai trouvé aux archives de la guerre aucune autre trace de cette citoyenne Kollekrack qui détint un moment ces précieux registres. Était-ce la veuve d'un commis de l'intendance de Paris ou d'un officier chargé du détail de la Garde de Paris ? Faisons encore une constatation navrante : Sur sept registres déposés aux Archives de la Guerre en l'an V, il n'en reste actuellement plus que cinq. On retrouve donc à plusieurs reprises les traces d'un regroupement effectué sous le Directoire. Il ne paraît pas douteux que ce soit l'effet de l'organisation par l'arrêté du 22 floréal an V (11 mai 1797) des archives administratives de la guerre.
Non seulement des registres on des liasses de Contrôles de milice peuvent s'être égarés, mais cette mésaventure est également аrrivée à des Contrôles de troupes réglées. Le hasard fait que quelques-uns de ces registres sont actuellement conservés dans les archives départementales ou leur présence est tout à fait insolite. Ainsi aux archives de la Loire-Atlantique se trouvent sous les cotes C 276 et 277 deux registres des Contrôles du régiment d'Anhalt devenu Salm-Salm puis lа 62e demi- brigade ayant fait partie de la garnison de Mayence, qui après la capitulation de cette ville vint prendre part aux opérations de Vendée. C'est sans doute ce fait qui explique le dépôt des archives de cette unité aux archives municipales de Nantes, puis aux archives départementales en 1886 (Archives de la Loire-Atlantique, C 268-277. Cf. René BLANCHARD, Ville de Nantes, Inventaire des archives communales antérieures à 1790, Nantes, 1919, t. III, p. 377, note 1 et Henri de BERRANGER, Guide des Archives de la Loire-Atlantique, Nantes, 1962, t. I, p. 54).
Les contrôles contiennent encore des pièces diverses qui ont dû être plus nombreuses. Certaines furent reliées avec les cahiers des registres antérieurs à 1763, mais pas toujours à la place qui leur revenait. Rien ne justifie par exemple la présence d'un extrait des soldats du Royal-wallon qui sont morts, congédiés ou passés dans les compagnies de grenadiers pendant le mois de septembre 1748, parmi les signalements des hommes du régiment de Bassigny (1 Yc 93-2). Malgré tout, ces pièces diverses sont d'un réel intérêt. Elles permettent d'évoquer la vie de ce groupe d'hommes qu'est un régiment. On peut distinguer :
1°) Des pièces concernant l'administration régimentaire, laissées dans les registres, soit par inadvertance, soit intentionnellement, pour des raisons variées. C'est ainsi que nous sont parvenus des états mensuels des recrues ou des morts, congédiés ou désertés, envoyés par les majors à la Cour et aussi des lettres des ministres et des majors relatives au Contrôle dee hommes. (On trouve dans les registres suivants les types les plus courants de ces états : 1 Yc 801 année 1729, 3 Yc 267, année 1737, 3 Yc 250, année 1772, 1 Yc 666, année 1784. Certains majors tenaient un compte précis de ces envois. Voir dans 3 Yc 107 et 108-1 et dans 7 Yc 7-1... Ces états devaient être conservés en liasses. Seuls ceux qui exceptionnellement restèrent dans les registres nous sont parvenus).
2°) Des pièces intéressant des soldats. Ce sont soit des papillone rectificatifs collés à l'endroit où est inscrit l'homme au signalement erroné, des billets d'hôpitaux, des extraits mortuaires qui ont été remis au major. Celui du régiment de Piémont semble avoir fait de ses Contrôles de véritables portefeuilles d'archives.
Les Contrôles étant des documents authentiques, on en tira des duplicata de pièces perdues ou des extraits de service. C'est pourquoi on у rencontre des lettres d'anciens soldats demandant qu'on leur envoie le cartouche de congé absolu qu'ils avaient négligé de demander ou qu'ils ont perdu, Ces documents montrent quelle était l'attitude des anciens soldats devant les officiers, l'armée ou l'administration royale. Quelquefois іls permettent de connaître mieux que par le signalement, les hommes ayant servi. Ainsi Monsieur Bretonnaux, à l'intendance d'Orléans reçoit le 17 avril 1778, la lettre suivante d'un ancien milicien :
« Monsieur, Si s'étoient lé léop de votre complaisance de vouloir bien m'envoier mon congé absolue du régiment provincialle de Blois, compagnie de Longuevaux, J'i et servie en qualité de fourrié léopâ mil sept cens soisante et neuf jusqua mil sept cent soisante et dissep par la raison que après mestre vendue pour la communauté des maistres tiserans d'Orléans, ge me suis rengagé dans le régiment de Condé infanterie. Mon numéros est le dix neuviesme de l'anné que ge me suis vendue. Vous obligeré, Monsieur, celui qui est votre très humble et très obéissant serviteur. Jean Baptiste Defay, fabriquant de bas, rue du pot de fer, fauxbourg St Marcel [à Paris] » (13 Yc 70).
Les demandes d'extraits d'états de service sont très nombreuses pour la période révolutionnaire, soit qu'effectivement elles aient été plus fréquentes qu'auparavant, ou que par suite du désordre des bureaux, elles soient restées dans les Contrôles consultes. Les unes se rencontrent encore à la page ou est inserit le solliciteur, d'autres pas. Ont-elles été déplacées ? Рlusieurs se trouvent bien placées dans le cahier de la compagnie où l'homme assure avoir servi alors qu'il ne s'y trouve pas inserit, Le plus souvent l'homme est de bonne foi, Les cas d'omission par les majors, je l'аі dit, n'étaient pas rares. En l'an II, Jean Guillaume Gonnoral a du mal à faire reconnaitre qu'il a servi de 1771 à 1775 dans le régiment Mestre de Camp Général dragons. On lui délivre tout de même un certificat. Une note de service nous apprend que « comme ce dragon ne se trouve pas sur le registre de Contrôle, lorsqu'il se présentera au Bon, on lui remettra le présent certificat en ayant attention de le signaler dans cette compagnie ou s'il le préfère, on lui en délivrera un du ministre après l'avoir porté sur le Contrôle et on aura attention de conserver celui envoyé par le régiment » (7 Yc 24-2, pièce).
Lorsque dans un Contrôle sont déposées des pièces manuscrites concernant un soldat, c'est sou vent parce que celui-ci n'a pas été retrouvé parmi les hommes signalés. Quelquefois le signalement est incomplet. Pierre Brun, ancien dragon du régiment de Lorraine est dit : « congédié par ancienneté le 22 Xbre ». Il a été ajouté sur le Contrôle : «mil sept cent soixante dix neuf, d'après un rapport approuvé par le ministre ». Ce rapport ou une expédition est déposé dans le registre. Il est date du 1er prairial, sans autre précision... Il nous fait savoir que le citoyen Brun a demandé un certificat de ses services et que l'omission de l'année de congédiement empêche le bureau de Contrôle de constater la durée du service du citoyen et peut nuire essentiellement à ce militaire. Toutefois le registre précédent portant que le citoyen Brun entre au régiment le 22 décembre 1766, s'y est rengagé pour huit ans le 18 mars 1771, comme son congé est obtenu par ancienneté, il ne peut avoir été accordé qu'a expiration des huit ans, donc en 1779 (7 Yc 22, cie Cessiat). Il arrive que le signalement soit erroné parce que le soldat a donné un faux état-civil ou un prénom usuel qui n'est pas celui du baptême ou parce que son nom n'a pas été correctement transerit. C'est pourquoi on trouve dans les registres des actes de notoriété, le plus souvent passés devant notaire. Un nomine Delacroix a dû à la distraction de l'aide-major du régiment Languedoc dragons, d'être inscrit sous les nom et prénoms de Gabriel léopâtre Delacroix. Un certificat du 28 floréal portant de nombreuses signatures lui attribue les prénoms de Gabriel François et sur le Contrôle le prénom de léopâtre est remplacé par celui de Léopold... (7 Yc 20-2, cie La Tour, pièce). Enfin des falsifications se sont produites. Dans Dauphin-infanterie, l'une d'elles concerne un soldat qui est dit s'être engage le 20 juin 1753, alors qu'il s'agit du 20 juin 1755. A la suite d'un jugement du 25 prairial an VI, tous les contrôles où la mention 1755 avait été maquillée en 1753 reçoivent la correction qui s'imposait (1 Yc 287-2, 294-i. Voir également 7 Yc 20-2, ci e Boulenne).
Ces registres furent utilisés par les bureaux de la guerre jusque sous la Restauration. Le dernier en date des « Extraits des registres matricules » que j'ai trouvé dans ces contrôles est du 9 mai 1825, Il donne le détail des services de Jean Louis Bel, congédié par ancienneté le 15 octobre 1788 (7 Yc 6, Bourbon-dragons, ci e Sarret, pièce). A ce moment les contrôles des troupes de l'Аnсіеn Régime avaient déjà subi bien des vicissitudes. Ils avaient d'abord été déposés à l'hôtel des bureaux de la guerre construit à Versailles par l'ingénieur géographe Berthier, le père du maréchal, pour abriter le « Dépôt de la Guerre ». Selon une tradition, dans la nuit du 5 au 6 octobre 1789, un incendie aurait détruit une partie de ce dépôt (Note sur les bureaux de la Guerre avant 1789. Ya19). Les registres durent suivre le sort des archives de la guerre, amenées en 1791 dans les combles de l'hôtel sis au n° 17 de la place des Piques (Place Vendôme) et déposées à peu près en vrac. Cela explique le désordre constaté dans les volumes reliés à cette époque. Les archives administratives de la guerre auxquelles furent attribués les registres matricules constitués en 1797, allèrent s'installer à l'hôtel de Tessé rue de Varennes où se trouvait le Dépôt des Lois. De 1825 à 1829, elles logent aux Archives Nationales, dans un pavillon de l'hôtel Soubise, en attendant leur transfert dans un bâtiment construit pour le Dépôt de la Guerre dans les jardins de l'hôtel Noailles. Ce local étant devenu trop exigu, un autre bâtiment fut construit à proximité ou les archives administratives devaient s'installer en 1846. Elles restèrent là un siècle. Leur sommeil, garanti par l'interdiction de les communiquer au public ne fut troublé que par de rares recherches à des fins légales, comme celle qui en 1881 aboutit à annuler sur l'ordre du directeur du contrôle et de la comptabilité des inscriptions récentes précisant l'état civil de Claude Vivien né le 16 mars 1713 à Amance (Lorraine) et de son fils tous deux soldats dans Languedoc infanterie. « En conséquence dit une note, tout état des services de Claude Vivien ou de Jean Vivien qu'il у aurait lieu de délivrer désormais devra être conforme aux énonciations primitives des inscriptions dont il s'agit» (4 Yc 48-2, cte Rennepont). Grâce à la bonne garde qu'on fit sur les contrôles et à l'oubli dans lequel ils étaient tombés, les additions intempestives furent exceptionnelles.
Pendant l'occupation allemande de 1940 à 1944, les archives administratives reçurent la visite d'officiers ennemis qui étudièrent les registres des régiments allemands et en esquissèrent un classement, laissant sur les couvertures des inscriptions d'une graphie germanique. Après la guerre, le Service historique de l'Armée qui avait succédé en 1885 à l'ancien Dépôt de la Guerre superposa à la division traditionnelle archives historiques et administratives, celle d'archives anciennes (d'abord jusqu'en 1876) et d'archives contemporaines. Les archives anciennes administratives devinrent communicables au public, comme l'étaient déjà les archives historiques (Règlement du 7 octobre 1948 et modificatif du 3 septembre 1951). Leur transfert au château de Vincennes fut décidé. Les contrôles entreposés provisoirement dans les casemates bordant l'avenue de Paris reçurent en 1959 une destination qu'on espère définitive dans le Pavillon des Armes, spécialement restauré pour recevoir les archives anciennes de la Guerre (Voir Paul LAURENCIN-CHAPELLE, Les Archives de la Guerre, historiques et administratives (1688-1898) ; Contrôleur-général ROUSSET, Les Archives du département de la Guerre, dans Revue de l'Intendance militaire, 2e trimestre 1951 ; La documentation historique militaire en France, Revue de Défense Nationale, n° hors série, 1952).
ÉTAT NUMÉRIQUE DES CONTROLES CONSERVÉS AUX ARCHIVES DE LA GUERRE
Contrôles conformes à l'ordonnance du 2 juillet 1716
INFANTERIE
(1 Yc et divers)
DATES. CONTROLES ETABLIS A LA COUR. CONTROLES ETABLIS AU CORPS. SERIE INDETERMINEE. TOTAL.
Date : 1716. Contrôles établis à la cour : 89 et au corps. Contrôles établis au corps : 3. Total : 92.
Date : 1718. Contrôles établis à la cour : 116. Contrôles établis au corps : 1. Total : 117.
Date : 1722. Contrôles établis à la cour : 105. Total : 105.
Date : 1728. Contrôles établis à la cour : 1. Total : 1.
Date : 1729. Contrôles établis à la cour : 126. Total : 126.
Date : 1734. Contrôles établis à la cour : 17. Total : 17.
Date : 1735. Contrôles établis à la cour : 8. Total : 8.
Date : 1736. Contrôles établis à la cour : 4. Total : 4.
Date : 1737. Contrôles établis à la cour : 119. Contrôles établis au corps : 44. Total : 163.
Date : 1738. Contrôles établis au corps : 1. Total : 1.
Date : 1740. Contrôles établis à la cour : 1. Total : 1.
Date : 1741. Série indéterminée : 1. Total : 1.
Date : 1742. Contrôles établis à la cour : 10. Contrôles établis au corps : 10. Série indéterminée : 6. Total : 26.
Date : 1744. Contrôles établis à la cour : 17. Contrôles établis au corps : 13. Série indéterminée : 6. Total : 36.
Date : 1745. Contrôles établis au corps : 7. Série indéterminée : 1. Total : 8.
Date : 1746. Contrôles établis à la cour : 15. Contrôles établis au corps : 14. Série indéterminée : 3. Total : 32.
Date : 1747. Contrôles établis à la cour : 9. Contrôles établis au corps : 59. Série indéterminée : 11. Total : 79.
Date : 1748. Contrôles établis au corps : 69. Série indéterminée : 1. Total : 70.
Date : 1749. Contrôles établis à la cour : 42. Contrôles établis au corps : 174. Série indéterminée : 2. Total : 218.
Date : 1750. Contrôles établis au corps : 9. Total : 9.
Date : 1751. Contrôles établis au corps : 2. Total : 2.
Date : 1752. Contrôles établis à la cour : 8. Contrôles établis au corps : 7.Total : 15.
Date : 1753. Contrôles établis à la cour : 2. Contrôles établis au corps : 5. Série indéterminée : 1. Total : 8.
Date : 1754. Contrôles établis à la cour : 4. Contrôles établis au corps : 11.Total : 15.
Date : 1755. Contrôles établis à la cour : 8. Contrôles établis au corps : 8. Série indéterminée : 9. Total : 25.
Date : 1756. Contrôles établis à la cour : 8. Contrôles établis au corps : 37. Série indéterminée : 3. Total : 48.
Date : 1757. Contrôles établis à la cour : 1. Contrôles établis au corps : 22. Série indéterminée : 3. Total : 26.
Date : 1758. Contrôles établis à la cour : 1. Contrôles établis au corps : 7. Série indéterminée : 1. Total : 9.
Date : 1759. Contrôles établis à la cour : 6. Contrôles établis au corps : 5. Série indéterminée : 2. Total : 13.
Date : 1760. Contrôles établis à la cour : 1. Contrôles établis au corps : 18. Série indéterminée : 4. Total : 23.
Date : 1761. Contrôles établis à la cour : 1. Contrôles établis au corps : 16. Total : 17.
Date : 1762. Contrôles établis à la cour : 2. Contrôles établis au corps : 27. Série indéterminée : 4. Total : 33.
Date : 1763. Contrôles établis à la cour : 63. Contrôles établis au corps : 100. Série indéterminée : 34. Total : 197.
Date : 1764. Contrôles établis à la cour : 3. Contrôles établis au corps : 8. Série indéterminée : 4. Total : 15.
Date : 1765. Contrôles établis au corps : 2. Série indéterminée : 3. Total : 5.
Date : 1766. Contrôles établis à la cour : 1. Contrôles établis au corps : 5. Série indéterminée : 4. Total : 10.
Date : 1767. Contrôles établis à la cour : . Contrôles établis au corps : 1. Série indéterminée : 9. Total : 10.
Date : 1768. Contrôles établis à la cour : 3. Contrôles établis au corps : 6. Total : 9.
Date : 1769. Contrôles établis à la cour : 1. Contrôles établis au corps : 1. Série indéterminée : 2. Total : 4.
Date : 1770. Contrôles établis au corps : 2. Total : 2.
Date : 1771. Contrôles établis à la cour : 6. Série indéterminée : 1. Total : 7.
Date : 1772. Contrôles établis à la cour : 1. Contrôles établis au corps : 17. Série indéterminée : 3. Total : 21.
Date : 1773. Contrôles établis à la cour : 3. Contrôles établis au corps : 4. Total : 7.
Date : 1774. Contrôles établis au corps : 3. Total : 3.
Date : 1775. Contrôles établis à la cour : 23. Contrôles établis au corps : 27. Série indéterminée : 14. Total : 65.
Date : 1776. Contrôles établis à la cour : 141. Contrôles établis au corps : 25. Série indéterminée : 10. Total : 176.
Date : 1777. Contrôles établis au corps : 10. Série indéterminée : 1. Total : 11.
Date : 1778. Contrôles établis au corps : 1. Total : 1.
Date : 1779. Contrôles établis à la cour : 2. Série indéterminée : 1. Total : 3.
Date : 1782. Contrôles établis à la cour : 2. Total : 2.
Date : 1783. Série indéterminée : 2. Total : 2.
Date : 1784. Contrôles établis à la cour : 36. Contrôles établis au corps : 5. Série indéterminée : 2. Total : 43.
Date : 1785. Contrôles établis à la cour : 2. Total : 2.
Date : 1786. Contrôles établis au corps : 2. Total : 2.
Date indéterminée. Série indéterminée : 17. Total : 17.
TOTAL - Contrôles établis à la cour : 1009. Contrôles établis au corps : 787. Série indéterminée : 166. Total : 1962.
(cinq contrôles sont des contrôles d'inspection)
CAVALERIE, DRAGONS, HUSSARDS, CHASSEURS A CHEVAL
(3 Yc, 4 Yc, 5 Yc, 6 Yc, 7 Yc, 8 Yc, 9 Yc) et divers
DATES. CONTROLES ETABLIS A LA COUR. CONTROLES ETABLIS AU CORPS. SERIE INDETERMINEE. TOTAL.
Date : 1716. Contrôles établis à la cour : 19 et au corps. Total : 19.
Date : 1717. Contrôles établis à la cour : 16 et au corps. Total : 16.
Date : 1720. Contrôles établis à la cour : 1 et au corps. Total : 1.
Date : 1721. Contrôles établis à la cour : 2 et au corps. Total : 2.
Date : 1722-1723. Contrôles établis à la cour : 64 et au corps.
Date : 1724. Contrôles établis à la cour : 2.
Date : 1729. Contrôles établis à la cour : 68. Contrôles établis au corps : 1. Total : 69.
Date : 1730. Contrôles établis à la cour : 61. Total : .
Date : 1733. Contrôles établis au corps : 1. Total : 1.
Date : 1734. Contrôles établis à la cour : 9. Total : 9.
Date : 1735. Contrôles établis à la cour : 2. Contrôles établis au corps : 1. Total : 3.
Date : 1736. Contrôles établis à la cour : 3. Total : 3.
Date : 1737. Contrôles établis à la cour : 49. Contrôles établis au corps : 22. Série indéterminée : 3. Total : 74.
Date : 1738. Série indéterminée : 1. Total : 1.
Date : 1740. Contrôles établis à la cour : 1. Total : 1.
Date : 1742. Contrôles établis à la cour : 1. Total : 1.
Date : 1743. Contrôles établis au corps : 1. Total : 1.
Date : 1744. Contrôles établis à la cour : 6. Contrôles établis au corps : 14. Série indéterminée : 4. Total : 24.
Date : 1745. Contrôles établis à la cour : 3. Contrôles établis au corps : 12. Série indéterminée : 4. Total : 19.
Date : 1746. Contrôles établis à la cour : 1. Contrôles établis au corps : 7. Série indéterminée : 4. Total : 12.
Date : 1747. Contrôles établis à la cour : 5. Contrôles établis au corps : 21. Série indéterminée : 1. Total : 27.
Date : 1748. Contrôles établis à la cour : 10. Contrôles établis au corps : 31. Série indéterminée : 1. Total : 42.
Date : 1749. Contrôles établis à la cour : 17. Contrôles établis au corps : 82. Série indéterminée : 2. Total : 101.
Date : 1750. Contrôles établis au corps : 4. Total : 4.
Date : 1751. Contrôles établis au corps : 5. Total : 5.
Date : 1752. Contrôles établis au corps : 4. Total : 4.
Date : 1753. Contrôles établis à la cour : 3. Contrôles établis au corps : 8. Total : 11.
Date : 1754. Contrôles établis à la cour : 1. Contrôles établis au corps : 6. Total : 7.
Date : 1755. Contrôles établis à la cour : 3. Contrôles établis au corps : 5. Total : 8.
Date : 1756. Contrôles établis à la cour : 6. Contrôles établis au corps : 9. Total : 15.
Date : 1757. Contrôles établis à la cour : 4. Contrôles établis au corps : 10. Total : 14.
Date : 1758. Contrôles établis au corps : 5. Total : 5.
Date : 1759. Contrôles établis à la cour : 5. Contrôles établis au corps : 10. Total : 15.
Date : 1760. Contrôles établis à la cour : 3. Contrôles établis au corps : 6. Série indéterminée : 1. Total : 10.
Date : 1761. Contrôles établis à la cour : 2. Contrôles établis au corps : 3. Série indéterminée : 1. Total : 6.
Date : 1762. Contrôles établis à la cour : 13. Contrôles établis au corps : 20. Série indéterminée : 4. Total : 37.
Date : 1763. Contrôles établis à la cour : 29. Contrôles établis au corps : 37. Série indéterminée : 4. Total : 70.
Date : 1764. Contrôles établis à la cour : 1. Contrôles établis au corps : 1. Total : 2.
Date : 1765. Contrôles établis à la cour : 1. Total : 1.
Date : 1766. Contrôles établis à la cour : 1. Contrôles établis au corps : 2. Total : 3.
Date : 1767. Contrôles établis à la cour : 3. Contrôles établis au corps : 4. Série indéterminée : 7. Total : 14.
Date : 1769. Contrôles établis au corps : 3. Série indéterminée : 4. Total : 7.
Date : 1770. Contrôles établis à la cour : 1. Total : 1.
Date : 1771. Contrôles établis au corps : 2. Total : 2.
Date : 1772. Contrôles établis à la cour : 30. Contrôles établis au corps : 16. Série indéterminée : 9. Total : 55.
Date : 1775. Contrôles établis au corps : 1. Total : 1.
Date : 1776. Contrôles établis à la cour : 43. Contrôles établis au corps : 9. Série indéterminée : 3. Total : 55.
Date : 1777. Contrôles établis à la cour : 2. Contrôles établis au corps : 5. Total : 7.
Date : 1779. Contrôles établis à la cour : 6. Contrôles établis au corps : 8. Total : 14.
Date : 1780. Contrôles établis à la cour : 1. Contrôles établis au corps : 1. Total : 2.
Date : 1782. Contrôles établis à la cour : 2. Contrôles établis au corps : 1. Total : 3.
Date : 1784. Contrôles établis à la cour : 12. Contrôles établis au corps : 1. Série indéterminée : 2. Total : 15.
Date : 1785. Contrôles établis à la cour : 12. Contrôles établis au corps : 2. Total : 14.
Date : 1786. Contrôles établis au corps : 1. Total : 1.
TOTAL - Contrôles établis à la cour : 524. Contrôles établis au corps : 374. Série indéterminée : 55. Total : 953.
ARTILLERIE
(10 Yc)
DATES. CONTROLES ETABLIS A LA COUR. CONTROLES ETABLIS AU CORPS. SERIE INDETERMINEE. TOTAL.
Date : 1720. Contrôles établis au corps : 3. Total : 3.
Date : 1725. Série indéterminée : 1. Total : 1.
Date : 1729. Contrôles établis à la cour : 2. Série indéterminée : 2. Total : 4.
Date : 1730. Contrôles établis à la cour : 1. Total : 1.
Date : 1737. Contrôles établis à la cour : 1. Série indéterminée : 4. Total : 5.
Date : 1747. Contrôles établis à la cour : 2. Total : 2.
Date : 1748. Contrôles établis au corps : 1. Total : 1.
Date : 1749. Contrôles établis au corps : 2. Total : 2.
Date : 1751. Contrôles établis au corps : 1. Total : 1.
Date : 1757. Contrôles établis au corps : 2. Total : 2.
Date : 1758. Contrôles établis au corps : 1. Total : 1.
Date : 1759. Contrôles établis au corps : 6. Série indéterminée : 1. Total : 7.
Date : 1762. Contrôles établis au corps : 1. Total : 1.
Date : 1763. Contrôles établis à la cour : 2. Contrôles établis au corps : 5. Série indéterminée : 1. Total : 8.
Date : 1765. Contrôles établis au corps : 5. Total : 5.
Date : 1766. Contrôles établis au corps : 2. Total : 2.
Date : 1769. Contrôles établis au corps : 1. Total : 1.
Date : 1771. Contrôles établis à la cour : 1. Total : 1.
Date : 1772. Contrôles établis au corps : 10. Total : 10.
Date : 1775. Contrôles établis au corps : 2. Total : 2.
Date : 1777. Série indéterminée : 1. Total : 1.
Date : 1779. Contrôles établis au corps : 2. Total : 2.
Date : 1785. Contrôles établis au corps : 1. Total : 1.
Date : 1786. Série indéterminée : 2. Total : 2.
TOTAL - Contrôles établis a la cour : 9. Contrôles établis au corps : 46. Série indéterminée : 12. Total : 67.
MINEURS ET OUVRIERS
(10 Yc)
Contrôles qui ne sont pas inclus dans ceux des bataillons, brigades ou régiments d'artillerie. Suivant que les mineurs et ouvriers ont été rattachés à l'artillerie ou ont constitué un corps autonome, les contrôles sont des contrôles d'une seule compagnie ou de tout le corps.
DATES. CONTROLES ETABLIS A LA COUR. CONTROLES ETABLIS AU CORPS. SERIE INDETERMINEE. TOTAL.
Date : 1729. Série indéterminée : 1. Total : 1.
Date : 1730. Série indéterminée : 1. Total : 1.
Date : 1746. Contrôles établis au corps : 1. Total : 1.
Date : 1748. Contrôles établis au corps : 2. Total : 2.
Date : 1749. Contrôles établis au corps : 6. Total : 6.
Date : 1757. Contrôles établis à la cour : 1. Contrôles établis au corps : 1. Total : 2.
Date : 1763. Série indéterminée : 1. Total : 1.
Date : 1764. Contrôles établis à la cour : 1. Total : 1.
Date : 1765. Contrôles établis au corps : 1. Total : 1.
Date : 1766. Série indéterminée : 1. Total : 1.
Date : 1770. Série indéterminée : 1. Total : 1.
Date : 1774. Contrôles établis à la cour : 1. Série indéterminée : 1. Total : 2.
Date : 1777. Contrôles établis à la cour : 1. Total : 1.
Dates diverses. Série indéterminée : 1. Total : 1.
TOTAL - Contrôles établis a la cour : 4. Contrôles établis au corps : 11. Série indéterminée : 7. Total : 22.
MILICES ET RÉGIMENTS PROVINCIAUX
(2 Yc et 13 Yc)
DATES. CONTROLES ETABLIS A LA COUR. CONTROLES ETABLIS AU CORPS. SERIE INDETERMINEE. TOTAL.
Date : 1735. Contrôles établis a la cour : 1.Contrôles établis au corps : 1. Série indéterminée : . Total : 2.
Date : 1757. Contrôles établis a la cour : 1. Série indéterminée : . Total : 1.
Date : 1758. Série indéterminée : 1. Total : 1.
Date : 1759. Contrôles établis a la cour : 101.Série indéterminée : . Total : 101.
Date : 1760. Contrôles établis a la cour : 10. Série indéterminée : . Total : 10.
Date : 1761. Contrôles établis a la cour : 6. Série indéterminée : . Total : 6.
Date : 1763. Contrôles établis a la cour : .2Série indéterminée : . Total : 2.
Date : 1768. Série indéterminée : 1. Total : 1.
Date : 1771. Série indéterminée : 1. Total : 1.
Date : 1773. Contrôles établis au corps : 2. Série indéterminée : . Total : 2.
Date : 1775. Contrôles établis au corps : 7. Série indéterminée : 7. Total : 14.
Date : 1778. Série indéterminée : 8. Total : 8.
Date : 1781. Contrôles établis à la cour : 1. Contrôles établis au corps : 2. Série indéterminée : 1. Total : 4.
Date : 1782. Contrôles établis au corps : 1. Série indéterminée : . Total : 1.
TOTAL - Contrôles établis a la cour : 122.Contrôles établis au corps : 13. Série indéterminée : 19. Total : 154.
(Les registres des intendances de Paris et Orléans conservés aux Archives de la Guerre ne sont pas comptés ici.)
RÉCAPITULATION
ARMES. CONTROLES ETABLIS A LA COUR. CONTROLES ETABLIS AU CORPS. SERIE INDETERMINEE. TOTAL.
ARMES : INFANTERIE. Contrôles établis à la cour : 1009. Contrôles établis au corps : 787. Série indéterminée : 166. Total : 1962.
ARMES : TROUPES MONTEES. Contrôles établis à la cour : 524. Contrôles établis au corps : 374. Série indéterminée : 55. Total : 953.
ARMES : ARTILLERIE. Contrôles établis à la cour : 9. Contrôles établis au corps : 46. Série indéterminée : 12. Total : 67.
ARMES : MINEURS ET OUVRIERS. Contrôles établis à la cour : 4. Contrôles établis au corps : 11. Série indéterminée : 7. Total : 22.
ARMES : MILICES ET REGIMENTS PROVINCIAUX. Contrôles établis à la cour : 122. Contrôles établis au corps : 13. Série indéterminée : 19. Total : 154.
TOTAL - Contrôles établis à la cour : 1668. Contrôles établis au corps : 1231.Série indéterminée : 259. Total : 3158.
CHAPITRE II
LES CONTROLES DE TROUPES, SOURCE D'HISTOIRE SOCIALE
Les contrôles de troupes se présentent donc, dans leur ensemble, comme des recueils de signalements. Rappelons que chaque soldat doit y être inscrit avec l'indication, non seulement de ses nom, prénoms et noms de guerre, mais aussi des noms de ses parents, de son âge et de son lieu de naissance, de son état ou profession de sa taille et couleur de cheveux et naturellement de son enrôlement, c'est-à-dire de la date de celui-ci, de la durée de l'engagement et de l'argent reçu. Enfin on doit porter par la suite dans une colonne réservée à cet effet la mention de ses rengagements, changements de grade et de son départ de la compagnie par mort, désertion ou congé, avec la date de chacun de ces événements. L'intérêt de ces renseignements pour l'histoire sociale est évident. Mais avant de faire la critique de ces données, il n'est pas inutile d'insister sur l'intérêt et la valeur générale de ce fonds d'archives.
1 - INTÉRÊT ET VALEUR GÉNÉRALE
La première source d'intérêt réside dans la rareté de ce genre de document. L'historien n'est pas en peine de trouver le signalement des hommes du XXe siècle. Chaque homme et même chaque femme a pris l'habitude de posséder des cartes d'identité. En dehors de l'établissement de la carte d'identité nationale qui a un caractère obligatoire, nous nous prêtons sans difficulté à celui de multiples cartes exigées par divers services administratifs, ou même sociétés particulières. Toutes ces cartes ont en principe un double dans les archives de ces services administratifs. Il n'en est pas de même pour les époques antérieures, notamment pour le XVIIIe siècle. Sans doute faut-il voir dans cette différence l'illustration des progrès administratifs. Il y a aussi, me semble-t-il l'indication d'un phénomène plus profond, touchant la sensibilité des individus et la conception qu'ils ont de la personne humaine.
Le signalement peut servir à deux usages : soit permettre à une personne recommandée dans un document de se faire reconnaître, soit permettre aux autorités de reconnaître une personne suspecte. Dans le premier cas, le signalement se veut discret. Au début du XVIIIe siècle, on peut en fait aller en pays étranger sans passeport. Le passeport permet de circuler plus librement en faisant connaître sa qualité (ou un pseudonyme) et d'éviter les tracasseries. Dans le second cas, le signalement comporte des renseignements plus précis sur l'individu. Il indique que celui-ci est placé sous surveillance. Ce signalement que l'individu doit garder sur lui comme une marque doit être présenté à toute réquisition. Il signifie que l'individu n'est plus tout à fait libre. Sans doute l'opposition entre les deux cas est moins nette dans la réalité et le passeport tend à se rapprocher des documents comportant un signalement précis. Il n'en demeure pas moins que le signalement est imposé de plus en plus souvent à des catégories un peu en marge de la population, comme les étrangers, ou franchement suspectes, comme les prisonniers. On l'impose aux recrues en qui on voit, non sans raison, des déserteurs éventuels. L'homme du XVIIIe siècle s'accommodait mal de ces pratiques administratives. Il y vit pendant longtemps un véritable viol de la personnalité.
Cependant à la veille de la Révolution, l'administration militaire avait suffisamment élaboré et précisé la teneur du signalement pour être en mesure d'envoyer aux officiers chargés de les dresser, des registres aux questionnaires imprimés. La généralisation de cet usage date de 1786. Il est vraisemblable que d'autres administrations procédaient éventuellement parfois de la même manière (voir notamment les Lettres Patentes du 12 septembre 1781 créant le livret ouvrier). Quoi qu'il en soit, ces formules étaient assez connues pour servir pendant la Révolution à différentes mesures de police, notamment à Paris. C'est le cas pour le registre municipal établi après les massacres du Champ de Mars par le décret du 19-22 juillet 1791, où chaque citoyen parisien devait se faire inscrire, ou pour les certificats de civisme institués par la loi du 24 juin 1791, enfin pour les cartes de sûreté, instituées au lendemain des massacres de septembre par la loi du 19 septembre 1792 (M. REINHARD, Connaissance de la population de la France pendant la Révolution, Contribution à l'histoire démographique de la Révolution française, 2e série. Commission d'Histoire économique et sociale de la Révolution française, Mémoires et documents, XVIII. Paris 1965, pp. 9-18). Mais ces mesures restèrent limitées aux hommes et aux grandes villes et portent la marque du climat révolutionnaire. Il ne semble pas qu'elles aient contribué à accroître la popularité des cartes d'identité et du signalement. C'est peut-être l'obligation du service militaire qui a fait le plus pour atténuer la sensibilité des hommes à ce sujet. Les femmes s'y sont résignées encore plus tard, comme à une rançon inévitable de la conquête de l'égalité des droits civiques. Mais n'a-t-il pas fallu pour cela vaincre un préjugé fort explicable : jusque-là, seules les prostituées étaient «mises en cartes» .
On peut trouver la preuve de cette répulsion naturelle pour le signalement qu'éprouvaient les gens du XVIIIe siècle dans le fait que cette désagréable formalité n'était pas imposée par l'administration de la Guerre à tous les militaires. Malgré l'ordonnance du 1er juin 1668, les Suisses refusèrent d'avoir des contrôles de caractère signalétique. Les contrôles des Suisses que nous avons conservés sont tous tardifs et ils se présentent comme des registres financiers sur lesquels le signalement de chaque homme n'est guère fait que de son état civil. On n'impose pas le signalement aux officiers. Le 1er août 1714, une ordonnance obligeait les majors des régiments d'infanterie, cavalerie et dragons à tenir un contrôle exact des officiers desdits régiments et à en envoyer une copie signée d'eux aux commissaires des guerres. Un état des changements devait être envoyé tous les mois au secrétariat à la Guerre (Arch. Nationales, A D VI). Mais ces contrôles ne devaient comporter, outre les noms des officiers, que la date de leurs commission ou brevet, le jour de leur réception, la date des vacances, les absences et les congés, mais aucun renseignement d'état civil ou de signalement. Dans les cartons de la série X aux Archives de la Guerre, les états des officiers de chaque régiment conservés sont généralement établis de manière soignée, mais ne nous apportent que quelques renseignements concernant l'âge, le lieu de naissance et l'illustration de la famille. Très souvent ils restent muets. Lorsque les contrôles régimentaires d'officiers furent créés en 1763, ils ne comportèrent que l'indication des noms, prénoms, âges et lieux de naissance.
Ainsi au regard du chercheur, ce sont les soldats d'Ancien Régime qui sont privilégiés, les officiers étant désavantagés par la discrétion dont on faisait preuve à leur sujet. Cette discrétion s'applique également aux cadets qui servent dans le rang et à bien des bas-officiers. Il est symptomatique de voir le signalement s'amenuiser d'un contrôle à l'autre pour des hommes qui montent en grade. Il ne reste plus alors que des indications semblables à celles rencontrées dans les contrôles d'officiers (A savoir le plus souvent, noms de père, âge et paroisse d'origine, sous-série Yb). Il arrive même que de temps en temps, le signalement d'une recrue appartenant à la bourgeoisie se fasse moins complet et qu'on se borne à ajouter aux indications d'état civil proprement dites, l'état du père, ce qui semble dispenser de tout autre renseignement. (Cela constitue une recommandation. Le mot « recommandé » apparait quelquefois, par exemple dans le cas de « Henri de Haulle dit Dehaulle, homme de condition recommandé par M. le Prince de Bouillon». Turenne-cavalerie, 3 Yc 288, ci e Mestre de Camp.)
En égard au signalement qu'on leur impose, les prisonniers et les soldats sont donc en principe sous l'Ancien Régime, les hommes dont l'étude sociologique présente le plus de facilité. Cela offre-t-il un intérêt pour l'étude de l'ensemble de la population ? Les prisonniers constituent une catégorie assez particulière de la population. Les renseignements sociologiques qu'ils nous apportent ne sont certes pas sans intérêt, mais ne peuvent pas être généralisés sans une étude sûre de la délinquance, La généralisation des données sociologiques recueillies dans les contrôles de troupes n'est-elle pas tout aussi imprudente ? Je pense avoir montré ailleurs (L'Armée française... t.1 , 1re partie : Les Français et leur armée au XVIIIe siècle) que les sarcasmes de Voltaire et quelques autres philosophes sur les « brigands enrégimentés», recrutés dans «la lie des villes», sont très exagérés. L'armée compte pour le moins deux tiers de campagnards de naissance, dont la plupart ne sont pas des déchets de l'exode rural. Quant aux citadins, proportionnellement plus nombreux, ils sont loin d'être tous des dévoyés. Si le « libertinage » contribue au recrutement de l'armée — qui songerait à le nier ? — la misère et tout simplement la vocation militaire et le patriotisme y pourvoient davantage. L'intérêt sociologique des contrôles de troupes dépasse largement le cadre de la société militaire. Ils constituent une source assez rare pour la connaissance de la société « civile » .
Mais dira-t-on, le service militaire est au XVIIIe siècle assez exceptionnel. Les contrôles de troupes représentent une source intéressante et rare, mais assez limitée pour l'étude des populations françaises. Combien d'hommes peuvent figurer sur les contrôles de troupes ? L'évaluation est difficile. Une bonne partie des soldats est signalée plus d'une fois, soit parce qu'on a conservé les deux exemplaires du même contrôle, soit parce que ces soldats ont servi assez longtemps pour être présents au corps lors de la confection de plusieurs contrôles successifs, soit enfin parce qu'ils ont changé de corps. C'est notamment le cas de ces « rouleurs » ou « billardeurs » qui semblent présenter une véritable ubiquité dans les contrôles, parce qu'ils souscrivent plusieurs engagements simultanés dans le but de recevoir plusieurs fois l'acompte sur «l'argent du roi», c'est-à-dire la prime d'engagement. Le nombre des signalements est supérieur à celui des hommes signalés. Il ne faut donc pas s'en tenir à une évaluation de « volume ». L' «arithmétique militaire», selon l'expression de M. Marcel Reinhard, offre bien des traquenards.
J'ai tenté un calcul grossier en partant de quelques exemples. Le premier régiment de Vivarais-infanterie comprenant un bataillon est représenté par sept contrôles, cinq établis en 1716, 1718, 1722, 1729, 1737, et deux établis en 1744. C'est le seul régiment pour lequel on possède une série continue de contrôles aussi longues. J'y ai dénombré 5.500 hommes environ pour près de 7.000 signalements. L'effectif théorique du bataillon d'infanterie étant resté le même à peu de choses près pendant tout le XVIIIe siècle, soit d'environ 500 hommes, on peut se livrer à un calcul grossier. Comme pour l'infanterie il existe 1.050 volumes de contrôles représentant 1962 contrôles, on peut évaluer le nombre des fantassins à (500 X 1962)/7 soit 1.400.000 donc moins d'un million et demi d'hommes. Ce chiffre est probablement supérieur à la réalité, car le régiment de Vivarais semble s'être renouvelé plus vite que la plupart des autres corps. D'autre part tous les contrôles ne sont pas complets.
A la fin du XVIIIe siècle, les hommes restent probablement davantage au service. En outre à partir de 1737, on a gardé beaucoup plus souvent des registres appartenant aux deux séries parallèles de contrôles. Aussi, il paraît plus raisonnable de proposer pour l'évaluation des fantassins signalés le nombre d'un million deux cent mille. Si on procède de la même manière pour les autres armes, on obtiendra 200.000 hommes pour les troupes montées, 40.000 pour l'artillerie, 100.000 pour les milices. Pour les Gardes Françaises, si on évalue à 20 par an le nombre des recrues inscrites dans chaque compagnie de 1670 à 1789, soit en 120 années. Comme ce régiment comptait alors 33 compagnies, on arrive à un total de 20 X 33 X 120, soit 79.200 hommes, nombre que l'on peut arrondir à 80.000. Ajoutons quelques 5.000 noms contenus dans les contrôles des troupes suisses et 20.000 dans ceux des compagnies détachées d'invalides, nous arrivons à un total très approximatif de 1.625.000 hommes signalés dans les troupes. On ne peut y joindre qu'une partie des 130.000 invalides de 1674 à 1789 dont les signalements sont conservés dans les registres d'immatriculation des Invalides, ou des 20.000 qui figurent dans les contrôles des compagnies détachées car ces hommes figurant à partir de 1716 également dans les contrôles de troupes réglées ont déjà été compté, sauf pertes ou lacunes des contrôles. Enfin les archives départementales conservent assez souvent des contrôles de milices, assez exceptionnellement des contrôles de troupes. Je me suis efforcé de recenser ces contrôles. Mais il est probable que certains contrôles, non reliés, conservés au milieu de liasses de documents divers comme cela se trouve aux archives de l'Hérault m'ont encore échappé. Ainsi, par les contrôles de troupes on peut connaître l'existence d'environ 1.700.000 hommes dont 1.600.000 postérieurs à la guerre de Succession d'Espagne. Cela représenterait la plus grande partie des hommes ayant servi au XVIIIe siècle. En effet, j'ai proposé dans « l'Armée française de la fin du XVIIe siècle au ministère de Choiseu l », le total approximatif de deux millions de soldats pour la période 1700-1763 (T. 1, pp. 157-158). En ne retenant des 655.000 soldats enrôlés vraisemblablement de 1700 à 1715 que les 100.000 restés dans l'armée en 1716 et en leur joignant les hommes enrôlés de 1763 à 1786, on arriverait peut-être pour les hommes ayant servi de 1716 à 1789 à un total avoisinant aussi deux millions. Mais dans ce second calcul, il s'agit d'effectifs souvent théoriques. Les effectifs réels leur sont sensiblement inférieurs, et doivent se placer entre 1.650.000 et 2.000.000 d'hommes. Quoiqu'il en soit, la société militaire est très largement représentée dans ces contrôles de troupes. Sans doute tous ces hommes ne sont pas des Français. Le recrutement des corps étrangers s'élève de 1700 à 1763 à 360.000 sur 2.000.000 d'hommes, soit 18 %. Il faut cependant observer que les Français ont toujours été très nombreux dans les corps étrangers. De plus, le recrutement étranger tend à se tarir après 1763. Enfin les contrôles des troupes suisses sont très lacunaires. Il est probable que les étrangers représentent moins de 10 % des 1.700.000 hommes signalés dans les contrôles. Dans une approximation très grossière on pourrait avancer que 1.600.000 Français ont leur signalement dans les contrôles de troupes de l'Ancien Régime. Cela constitue une part non négligeable de la population masculine ayant atteint l'âge de porter les armes, tout au moins de 1716 à 1786.
Cette partie de la population masculine que l'on retrouve dans les contrôles de troupes représente il est vrai assez peu de chose si on la compare à celle qui a laissé des traces dans les registres paroissiaux et même dans les rôles des divers impôts. Je pense toutefois que les contrôles de troupes offrent sur chaque individu enrôlé un faisceau de renseignements en principe comparable et même plus abondant que ceux qui accompagnent les actes d'état civil et les cotes d'imposition. On peut classer ces renseignements sous plusieurs rubriques :
1° État civil : nom, prénoms et nom de guerre du soldat ; noms de ses père et mère et indication éventuelle de leur décès ; âge ou mieux, date de naissance ; lieu de naissance et juridiction dont dépend ledit lieu ; éventuellement domicile lorsque celui-ci est différent du lieu de naissance.
2° État social : État ou profession du soldat ; État ou profession de son père ; tous renseignements permettant d'identifier le soldat par son état ou profession.
3° État physique : Taille, couleur des cheveux et de la barbe ; «figure» ou «allure» ; signes distinctifs : cicatrices, malformations.
4° Carrière militaire : Date et lieu d'engagement, «argent du roi» reçu (prime d'engagement), durée de l'engagement, conditions diverses de l'engagement ; obtentions de grades et date de celles-ci ; rengagements ; départs de la compagnie, par mort, congés et désertions, avec leurs dates, admission aux Invalides ou à une lieutenance. Il s'en faut que ces renseignements figurent toujours au complet. Ecartons tout ce qui concerne la carrière militaire, les contrôles de troupes restent une source remarquable de «données» variées, utiles à la connaissance de la société «civile» .
Il faut ajouter que certains majors ayant pris l'habitude d'intercaler entre les pages des contrôles des pièces diverses relatives aux soldats ou même à l'administration du corps, un grand nombre de ces pièces a été laissé en place, si bien que certains contrôles tiennent lieu en même temps d'archives du corps. C'est le cas notamment dans le régiment de Piémont entre 1749 et 1754. Le contrôle 1Yc 718 ne contient pas moins de 119 pièces, dont 104 extraits mortuaires. Les autres pièces sont des lettres de soldats ou relatives à des soldats. En procédant à l'inventaire du fonds j'ai ôté les pièces concernant l'administration du régiment. Ces pièces ont été regroupées pour former un additif à la série X. Mais j'ai laissé en place toutes les pièces concernant les hommes, généralement épinglées, collées ou simplement déposées à la page portant le signalement de l'homme auquel elles se rapportent. Cela constitue un complément souvent intéressant pour l'histoire sociale.
Quoique devant se conformer à des règles précises, les contrôles de troupes ne sont pas des sources homogènes, surtout au début de cette institution. Nous avons vu que la tenue des registres ne s'était guère uniformisée qu'au milieu du siècle. Même après 1763, il reste encore des disparités. Rappelons à ce sujet que les contrôles de troupes sont des sortes de recensements généraux et relativement périodiques de l'armée. Aussi le signalement des hommes présents au corps au moment de la confection du contrôle est assez soigné d'apparence. Il arrive d'ailleurs parfois que pour les soldats les plus anciens, l'officier qui a confectionné le registre recopie les signalements portés dans les contrôles précédents, sans même changer l'âge. Mais pour les hommes enrôlés dans l'intervalle qui sépare la confection de deux contrôles consécutifs, on ajoute le signalement des recrues au fur et à mesure de leurs arrivées.
Il est nécessaire d'évoquer ici la manière dont se déroule l'enrôlement du soldat, acte qui correspond à ce que nous appelons l'incorporation et qu'il ne faut pas confondre avec l'engagement. Ce dernier acte est un contrat établi entre la recrue et son capitaine avant 1763, entre la recrue et le régiment après cette date. Dans la réalité les deux protagonistes sont la recrue et la personne ayant reçu du capitaine commission pour recruter. Celle-ci est un militaire, sergent ou même simple soldat, un cavalier de maréchaussée ou même parfois un «civil» (L'Armée française..., t. 1, pp. 147-197). Le plus souvent la recrue est assez rapidement présentée au capitaine et un billet d'engagement en bonne et due forme remplace le billet provisoire écrit lors du précédent contact. Le billet d'engagement indique les noms du capitaine et de la recrue, la date, l' «argent du roi» (prime d'engagement) dont on est convenu et la signature de la recrue ou la croix qui en tient lieu, ainsi éventuellement que la signature du recruteur ou des témoins. Cependant, comme certains engagés disparaissaient après avoir touché l'acompte sur l' «argent du roi» versé au moment même de l'engagement, on porta sur les billets d'engagements des éléments du signalement de plus en plus fournis. A partir de 1760, on distribue même aux recruteurs des billets d'engage ment imprimés comportant des blancs à remplir. Lorsque la recrue arrive au corps, on la confronte à son billet d'engagement. L'inscription sur les contrôles en usage, ainsi que sur les états mensuels envoyés à Versailles ou enrôlement est effectué par le major, ou, en l'absence, de celui-ci, par un aide-major ou «tout autre officier chargé du détail». Lorsque les billets d'engagements ne portent pas les indications du signalement, c'est donc à l'officier qui enrôle que revient la tâche de dresser celui-ci. Lorsque le billet d'engagement porte le signalement, il lui appartient seulement de vérifier celui-ci, de le corriger éventuellement et de le compléter. Disons que le premier cas est plus fréquent dans la première moitié du siècle, mais qu'il ne disparaît pas tout à fait dans la seconde moitié.
Que l'officier chargé du détail se borne à recopier le signalement porté sur le billet d'engagement ou qu'il transcrive les réponses faites par le soldat aux questions posées lors de l'incorporation, il apporte à cette tâche plus ou moins de conscience, d'intérêt ou d'intelligence. L'officier pose plus ou moins de questions et ne recopie pas nécessairement toutes les indications que le soldat lui fournit. De plus, il procède souvent à une élaboration consciente ou non des réponses. Il a son style. Ainsi dans quelques registres, on rencontre constamment l'expression «fils à» que n'emploient pas uniformément les recrues, alors que dans la plupart des contrôles on trouve toujours «fils de», expression que n'employait pas toutes les recrues. C'est là une question de pure forme. Il y a plus grave. Certains officiers chargés du détail désirent donner aux signalements une unité plus ou moins factice. Le registre à l'apparence la plus homogène et soignée n'est pas toujours le plus intéressant ni même le plus sûr, l'officier ayant sacrifié à la présentation la précision et peut-être même l'exactitude. Par exemple on voit qualifier «élection», systématiquement toutes les juridictions dont dépendent les lieux de naissance. Reconnaissons que c'est assez rare et que prudemment la majorité des officiers fait suivre l'indication du lieu de naissance de l'expression peu compromettante : «juridiction de». Mais plus qu'à l'ignorance du major ou de son remplaçant les fantaisies ou erreurs dans les notations sont imputables à l'emploi par les recrues d'expressions patoisantes et surtout d'une prononciation locale, desquelles l'officier n'est pas familier. Il se produit à l'armée une confrontation beaucoup plus fréquente que dans la société civile entre hommes originaires de différentes régions. Quand une recrue languedocienne est inscrite sous le nom de Dumasse, on peut y voir presque à coup sûr un Dumas et penser que l'aide-major n'est pas originaire du midi de la France. L'orthographe phonétique des noms de lieux permet de reconstituer leur prononciation. On rencontre Beffort (Belfort), Molusson (Montluçon), «natif d'Artel» (de Rethel), «des Arguemines» (de Sarreguemines). Cependant, plus on avance dans le siècle, plus les formes dialectales et les fantaisies dans l'orthographe se font rares, sans toutefois disparaître complètement.
Or, c'est précisément à propos des renseignements relatifs à l'état social que les différences entre les contrôles sont les plus grandes. En effet, si tous les majors ou officiers chargés du détail sont conscients de la nécessité de transcrire soigneusement les événements qui marquent la carrière militaire des soldats, ainsi que leur état civil, ils ne semblent pas avoir même opinion sur les notations de caractère sociologique. Tous ne transcrivent pas ce que leur dit le soldat ou plus probablement encore tous ne l'interrogent pas à ce sujet. On discerne deux tendances, peut-être révélatrices de deux mentalités différentes et de deux conceptions des rapports entre officiers et soldats. La première tendance consiste à mettre l'accent sur l'origine sociale du soldat. Noms des parents, indications de leur décès, quelquefois circonstances de la naissance, état ou profession du soldat et de son père énoncés avec précision, sont les «données» qui semblent le mieux témoigner de cette disposition d'esprit. Remarquons que dans ce genre de contrôles, la précision des dates d'engagement ou de départ est moins affirmée. Aussi le désir de mieux connaître les hommes parait être, autant que la conscience scrupuleuse et la méfiance à l'égard des hommes, la cause de cette curiosité. Certains renseignements se présentent comme le résultat d'une véritable confession de la recrue, sollicitée, spontanée ou due à l'ivresse, mais qui n'a pas été négligée par l'officier. Dans le même ordre d'idée, on rencontre des contrôles où se manifeste systématiquement le respect des gradés et des hommes ayant combattu. Dans la Reine-dragons, les bas-officiers sont qualifiés «sieur» (7 Yc 34). Dans Royal-Lorraine-cavalerie, le signalement de certains hommes est accompagné de la mention : «Ayant fait la guerre...» (7 Yc 62) .
La seconde tendance vise à la clarté et à la précision. Le major écarte des renseignements à ses yeux inutiles ou difficilement contrôlables, comme la profession. Les signalements s'uniformisent. L'officier a interprété d'une manière très nette, à la fois le questionnaire qu'il devait adresser aux recrues et les réponses de celles-ci. Par contre tout ce qui concerne la carrière militaire se précise et s'amplifie. Les dates d'engagement et d'enrôlement se distinguent l'une de l'autre. Elles ne sont plus seulement exprimées en année, mais en jour et mois. Il en est de même pour les rengagements, les promotions, les congés limités, (nos permissions), les congés absolus, les désertions pour lesquelles on distingue la date du délit, celle de son jugement et éventuellement celle de l'exécution de la sentence. A l'extrême, on voit dans le régiment de dragons du Roi en 1772 le major prendre la peine d'inscrire, à la place où était généralement portée la profession, cette formule répétée pour chaque homme : «Les ordonnances lui ont été lues» (7 Yc 36). Si l'on excepte ce cas caricatural montrant un officier obnubilé par le règlement, les contrôles de ce type sont, du point de vue administratif très supérieurs aux précédents. Évidemment, ils sont beaucoup moins vivants. De plus, pour tous les renseignements de caractère civil, sous leur apparence d'homogénéité, ces documents sont probablement moins sûrs. Le soldat semble y prendre place comme un élément uniforme et impersonnel.
Dans un régiment des habitudes se créent pour la tenue des registres sous l'impulsion de quelques officiers. Ainsi, pendant vingt-six ans, dans Champagne-infanterie, malgré le changement de majors, les domiciles sont indiqués régulièrement quand il est diffèrent du lieu de naissance (1 Yc 246 à 250, de 1737 à 1763. La tradition passe ensuite au régiment d'Austrasie formé en 1776 du dédoublement de Champagne ; 1 Yc 66). Il en est de même pendant vingt ans dans Limousin-infanterie (1 Yc 503-506, de 1749 à 1769). Il faut peut-être également faire la part de réactions des officiers voire des hommes devant certaines exigences du «signalement» : la disparition entre 1737 et 1776 dans les contrôles du Royal-Bavière de la mention des noms des père et mère des soldats est à tout le moins curieuse (1 Yc 851, 96, 837, 828, 852, 853). Toutefois, ce sont les habitudes de concision administrative, voire bureaucratique qui se généralisent à la fin du siècle. On voit même apparaître lorsque cela est nécessaire la mention «néant», qui atteste que l'officier chargé du détail n'a pas omis un renseignement, mais qu'il n'a pas pu se le procurer. Les contrôles de 1776 ont souvent atteint l'efficacité de ceux de l'époque contemporaine, mais aussi leur sécheresse. Au-delà du perfectionnement de l'administration, cela révèle un changement profond de la conception qu'on avait du service militaire.
2 - LA CRITIQUE DES RENSEIGNEMENTS
Je grouperai les éléments de cette étude sous les rubriques générales suivantes : état civil, état social, état physique, carrière militaire, départ de l'armée.
A) L'ETAT CIVIL
Il s'agit de renseignements concernant les noms, prénoms, surnoms, lieux de naissance, âge, qui ne peuvent guère être établis que d'après la déclaration de la recrue. Les historiens ont l'habitude des orthographes fantaisistes sous lesquelles on rencontre les patronymes, en particulier lorsque la transcription révèle la confrontation des prononciations locales. Cependant notons à cet égard que les scrupules des officiers chargés du détail augmentent beaucoup lorsque sont instituées les pensions militaires, c'est-à-dire à partir de l'ordonnance du 26 février 1764. Au bout de 24 années de services le soldat a droit à une pension équivalant à la solde. Au bout de 16 années, il a droit à la demi-solde. Lorsqu'il demande à jouir de la pension ou de la demi- pension, on procède à une vérification de ses services dans les contrôles et les difficultés d'identification ne manquent pas. On trouve, déposées dans les contrôles des pièces relatives à ces enquêtes. La plupart de ces pièces datent du Directoire. Il est vraisemblable que les pièces relatives aux enquêtes antérieures avaient été classées dans des dossiers et non pas laissées dans les registres. On apprend ainsi que Claude Fourier, entr'autres services, est resté de janvier 1766 à décembre 1768 comme musicien dans le Royal-Cravattes sous le nom de Foury (Royal-cavalerie, cie Boubert, 5 Yc 20-2). Aussi pour éviter de semblables tracas, l'officier chargé du détail veille-t-il davantage à l'exactitude des noms. Dans un registre du régiment de Normandie commencé en 1763, une recrue est inscrite de la manière suivante : «Etienne Dollé ou Dotte», ce qui atteste que la transcription s'est faite hors de la présence du soldat et sans doute d'après les indications du billet d'engagement (1 Yc 635, cie Bigny).
Plus grave pour la connaissance des hommes portés dans les contrôles est la question de la sincérité de l'état civil qu'ils rapportent. Il est indéniable que des hommes s'engagent sous des faux noms afin de déguiser leur nom véritable. Cette pratique est interdite par les ordonnances. Voici les termes de celle du 2 juillet 1716 :
« Deffend Sa Majesté, tant aux Cavaliers, Dragons et Soldats qui sont actuellement dans lesdites Compagnies, qu'à ceux qui s'y engageront cy-après, de déguiser leur nom et le lieu de leur naissance, à peine des galères perpétuelles » (Article XXVI) .
Cependant les ordonnances d'amnistie qui se succèdent à partir de 1730, réduisent beaucoup la portée de cette menace. Voici comment s'exprime l'article III de l'ordonnance du 17 janvier 1730 :
« Quitte et remet pareillement Sa Majesté aux Soldats, cavaliers et dragons de ses troupes, qui dans la vue de déserter, ou par quelque autre raisons que ce puisse être, ont donné un faux signalement lors de leurs engagemens, la peine des galères perpétuelles qu'ils ont encourue, suivant la disposition de ladite ordonnance du 2 juillet 1716, à condition que dans le terme de quinze jours, à compter de celui que la présente ordonnance aura été publiée à la tête de leurs régiments ou compagnies, le soldat, cavalier ou dragon qui sera dans ce cas, ira déclarer son vrai nom et lieu de sa naissance au capitaine, ou, en son absence au lieutenant de la compagnie en laquelle il sera enrôlé, lequel aura soin de faire corriger le signalement dudit soldat sur le registre du régiment ou de la compagnie, sans que ladite grâce puisse être appliquée à ceux qui donneront un faux signalement postérieurement à la date de la présente » (Code Briquet, t. III, pp. 161 et ss.).
Souvent les hommes qui déguisent leur nom sont des filous coutumiers des engagements multiples, voire quasi simultanés. Mais il arrive que ces indésirables recrues réussissent à échapper à leurs recruteurs et n'atteignent aucun des corps où elles se sont engagées. Naturellement ces hommes ne laissent pas de traces dans les contrôles. Par contre les « rouleurs » ou « billardeurs » qui passent d'un corps à l'autre peuvent justifier tout de même de quelques services. Ceux-là figurent sur les contrôles où ils occupent de nombreuses places. Mais s'engagent-ils toujours sous un faux nom ? Il ne le semble pas. Voici l'exemple de Pantaléon Bourgeois dit Sans Soucy, soldat du régiment de Vivarais, compagnie lieutenante-colonelle depuis le 17 mars 1743 qui déserte et est jugé par contumace le 15 septembre 1744. Or à cette date il se trouve au régiment des dragons de Septimanie où il s'est engagé le 6 août 1744. Dans ce second corps il a reçu le surnom de La Forêt, mais il n'a pas pris la précaution de changer de nom. Il ne semble pas d'ailleurs qu'il ait été autrement inquiété (1 Yc 1049 et 3 Yc 279. Cf. L'Armée française..., p. 725, n. 1).
Ce qui rend encore plus irritante cette question, est le fait que des soldats en apparence estimables se sont engagés sous de faux noms. Un mémoire du bureau des contrôles de troupe reconnaît l'existence d'hommes de bonne foi «qui n'indiquent pas bien en s'engageant leur nom et lieu de leur naissance, sont reconnus sur les indications qu'ils donnent ensuite, et qu'on a pas lieu de soupçonner d'aucune mauvaise intention». D'autres certes agissent intentionnellement. Il en est «qui déguisent leurs noms parce qu'ils sont bâtards, quelques-uns qui prennent le nom de leur mère... Il arrive même que des soldats, par ignorance ou par suspicion, prennent en s'engageant d'autres noms que les leurs...» (Ya 19, s.d. [postérieur à 1730]). Cette attitude ne peut être décelée que lorsqu'une rectification est opérée. Après l'ordonnance d'amnistie du 12 décembre 1775, quatorze hommes se présentèrent dans Berry-infanterie pour faire corriger leur signalement. On peut être sûr que ces hommes n'étaient pas des rouleurs. Pour quelle raison Claude Ballet s'était-il engagé sous le nom de Jean Sonde alors qu'il apparaît par ailleurs comme un soldat stable ? (1 Yc 709. Cf. L'Armée française..., p. 726). Il arrive que le soldat ne donne sa véritable identité qu'au moment de quitter l'armée, sans doute pour éviter des ennuis à l'avenir. Ainsi le soldat Joseph Barbe qui servait depuis onze ans reçut son congé le 1er septembre 1753 sous son nom véritable de François Frivorant et le 30 mars 1783, Léonard Roux fut congédié sous le nom de Barthélémy Vegrinot (1 Yc 709. Cf. L'Armée française..., p. 726). Quelle est la fréquence de ces pratiques ? Il est difficile de le dire. Dans l'ensemble j'ai retrouvé chez eux la plupart des soldats que j'y ai cherchés, disons deux hommes sur trois environ quand les registres paroissiaux existent. Mais il faut faire la part des échecs dus aux lacunes des sources locales et aux erreurs sur la paroisse de naissance provoquées par une supercherie, une confusion ou l'ignorance de la recrue. A cet égard il existe donc deux groupes d'hommes, ceux que l'on retrouve et ceux que l'on ne retrouve pas dans les sources locales. Toutefois ces deux groupes ne recouvrent pas exactement les deux catégories sociales des gens stables et des vagabonds ou errants, membres des futures «classes dangereuses» du début du XIXe siècle. Disons que les contrôles de troupes nous permettent un contact sûr avec la plus grande partie des premiers mais permettent également de connaître quelques-uns des seconds.
Les prénoms sont toujours notés avec la plus grande attention. On sait cependant que nom de baptême et prénom usuel se distinguent souvent. L'établissement des pensions donne lieu à des rectifications de prénoms (un certificat de notoriété du 25 messidor an II atteste que Richard Gilot s'appelle bien Pierre Henry Gilot. Colonel Général dragons, ci e Poutier. 7 Yc 10). Par leur continuité et leur masse, les contrôles de troupes permettent de suivre le recul subi dans l'usage par le prénom usuel au profit du patronyme. Dans les premiers registres des Gardes Françaises dont l'institution date de 1670, le prénom joue un rôle essentiel. Il est inscrit en tête et en très grosses lettres. Mais progressivement sa place se réduit et d'une manière générale, à la fin du XVIIe siècle, il ne se distingue plus dans les documents par une graphie particulière. On peut remarquer la même évolution dans les registres d'immatriculation des Invalides, dont les premiers remontent à 1674. Notons que la table générale des invalides, commencée vers le milieu du XVIIIe siècle classe les hommes par l'ordre des initiales de leurs prénoms. Cet usage est naturellement suivi jusqu'au moment où est ouverte une autre série de registres, c'est-à-dire en l'an V (Registre 80-86), mais on a dû doubler par d'autres tables alphabétiques cette table des prénoms peu utile.
Dans les contrôles créés en 1716 où les en-têtes sont imprimés, en haut de la première colonne on lit : «Noms propres, surnoms et noms de guerre». Ces indications seront reproduites jusqu'à l'entrée en vigueur des registres de 1786. Noms propres cela ne peut que signifier au XVIIIe siècle à la fois prénom et patronyme. Pendant tout le siècle, le prénom précède le nom. Il est rare que le nom soit écrit en plus grosses lettres que le prénom. Il arrive que pour certains soldats, on use d'un avant-nom qui est toujours «le sieur». Ce sont assez souvent des gentilshommes mais ce terme est également appliqué à des bourgeois. Le plus souvent, on qualifie de «sieur», des hommes dont la situation militaire apparaît particulière. C'est le cas pour les jeunes gens de famille qui servent comme cadets ou volontaires, pour apprendre le métier des armes sous la direction d'un capitaine de leurs parents ou amis. Ils ne contractent pas d'engagement. Mais on trouve, exceptionnellement ce terme de respect appliqué à des bas-officiers. Nous avons vu que c'était le cas dans le régiment de dragons de la Reine en 1776 (7 Yc 34). J'évoquerai les épithètes qualifiant les gentilshommes dans l'étude de l'état social. Pour en terminer avec les noms, disons que les particules ne sont pas plus respectées dans les contrôles de troupes que dans les autres documents de l'époque et qu'on les trouve indifféremment soudées au nom ou détachées de celui-ci.
La question des «surnoms et noms de guerre» est plus particulière à l'armée. Il est cependant curieux que l'on maintienne jusque dans les contrôles de 1776 cet apparent pléonasme. Le mot surnom n'a plus alors le sens de nom de famille. Je pense que dans l'esprit des bureaux de la Guerre, le terme de surnom s'applique aux sobriquets alors très répandus dans les milieux populaires. Leur transcription ne manquerait pas d'être utile pour identifier un homme. Le surnom se distinguerait ainsi du nom de guerre, pris ou plutôt reçu par la recrue à son enrôlement. En fait je n'ai jamais trouvé pour chaque homme qu'un seul surnom ou nom de guerre et les deux termes se confondent. L'absence de surnom ou nom de guerre est par contre significative. Les cadets, les fils de gentilshommes ou de gens d'un certain rang social en sont souvent dispensés. Quand l'officier chargé du détail, entraîné par la force de l'habitude fait suivre tous les noms de la formule consacrée : « dit... », on s'aperçoit que souvent le surnom ou nom de guerre est tout simplement le nom lui-même qui se trouve ainsi répété. Vers la fin du siècle on constate que lorsqu'un soldat devient sergent, il est assez souvent débarrassé de son surnom. Robert Dauvergne a montré que les noms de guerre avaient fini par prendre un caractère automatique et formel et par jouer un peu le rôle de numéros matricules. Ils disparaîtront d'ailleurs avec l'apparition de ces derniers (Les surnoms militaires en France au XVIIe siècle. Onomastica, sept.-déc. 1948. Voir également L'Armée française..., pp. 851-862). Sous ces réserves, le nom de guerre joue un rôle capital dans la désignation du soldat et c'est pourquoi on le voit porté en lettres plus grosses, ou nettement détaché des autres noms, quelquefois placé même en tête, avant prénoms et noms, de façon à en faciliter la consultation, même répété d'une autre main et d'une autre encre en gros caractères (par exemple, dans Touraine infanterie en 1734. 1 Yc 994).
Bien que les têtes de colonnes imprimées ne mentionnent pas l'obligation de porter les noms des parents du soldat, ces indications existent très souvent. Toutefois il faut les chercher soit dans la première colonne qui est relative aux noms propres, surnoms et noms de guerre, soit dans la colonne généralement plus large attribuée aux signalements. Ainsi on trouve assez fréquemment les prénom et nom du père indiqués dans l'expression : «fils de...», très rarement «fils à...» (dans Bigorre - infanterie 1 Yc 147 et dans des contrôles de milices, par exemple, ceux de Romans, 2 Yc 101 et Auch, 2 Yc 20. Dans les contrôles de la milice de Saint-Lô, on rencontre l'expression « fils ... » sans préposition. 2 Yc 107) ou le prénom du père, les prénom et nom de la mère, avec la mention soit de l'état ou profession soit du décès. Cette question sera reprise dans l'étude de l'état social.
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La mention de l'origine locale des hommes est impérativement demandée aux officiers chargés du détail par les en-têtes des registres. Comme pour les noms, la valeur des renseignements concernant le lieu de naissance est d'abord fonction de la sincérité des soldats. Le mémoire déjà cité signale des hommes :
« qui se disent d'un pays françois parce que le lieu de leur naissance se trouve limitrophe des provinces de France. Il y en a aussi plusieurs qui quoyqu'étrangers se disent natifs de France dans la crainte de n'être pas reçus dans les régimens auxquels ils se présentent pour s'engager... » (Ya 19).
Mais une autre cause intervient plus fréquemment qu'on pourrait le penser : l'ignorance dans laquelle sont certaines recrues de leur lieu de naissance. Aussi rencontre-t-on des rectifications concernant les lieux de naissance, mais beaucoup moins souvent que pour les noms. En outre la recrue peut confondre lieu de naissance et domicile lorsque l'officier qui l'enrôle ne précise pas suffisamment ses questions. Le soldat exprime plus souvent son lieu de naissance par la paroisse où il a été baptisé que par le nom de la localité sauf lorsqu'il s'agit d'une ville. Ainsi lorsque Pantaléon Bourgeois s'engage, il se dit natif de Saint-Pantaléon, faubourg de Chartres. Il faut comprendre qu'il est natif du village de Lucé dont l'église est bien sous l'invocation de saint Pantaléon (Régiment de Vivarais, cie lieutenante-colonelle, 1 Yc 1049 (année 1743). Même lorsqu'il s'agit de très grandes villes, il arrive que le nom de celle-ci soit omis. Plusieurs soldats enrôlés dans les troupes de la Compagnie des Indes en 1756 sont indiqués comme domiciliés dans la paroisse Saint-Denis de la Chartre sans autre précision. Il est possible que l'officier qui a procédé à l'enrôlement soit parisien et qu'il ait négligé de spécifier que cette paroisse était située à Paris, tant la chose lui paraissait évidente (Jacques-René Duchesne, du 11 janvier 1756. Arch. des Colonies, D2a 26, et Isaac Voullaire, du 15 août 1756, ibid. D2a 27). Autre source de difficultés, lorsqu'une ville est indiquée, quelquefois la paroisse de naissance en est proche sans en faire partie. Cela peut être aussi la ville de juridiction du lieu de naissance mentionnée seule, à l'exclusion de ce dernier. Par contre des paroisses suburbaines sont parfois citées sans indication de la ville. Le plus souvent le nom est insuffisamment précisé et comme il existe de nombreuses homonymies à l'intérieur même d'une juridiction, notamment en Normandie, pays de paroisses nombreuses, on reste parfois dans le doute. L'importance du lieu de naissance est souvent soulignée par la mention : ville, bourg ou village, mais ces qualifications sont très subjectives. Que penser du lieu de naissance de Jean Rebelin, soldat au régiment de Vivarais, natif « du village de Crémieu en Bugey » ? Ce Crémieu est-il un hameau que je n'ai pas su identifier ou la ville de Crémieu en Dauphiné, que le major Lormetel, natif de Crulai (généralité d'Alençon) aura eu tendance à placer dans le Bugey d'où venaient en 1718 plusieurs soldats non normands de ce régiment ? (l Yc 1044, cie Courcival). Le plus souvent d'ailleurs l'erreur se fait dans l'autre sens, le terme de ville étant attribué à des villages. Quant à celui de bourg, il n'a pas de sens précis puisqu'il peut désigner la partie agglomérée d'un village, aussi bien qu'une localité de quelqu'importance, sans qu'on soit sûr que l'officier qui enrôle et la recrue l'entendent dans le même sens.
Les juridictions des lieux de naissance sont mentionnées de manière assez irrégulière, tout au moins au début du siècle. Rappelons que dans les registres de 1716 les en-têtes demandent d'inscrire le lieu de naissance dans la 2e colonne et dans la 3e : « Élection, bailliage, sénéchaussée ou châtellenie », mais que dès 1729 ces renseignements sont formulés : « Lieux de naissance, Province et juridiction ». L'administration militaire renonce à indiquer l'ordre de juridiction qu'il convient de citer. On ne doit pas s'en étonner. Dès les premiers contrôles, des références sont faites aux juridictions les plus diverses. En 1716 par exemple le major du régiment de Normandie ne mentionne que le diocèse (1 Yc 621, 627, 631). La province, selon l'invitation qui en est faite, est assez fréquemment indiquée. On trouve beaucoup plus rarement le bailliage. Très souvent c'est l'élection. Toutefois la généralité est de plus en plus souvent évoquée, surtout dans la seconde moitié du siècle. La subdélégation apparaît quelquefois dans les contrôles des troupes réglées. Naturellement elle règne dans les contrôles des milices. On mesure ainsi les progrès de l'administration royale dans les provinces.
Certains majors se montrent extrêmement minutieux. Ainsi, celui de Bretagne-cavalerie en 1716 signale Jean Questier comme étant de la « ville de Paris, paroisse de Saint-Nicolas des Champs, eslection, bailliage et sénéchaussée et intendance de Paris » (3 Yc 41, cie mestre de camp). D'autres n'hésitent pas à reproduire des précisions assez peu courantes. Celui de Bellabre-dragons en 1716 note que Pierre Michinau dit Poitevin est natif de « Bovié, marche commune du Poitou et de la Bretagne » (L'Armée française ..., p. 376). Celui de Provence-infanterie en 1732 recopie patiemment la déclaration de Jacques Huot : « natif du village de Délimer, moitié France, moitié Lorraine. Il est de la partie française qui s'appelle Auverté, jurisd[icti]on de Vic sans Lorraine (sic) » (L'Armée française ..., p. 376). La plupart se montrent plus laconiques et moins scrupuleux. Les uns qualifient « généralité » ou « élection » toutes les juridictions qui leur sont indiquées. Les autres, beaucoup plus nombreux se bornent à employer le terme vague de « juridiction ». Évidemment, major et recrues ne pensent pas toujours à des juridictions de même nature, La recrue, si elle n'est pas guidée par le major énonce aussi bien le chef-lieu de la généralité, de l'élection, voire de la subdélégation, du bailliage royal et parfois d'un bailliage seigneurial, que le marché, la ville la plus proche, quand ce n'est pas le bourg, le centre de la communauté rurale par opposition aux écarts. Il faut également enregistrer le prestige croissant des villes d'intendance que le meilleur état des chemins rapproche des villages. Aussi l'idée de la généralité efface parfois toute autre. Il arrive alors que l'on ne puisse discerner par exemple en cas d'homonymie de paroisses à l'intérieur d'une même généralité, si tel village situé dans la « juridiction » de Montauban appartient réellement à l'élection de Montauban ou la généralité dont cette ville est devenue la capitale.
L'officier chargé du détail n'est pas souvent à même de rectifier imprécisions ou erreurs. Il commet d'ailleurs parfois d'étranges étourderies. Un major, pourtant consciencieux, inscrit François Bonpain comme « natif d'Ameillé en Bretagne, ellection de Caen en Normandie » (Aunis-infanterie, cie Plantadis. 1 Yc 58). D'autres se montrent négligents. Dans le régiment de Navarre en 1763, la ville de Toul est attribuée tantôt à la Lorraine, tantôt aux Évêchés (1 Yc 603). Si l'on tient compte de ce qui est négligences, on est frappé de la connaissance relativement bonne qu'avaient les Français de leur géographie administrative, tout au moins dans leur région, dès le début du XVIIIe siècle. Dans les enquêtes que j'ai menées sur l'origine des soldats recensés en 1716, 1737 et 1763, j'ai pu localiser, sur le seul énoncé des contrôles, presque la totalité des hommes. Il est vrai qu'il s'agissait d'un sondage effectué sur les contrôles les plus sûrs. Mais dans l'ensemble des registres où figurent ces renseignements, je pense que le nombre des soldats français pour lesquels l'indication du lieu de naissance serait insuffisante n'excède pas 10 %.
Il n'en va pas de même pour les soldats étrangers où le « déchet » de l'information est beaucoup plus grand. En premier lieu, on hésite souvent sur leur " nation ". Le terme « allemand » désigne assez souvent des hommes de langue allemande, même lorsqu'ils sont sujets du roi. Quand la nation est indiquée comme telle, elle ne revêt pas toujours le sens moderne. On rencontre, en effet, l'expression : « Saxon » et même « Saxon de nation » (Régiment d'Alsace, 1716, 1 Yc 11). Il est souvent difficile de distinguer des Français les fils d'étrangers vivant en France ou même les étrangers à qui la pratique des langues française ou allemande permet de se dire sujets du roi, notamment alsaciens. Le cas n'en est probablement pas très fréquent. L'obstacle de la langue intervient souvent quand le major est français. La transcription des noms de localités étrangères laisse beaucoup à désirer dans les contrôles des régiments français, où servent, malgré les ordonnances, de nombreux soldats étrangers. Elle est meilleure dans les contrôles des régiments étrangers, tout au moins pour les nationaux, à partir de 1763. Ne nous étonnons donc pas de trouver dans le contrôle du régiment irlandais de Dillon des Niçois dont la ville d'origine est dite située tantôt en Piémont, tantôt en Savoie (1 Yc 306-3). On voit à quelles sources d'erreurs on s'expose quand il s'agit de localités peu connues. La connaissance de la géographie politique et administrative de l'Empire est évidemment des plus sommaires. Quelquefois, un major emporté par l'habitude impose aux localités étrangères les cadres administratifs français. D'autres sont conscients de l'existence d'Etats, sans naturellement connaître toujours les titres exacts de ceux-ci. Ainsi dans Nassau-infanterie en 1787 des hommes sont dits natifs de « Hedigweiller en Trêves », « Morsweiller en Saarbruck », « Saalmunster en Foulde »... (1 Yc 587). Certains noms d'états ou de provinces l'emportent dans l'esprit des officiers. Dans un même régiment plusieurs hommes sont dits natifs de Dusseldorf en Palatinat (3 Yc 231, cie Rebbing). Il est vrai que cette ville appartient alors à l'électeur palatin. Si on s'éloigne des pays voisins les indications sont encore moins sûres. Le cavalier Jacques Tromme du Roy al-Allemand est dit natif de « Belgrade en Grèce » (1 Yc 340). L'origine des soldats noirs de Maurice de Saxe est encore plus difficile à préciser.
Il reste encore quelques mots à dire des domiciles. Ce renseignement n'est pas exigé dans les en-têtes imprimés, mais quelques majors consciencieux, allant au-delà de ce qui leur est demandé, tout au moins dans les contrôles, l'indiquent lorsque lieu de naissance et domicile sont différents. C'est le cas pour les contrôles du régiment d'Aunis en 1716. D'autres officiers mentionnent le domicile de manière plus constante, par exemple, ceux de Chartres-infanterie en 1737 et 1763, de Limousin et de Champagne, de la Reine-cavalerie... Ce renseignement est par contre systématique dans les contrôles de milices où lieu de naissance et domicile (ou paroisse pour laquelle sert le soldat), doivent être mentionnés conjointement. Très satisfaisants à cet égard sont les registres d'enrôlement des troupes de la compagnie des Indes. Les recrues doivent non seulement indiquer leur domicile, mais encore citer en quelque sorte des répondants, leurs parents à défaut, des membres de leur famille, des employeurs chez qui ils vivent. Non seulement le nom de la paroisse est indiqué, mais c'est souvent une véritable « adresse », avec le nom de la rue et l'enseigne de la maison, lorsqu'il s'agit d'habitants de Paris.
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L'âge qui est indiqué pour les hommes présents lors de la confection des contrôles est en principe, l'âge atteint à ce moment même. Plusieurs officiers chargés du détail tiennent à attester qu'ils se sont bien conformés à ce sujet aux ordres reçus. Ainsi le major du régiment de Flandre inscrit « Tous les âges des soldats contenu (sic) au présent registre sont réglé (sic) jusqu'au jour que commence le présent registre qui est le premier janvier 1729 ». Celui d'Aumont- cavalerie s'exprime ainsi : « L'on a mis l'aage des cavalliers qui sont sur ce registre comme ils l'ont aujourd'huy premier janvier 1729 ». Il réutilise la même formule pour les contrôles commencés au 1er septembre 1730 (3 Yc 13 et 14). Le chevalier de Merples (?), major du régiment Dauphin-cavalerie signe la déclaration suivante : « Ce nouveau signalement des cavaliers du régiment Dauphin a esté fait au mois d'aoust 1730 au Quesnoys et l'age des cavaliers y est marqué tel qu'il est cette année » (3 Yc 90). Mais pour les hommes recrutés après et qui sont inscrits à la suite dans l'ordre de leur arrivée, l'âge est celui qu'ils ont au moment de leur engagement. Lors du renouvellement des contrôles les majors ou aide-majors, s'ils recopient les noms, surnoms et lieux de naissance des hommes figurant sur les contrôles précédents, doivent par contre modifier leurs âges. On constate que souvent ce n'est pas le cas. Alors, contrairement à un trait général de ces contrôles, le renseignement concernant l'âge est plus exact pour les recrues venues après la confection du contrôle que pour les hommes déjà arrivés. Il n'est donc pas inutile de rechercher toutes les traces qu'un homme a pu laisser dans ces registres. On peut alors déceler des cas où la négligence du major confine à la désinvolture. Dans la compagnie Grasset de Vivarais- infanterie s'engage le 31 mars 1723 le nommé Jacques Quinet, auquel est donné l'âge de 16 ans. Mais cette recrue quitte le régiment et y revient peu de temps après. Son second engagement qui figure sept lignes plus bas est daté du 1er mai 1724. La plupart des renseignements sont restés les mêmes. Jacques Quinet a même retrouvé son nom de guerre de « Bellehumeur ». En 14 mois, il a grandi de deux pouces, ce qui n'est pas invraisemblable, mais il est passé de 16 à 22 ans...( 1 Yc 1045). Cependant la plupart des majors se montrent plus consciencieux. Quelques-uns assurent qu'ils ont bien effectué le calcul des « âges nouveaux ». Sur la page de garde de Beuvron-cavalerie on lit ainsi l'apostille suivante : « Registre du régiment de cavalerie de Beuvron renouvelle pour les aâges et les tailles au mois de juin 1737, à Besançon, par nous, major dudit Régiment, St Gobert » (3 Yc 32). On trouve encore dans le contrôle de Royal-Comtois à la date du 26 juin 1747 : « Il faut observer que lage de tous les soldats dont l'engagement est entérieur à l'année 1747 a été augmenté » (1 Yc 860-1).
Comme d'autres données précédemment étudiées, l'âge des soldats est connu par la déclaration même de ceux-ci. Aussi retrouve-t-on les mêmes questions. Les soldats sont-ils sincères ? Connaissent-ils bien eux-mêmes cette partie de leur état civil ? On ne peut guère enregistrer des tromperies sur l'âge que lorsque celles-ci ont été dénoncées à l'époque même. Encore n'est-on sûr de la volonté de tromperie que lorsque l'homme reconnaît sa fraude ou que le major est convaincu de responsabilité. Une tromperie souvent pratiquée vise les tout jeunes gens. Tous sont donnés comme âgés de 16 ans, c'est-à-dire ayant atteint l'âge requis par les ordonnances. Bien des majors n'hésitent pas à effectuer l'enrôlement d'adolescents et pour cela à les vieillir. En fait, s'ils n'ont pas encore atteint leurs seize ans au moment de l'enrôlement, cela ne tarde pas à se faire... Plus honnêtes, certains laissent l'âge en blanc. C'est le cas lorsqu'il s'agit d'enfants du corps, c'est-à-dire de fils de soldats dont l'usage tolère l'enrôlement en petit nombre. A la fin du siècle, un nombre déterminé d'entr'eux peut être « mis à la solde », à un âge parfois très tendre. Mais tous les très jeunes gens ne sont pas des enfants du corps. L'engagement des recrues de moins de seize ans peut être annulé à la demande de celles-ci ou de leurs familles et il ne manque pas de congés absolus accordés pour cette raison sur ordre du ministre (L'Armée française ..., p. 190). Mais il est probable que dans bien des cas ces engagements n'ont donné lieu à aucune réclamation et que la tromperie a été entérinée. Il est encore possible que des recrues âgées se soient rajeunies et qu'elles n'aient fait état de leur âge véritable que pour demander leur congé, voire, à partir de 1764 pour solliciter une pension.
Les rectifications d'âges, quand il s'en trouve mentionnées dans les contrôles ou dans les papiers qui y sont déposés ne mettent que très rarement en cause la sincérité des recrues. Elles constatent l'erreur sans en chercher l'origine. En effet les hommes n'ont qu'une connaissance imparfaite de leur âge. Les historiens démographes l'ont déjà remarqué, jusqu'au milieu du XIXe siècle, en Europe occidentale, les nombres ronds rencontrent une grande faveur dans l'expression des âges. La pyramide des âges par année que j'ai dressée pour les hommes présents dans l'armée en 1716 dont nous avons conservé le signalement fait ressortir le grand nombre des hommes se donnant 20, 30, 40 et 50 ans (L'Armée française…, p. 628). Ensuite on constate une certaine attraction pour les âges exprimés par un nombre se terminant par 5, enfin pour ceux exprimés par un nombre pair (sauf ceux qui se terminent par 4 ou 6). Mais ces dernières tendances, décelables dans les contrôles de 1716 ne sont plus sensibles dans ceux de 1763. J'ai essayé d'évaluer le gonflement qui s'était produit au profit du nombre des hommes âgés de 40 ans en 1716. Il serait de 131 % ! Mais en 1737, il n'est plus que de 48 % et en 1763, de 19 % seulement (L'Armée française…, p. 616). En même temps qu'un progrès dans la qualité des contrôles, ces chiffres permettent de constater un progrès dans la connaissance que chacun a de son âge. L'administration militaire en fut probablement consciente. Quoiqu'il en soit, on voit vers 1760 quelques majors remplacer l'indication de l'âge par celle, combien plus rigoureuse de la date de naissance. D'ailleurs à partir de 1764, l'institution des pensions suggérait des exigences nouvelles. Aussi, dans les contrôles, la mention de la date de naissance se répand à partir de 1770. Je ne sais si les ministres ont donné des ordres à ce sujet. Toutefois, lorsqu'en 1786, on distribue aux majors des registres nouveaux avec questionnaire imprimé, pour chaque homme, c'est la date de naissance et non pas l'âge qui y figure. Pour en arriver là, il fallait que l'habitude en soit suffisamment prise.
B) L'ETAT SOCIAL
Nous avons déjà vu quel est le comportement des majors vis-à-vis de l'obligation d'indiquer les renseignements relatifs à l'état social, particulièrement aux professions. En fait ce sont les renseignements les moins fréquents que l'on trouve dans les contrôles et aussi, pour de multiples raisons ceux qui sont le plus sujets à caution. L'indication des noms et prénoms des parents est une donnée d'état civil. Mais si elle est complétée par celle, éventuelle, du décès des parents ce qui signifie que le soldat est orphelin, c'est aussi une donnée de caractère sociologique au même titre que la profession du soldat ou de son père ou la mention du fait de savoir écrire.
L'indication du décès des parents est assez souvent systématique. Elle apparaît sous la forme : « fils de feu... et de feue... » ou « fils de... décédé (ou mort) ». De même que le prénom du père apparaît plus fréquemment que le nom de la mère, l'indication systématique des décès concerne plus fréquemment les pères des soldats que leurs mères. Quelques majors, en apparence préoccupés par l'origine familiale de leurs hommes, prennent la peine de noter quelques renseignements particuliers. Ainsi ceux de Rouergue-infanterie en 1716 et de Périgord infanterie en 1763 notent que quelques hommes ignorent les noms de leurs pères et mères ou ont été abandonnés par leurs parents (1 Yc 790 et 675). Pour quelques uns on sait quelle institution charitable les a recueillis. Par exemple Bonn aventure dit La Jeunesse, 24 ans, enrôlé en 1708 « a été élevé dans un couvent de Recollet à Sainte-Foy en Périgord » (Périgord-infanterie, ci e Du Bousquet. 1 Yc 669). Les naissances illégitimes sont parfois décelables. La rédaction des signalements des enfants naturels est intéressante dans la mesure où, grâce à la bonne volonté teintée d'indifférence de celui qui transcrit la déclaration de l'intéressé, on perçoit l'attitude de ce dernier. En effet, le terme de bâtard est rarement appliqué. De François Beuvin, soldat de la compagnie Besançon au régiment d'infanterie de Piémont, il est dit : « batard, menuisier, il ne connaît ny père ny mère et ne scait pas l'endroit où il est né. Il a été élevé à l'hop[ita]l des enfants trouvés, faubourg saint Antoine à Paris » (1 Yc 714). Il est probable que bien des majors ont montré plus de générosité ou d'indifférence et n'ont inscrit ces indications que lorsque les recrues elles-mêmes en faisaient mention. Il est des bâtards glorieux qui donnent le nom de leur père. En 1716, Louis Roeguerole se dit « fils de Mr le marquis de Malauze du côté gauche » (La Chesnelaye, ci e Le Couldre. 1 Yc 414). Par contre, peu nombreux sont ceux qui citent le nom de leur mère. Il faut prendre garde que les enfants de protestants mariés au désert risquent d'être considérés comme illégitimes. Peut-être est-ce le cas de quelques recrues qui donnent sans difficulté le prénom de leur père (le nom comme à l'accoutumé n'étant pas indiqué pour éviter la répétition) et les noms et prénoms de leur mère, et qui sont qualifiés fils naturels. Eu égard à leur lieu de naissance, il pourrait bien s'agir de religionnaires. Cette manière de procéder témoignerait d'une manifestation d'intolérance, à vrai dire très rare dans l'armée (L'Armée française ..., p. 348). Pour les soldats français, hormis les Alsaciens, il n'y a pas d'autres moyens de connaître la confession religieuse, autant dire que ce renseignement nous échappe complètement. Par contre dans les régiments allemands, régiment d'Alsace compris, la religion des recrues allemandes est souvent indiquée de manière systématique. Mais cela ne touche pas les soldats de nation française qui y servent en assez grand nombre, à l'exception toutefois des Alsaciens dont on peut ainsi connaître la religion.
Les officiers chargés du détail éprouvent beaucoup d'embarras à noter l'état social des soldats, quand ils se donnent la peine de le faire. Les confusions sont multiples. Pour certains, l'état social ne se distingue pas de l'état civil, ce qui est assez compréhensible. Ainsi il arrive que lorsque l'indication de la profession exercée par le père du soldat est systématique, se rencontre à la place de la mention d'un métier, le terme « décédé ». Sans doute ce renseignement est intéressant, mais il est fâcheux qu'il exclue l'indication d'une profession.
Les registres les plus intéressants et les plus sûrs sont ceux où la profession du soldat et celle de son père sont mentionnées toutes deux. Faute de cette précision, on ne peut être tout à fait sûr que l'indication donnée se rapporte à l'un ou à l'autre de ces deux hommes. En effet, dans la graphie et la disposition des mentions, lorsque le nom de la mère du soldat n'apparaît pas - et cela arrive assez souvent - on peut très bien confondre : « X, fils de Y laboureur » ou « X, fils de Y, laboureur », même si ce dernier terme est inscrit à une ligne en dessous des autres. L'officier chargé du détail a pu penser que l'état social de la recrue était suffisamment fixé ainsi, le fils exerçant souvent la même profession ou activité que son père. Une lecture attentive permet de penser que lorsqu'on se trouve en présence d'une seule indication professionnelle, et faute d'indication sûre, le major a le plus souvent noté la profession du père que celle de son fils, car on rencontre assez souvent la mention d'activités ou d'états qui ne sauraient être ceux d'un homme très jeune. Enfin rien ne prouve que le soldat n'ait pas cru comprendre qu'on lui demandait l'état de sa famille, donc la profession de son père, ou encore que, consciemment, il ait préféré donner la profession de son père plutôt que la sienne.
Les officiers chargés du détail confondent souvent profession, métier, voire vacation et emploient ces termes concurremment, sinon indifféremment. En outre pour un grand nombre de majors, état signifie activité. Dans certains contrôles, sont énumérés des emplois spécialisés ou non, sans souci de savoir si l'homme a appris un métier. Alors on trouve côte à côte des indications aussi précises que faiseur de bas au métier ou cardeur de filoselle et des indications aussi vagues que manouvrier ou journalier. Par contre certaines recrues ne se voient attribuer aucune profession. Il est probable que dans ce cas, on ait affaire à des fils de gens vivant bourgeoisement. On peut en être presque sûr lorsque l'ensemble du signalement de ces hommes se fait discret. Il n'est cependant pas tout à fait exclu que ces hommes sans emploi soit parfois des vagabonds... On voit à quelle prudence l'historien qui utilise les contrôles de troupes est tenu à cet endroit. Pour d'autres majors, la profession a le sens précis de métier. Dans les contrôles qu'ils ont établis, les indications professionnelles ne s'adressent qu'à des hommes exerçant un métier qui exige un apprentissage. A l'égard des autres hommes, le comportement diffère. Tantôt ils reçoivent la mention « sans profession » ou « sans vacation », tantôt leur signalement reste muet à ce sujet. Il est assez facile de se rendre compte que bien souvent l'absence d'indication professionnelle, la mention « sans profession » ou les mentions « manouvrier » ou « journalier » sont équivalentes. Toutefois il serait imprudent de s'en tenir là, l'absence d'indication professionnelle ou la mention « sans profession » pouvant s'appliquer également à des bourgeois même dans le dernier cas.
La plupart des majors ne pense pas seulement à la profession, mais aussi à l'état, disons au status. Cela explique l'apparition assez fréquente des mentions « gentilhomme », « bourgeois » au même titre que celles des métiers. Il serait vain de demander aux contrôles de troupes davantage de précision. De quelle noblesse s'agit-il ? Quel est le sens attribué au mot bourgeois ? Cela peut évidemment varier d'un individu à l'autre.
C'est dans ces limites assez floues que l'on peut étudier la sincérité des indications sociales figurant dans les contrôles de troupes. Là encore il s'agit de la transcription de ce qu'a déclaré la recrue. Je n'ai pas l'impression que les tromperies soient très fréquentes. Il est vrai que la vérification n'est pas aisée. J'ai recherché un certain nombre de ces hommes chez eux, c'est-à-dire dans les registres de baptêmes, mariages, sépultures de leurs paroisses et également dans les registres d'impositions. Naturellement je n'avais de chance de retrouver que ceux qui avait fait une déclaration correcte concernant leur lieu de naissance. Or ces hommes avaient presque toujours fait une déclaration exacte de leur origine sociale. Lorsque les indications professionnelles ne coïncident pas, il faut tenir compte des changements possibles de profession, puisque les engagements sont rarement établis aux mêmes dates que les actes d'état civil concernant les soldats ou leurs pères. Il est vrai que ceux qui ont trompé sur leurs origines géographiques ont pu aussi bien tromper sur leurs origines sociales. Les déclarations les plus sincères sont celles qui accompagnent des engagements faits dans le milieu d'origine même de la recrue. C'est le cas notamment lorsque plusieurs soldats du même village s'engagent en même temps. Une sorte de consensus intervient. Un jeune homme qui prétendrait à une situation différente de la sienne risquerait de s'attirer les railleries ou bien les critiques de ceux qui le connaissent, sauf cas toujours possible de complicité. Evidemment cela n'exclue pas les péchés par omission. Presque jamais on ne voit une recrue déclarer une double activité. Le cas était pourtant alors très répandu. Il est vraisemblable que les majors ne se souciaient pas toujours de recopier tout ce que leur disaient les soldats ou que la recrue ne déclarait que la profession exercée le plus fréquemment ou celle qui lui paraissait la plus honorable.
Les termes employés pour désigner les métiers constituent un catalogue varié (L'Armée française…, Appendice, pp. 1013-1042). On y trouve naturellement beaucoup de déformations régionales ou seulement orthographiques, par exemple : Séteur, Céteur, Cepteur, pour Sayetteur ou encore Murquinier, Mesquinier, Merguinier, Murgainier, Merfinier, pour Mulquinier. Un nombre considérable de mots désigne des professions voisines. Ils sont le plus souvent dérivés du nom d'un outil ou de la matière travaillée : cardeur de laine, de chanvre, de filoselle... On sait également à quel stade de la fabrication des tissus les hommes travaillent : cardeur peigneur, tireur, retrousseur de laine... Notons encore qu'on ne rencontre qu'exceptionnellement ces vocables au sens très général qu'affectionne l'époque contemporaine comme ouvrier, artisan, employé et même commis sans autre précision. Ces abstractions n'étaient pas encore familières à l'homme du XVIIIe siècle. Cependant on trouve le terme de laboureur employé dans un sens qui est le plus souvent bien vague et qui se rapporte à l'activité agricole plus qu'à l'état social. On commettrait une lourde erreur d'appréciation si on donnait systématiquement à ce mot le sens de cultivateur aisé qu'il a dans le nord de la France et que Georges Lefebvre a popularisé. Cela reviendrait à conclure que les fils de ces cultivateurs aisés s'engagent plus fréquemment que les fils de manouvriers, ce qui est invraisemblable. Peut-on croire que cette pléthore de fils de laboureurs dans l'armée traduit en réalité des prétentions sociales injustifiées. Je ne le pense pas. Des prétentions aussi vulgarisées, perdraient d'ailleurs toute valeur. Il est plus prudent de n'attribuer le sens de cultivateur aisé aux laboureurs que dans les régions où ils fournissent un nombre restreint de recrues, c'est-à-dire essentiellement les pays du nord de la France.
Le statut des gens de métier n'apparaît pas davantage. Le terme de compagnon est absent, « Garçon », « apprenti » accolés à un nom de métier ne se rencontre qu'exceptionnellement. Il en est de même pour celui de marchand également accolé à un nom de métier. Le terme de maître est plus fréquent, mais d'une manière variable et équivoque. Lorsqu'on confronte contrôles de troupes et registres paroissiaux on doit constater que le terme de maître est beaucoup plus répandu dans les seconds que dans les premiers. Sans doute dans les contrôles de Périgord-infanterie les pères de soldats qualifiés maîtres représentent 28 % des pères artisans alors que dans tous les autres contrôles réunis, la proportion n'est que de 2,2 %. Il est clair que le major de Périgord-infanterie a agi différemment de ses collègues. Il s'est enquis du statut des pères de soldats, alors que les autres officiers n'ont pas eu ce souci (L'Armée française…, p. 456). L'ensemble de ces officiers chargés du détail est indifférent aux statuts des gens. Toutefois est-ce bien par hasard qu'ils ont pris la peine dans certains cas de transcrire ce terme ? J'inclinerais à penser qu'il s'agit là d'un fait de caractère psychologique. Maître-artisan serait une expression emphatique, une sorte d'épithète d'honneur, accordée à des hommes d'un certain niveau social, réel ou prétendu, mais que le major a pris assez au sérieux pour en faire état.
En effet, il faut garder à l'esprit l'idée que l'image de la société civile profilée dans les contrôles de troupes porte la marque de l'état d'esprit des officiers chargés du détail. C'est donc une image un peu faussée par les besoins de simplification de l'administration militaire, la première qui ait prétendu revêtir d'un caractère uniforme les hommes les plus divers par leurs origines sociales. Aussi, par une certaine indifférence aux réalités locales profondes, cette image de la société civile apparaît singulièrement moderne. Malgré ce gauchissement de l'ensemble, les contrôles de troupes donnent au sujet des états et des professions des individus, une masse remarquable de renseignements puisque peut-être 200.000 hommes sont connus avec leur profession et la profession de leur père. Je ne pense pas que l'on puisse trouver ailleurs, sous une forme aussi ramassée, une telle accumulation de données d'histoire sociale.
Les contrôles de troupes fournissent encore, mais de manière plus épisodique, d'autres indications de caractère sociologique. Ainsi le fait de savoir écrire apparaît parfois. Dans les contrôles habituels, c'est exceptionnel. Le seul qui l'indique de manière systématique et sûre est celui du régiment d'infanterie de Penthièvre en 1763 (1 Yc 659). En face des signalements de tous les hommes sachant écrire est portée l'abréviation « ecr. », ainsi que m'a permis de le vérifier un contrôle de vraisemblance. Pour les recrues les plus récentes on a la certitude qu'elles savaient écrire en arrivant au corps. Pour les autres soldats, s'ils ont appris à écrire au régiment rien ne l'indique. Le major de Bauffremont-dragons en 1763 a exigé des hommes qui se rengageaient une signature apposée en face de leur signalement sur le contrôle, ou à défaut de signature une croix (3Yc 196). Enfin les contrôles des troupes suisses, comme les registres d'enrôlement des troupes de la Compagnie des Indes comportent régulièrement les signatures des recrues ou leur croix. Toutefois, dans ces derniers une exception est faite pour les galériens enrôlés par décision de justice et qui ne sont pas contraints à signer.
Enfin dans un autre ordre d'idée, les contrôles donnent une indication de caractère quasi sociologique, le port de la perruque, qui n'est pas sans valeur, eu égard au prix élevé de cet ornement au début du XVIIIe siècle. Même lorsqu'il est déterminé par la calvitie, le port de la perruque témoigne d'une certaine aisance ou de goûts en rapport avec certaines prétentions sociales. L'étude de cette indication nous amène au signalement physique des individus, c'est-à-dire à tous les renseignements que nous pouvons grouper sous la rubrique « aspect physique » des hommes.
C) ASPECT PHYSIQUE DES HOMMES
Nous arrivons à ce qu'aujourd'hui on appelle signalement, le sens de ce mot s'étant restreint à la description de l'aspect physique. De tous les renseignements fournis par les contrôles, il s'agit là probablement des plus subjectifs. Si actuellement la taille des individus est à peu près bien notée, ce qui concerne la couleur des cheveux et des yeux, le teint, la forme du visage est bien sujet à caution. Il en est de même pour les cicatrices qui se présentent généralement sous un état plus ou moins passager. Naturellement tous ces défauts se rencontrent dans les signalements fournis par les contrôles de troupes. De plus il faut se souvenir que les majors n'avaient pas le seul souci d'établir de la recrue le signalement qui permettrait de l'identifier. Ils étaient également sensibles à la beauté d'une troupe. Cela les amenait ou à exagérer les malformations des hommes disgraciés par la nature ou à dissimuler les imperfections de ceux qu'ils avaient admis à porter l'uniforme. La seconde attitude l'emportait en temps de guerre, lorsque le besoin accru d'hommes et la difficulté de se procurer des soldats tempéraient les exigences et la première reprenait le dessus une fois la paix revenue, quand on renvoyait les hommes en excédent.
Dans les contrôles de troupes, on rencontre fréquemment des expressions aussi vagues que « de belle allure », « de belle figure ». On trouve même le mot physionomie employé dans un sens voisin. En 1718, un cavalier du régiment de Noailles est dit : « camus et de belle physionomie ». Dans ce cas, l'officier avait été plus sensible à la beauté du corps qu'à celle du visage. Lors des réformes, c'est-à-dire de la réduction du nombre des régiments ou des soldats qui suivaient les retours de la paix, on renvoyait des hommes sous le prétexte qu'ils étaient « de vilaine allure » ou simplement « vilain », ce dont on ne s'était pas avisé au moment de leur enrôlement pendant la guerre. Les appréciations des majors portent surtout sur la forme de la taille, des épaules et des jambes. Dans les contrôles habituels, elles varient pour la taille, de « taille élancée » à « taille un peu grosse », pour les épaules, de « épaules larges » à « épaules un peu grosses » en passant par « bien charpenté », plus rarement « bien traversé », pour les jambes, de « jambes fines » ou « jambes minces » à « jambes un peu minces » et jambes un peu grosses ». On voit qu'à ce sujet, les majors savaient manier les euphémismes et les nuances. Mais le plus souvent ces notations sont absentes (L'Armée française ..., p. 652).
Pour la taille qu'au début du siècle on appelle encore la « hauteur », on s'attendrait à plus de précision, puisqu'il s'agit d'un caractère chiffrable. Cependant dans les registres d'enrôlement des Gardes Françaises, jusque vers 1720-1723, la taille est simplement exprimée par ces termes : « de fort bonne taille », « de bonne taille », « de moyenne taille », « de petite taille », Toutefois la confusion est souvent faite entre la taille en hauteur et la taille en largeur. Aussi on rencontre également : « de taille menue » ou encore « de moyenne et grosse taille »... Dans les autres contrôles dès 1716 la taille est exprimée en pieds et pouces. A partir des contrôles de 1737, se généralise l'expression de la taille en pieds, pouces et lignes. Rappelons que pour servir dans l'infanterie il est exigé de mesurer 5 pieds 2 pouces (1,678 m), davantage dans les Gardes Françaises, ainsi que pour devenir grenadier. Les cavaliers doivent mesurer 5 pieds 4 pouces (1,732 m). Ces exigences de taille constituent un point auquel les officiers auraient volontiers souscrit, tant était répandu le préjugé favorable aux hommes grands. Mais ils ne trouvaient pas toujours facilement des hommes de la taille requise.
Les tromperies sur la taille sont très fréquentes. La recrue a intérêt à se grandir car, à l'argent du roi s'ajoute un supplément, le « pourboire », proportionnel à la taille. L'ordonnance du 1er février 1763, reconnaissant l'usage, fixa un véritable tarif. Les hommes de 5 pieds 1 pouce (admis seulement en temps de guerre) recevraient seulement 5 livres de pourboire. Pour les autres le pourboire augmenterait de 5 livres par pouce en plus. L'officier, bien que souvent il lui en coûtat d'engager des hommes grands devait fermer les yeux sur des toisés trop généreux et particulièrement pour les hommes petits. Laissons de côté le cas d'adolescents, notamment d'« enfants du corps », qui sont enrôlés avant d'avoir atteint la taille requise. On se borne le plus souvent à indiquer qu'ils sont « d'espérance », c'est-à-dire qu'ils n'ont pas achevé leur croissance. Parfois on laisse en blanc le nombre de pouces et lignes qu'on escompte leur voir atteindre (1 Yc 504). L'incertitude vient souvent de la manière de « tailler » les hommes. Une ordonnance du 8 décembre 1691 exigeait dans les Gardes Françaises que les hommes passent à la toise en portant des pantoufles spéciales (Code Briquet, t. V, p. 301). Cette ordonnance fut-elle toujours bien appliquée ? A partir de Choiseul, il est mentionné dans certains contrôles que les hommes ont été toisés pieds nus. Pour les autres, on ne possède pas cette certitude et l'on comprend quelle source d'erreur cela constitue. Vers cette même époque apparaissent des rectifications. Parfois elles aboutissent à enregistrer la croissance d'une recrue qui s'était engagée fort jeune. Le plus souvent ces corrections diminuent la première indication, et quelquefois dans des proportions assez nettes. Par contre chez les miliciens, il en va tout autrement. La taille exigée n'est que de 5 pieds. D'ailleurs la répulsion générale à l'égard du service dans la milice n'inspire pas aux hommes de faire valoir leur taille. Les majors de milice n'ayant pas le même souci que ceux des troupes réglées d'avoir des effectifs complets se montrent souvent plus rigoureux. Ainsi les tailles sont peut-être plus exactes dans les contrôles de milice. Quant aux miliciens incorporés dans les troupes réglées, il est possible que le plus ou moins grand besoin qu'on avait d'eux ait influé sur la manière de les toiser. On le voit, il est généralement imprudent de se fier aux indications des contrôles pour déterminer la taille d'un individu. Mais cette source d'inexactitude n'interdit pas des études statistiques qui, bien que sans valeur absolue, peuvent présenter une valeur relative certaine.
Le visage est décrit par la couleur du poil et celle des yeux, le port de la barbe ou de la moustache dans les corps où il est de tradition, la forme du nez, de la bouche, du menton, du front. Quelques majors sont sensibles à l'expression du visage. On rencontre parfois : « de visage agréable », ou même « sérieux ». Des notations savoureuses permettent ça et là d'esquisser de véritables portraits. Jean Titard dit Mulseau (du nom de son village natal Meursault), fils de Gabriel Titard, vigneron et de Barte (sic) Meneaux, engagé en 1733, homme de 5 pieds 2 pouces et demi est ainsi dépeint : « cheveux bruns, visage long et unit, une grosseur de sur l'œil droit qui vient d'une envie de mer(r)e, nez et bouche bien faitte, les yeux d'un jaune brun, âgé de 19 ans ». Le garde française Olivier Poitevin, engagé en 1706 a les « cheveux chatins, Ions plats battans sur l'épaule ». Jean Cornu dit l'éveillé a « le nez en pied de marmitte » (Ces exemples sont tirés de l'Armée française..., p. 652). A une époque plus tardive, le pionnier Pierre Prévost a un menton « à la Henri quatre », indication témoignant que le physique populaire du roi Henri n'était pas oublié. L'élocution a également sa place dans le signalement. Des bègues sont signalés. On sait que Charles Carré « a quelques difficulté de parler », qu'Antoine Surgon a une « voye féminine », que d'autres parlent du nez... (L'Armée française.., p. 653). La fréquence relative de ces indications particulières dans la première partie du siècle et leur quasi disparition à la fin, atteste sans doute l'accroissement des exigences militaires quant à la tenue des registres. On peut également penser que le type idéal du soldat s'est fixé et que le major n'admet plus ou ne reconnaît plus avoir admis des hommes trop éloignés de ce type.
Pour les cicatrices, on ne trouve jamais mentionnées que celles laissées visibles par le vêtement. Lors de l'enrôlement, ce qui tient lieu de visite médicale est des plus sommaires. A peine demande-t-on à la recrue d'entr'ouvrir sa chemise, si bien que des femmes ont pu être enrôlées. Forcer les recrues à se dévêtir eut été considéré comme une atteinte à un certain sens de la dignité humaine, nullement incompatible avec le débraillé. La pudeur scrupuleuse du XVIIe siècle survit encore largement au XVIIIe siècle, combinée peut-être avec le souci de ne pas étaler aux regards des parties du corps souvent tenues dans le mépris des règles d'hygiène (L'Armée française…p.365).. Les blessures et les cicatrices diverses sont indiquées de manière allusive, sans qu'on puisse déterminer s'il s'agit de blessures reçues à l'armée ou avant le service. Ce n'est que dans les registres d'immatriculation des invalides qu'on rencontre à ce sujet des précisions intéressantes. Parmi les traces laissées par les maladies infectieuses celles de petite vérole, tiennent la plus grande place. La description des marques est fort variée : « visage picotté, cicatrisé, greslé, gravé, marqué, grainé... de petite vérole ». Cependant le nombre de ces indications varie beaucoup d'un contrôle à l'autre. On doit conclure qu'elles ne s'appliquent pas toujours aux seules traces d'autres maladies infectieuses.
Taille, couleurs de cheveux et des yeux, traces de maladies et cicatrices au visage et aux mains apparaissent dans les contrôles de troupes d'une manière à peu près systématique, du moins pour les hommes présents au corps lors de la confection du contrôle. Ainsi on possède le signalement physique de beaucoup plus d'un million d'hommes du XVIIIe siècle. Sans doute ce signalement est imparfait, mais en trouve-t-on l'équivalent dans d'autres sources contemporaines ?
D) LA CARRIERE MILITAIRE
On est en droit d'attendre davantage de précisions lorsqu'il s'agit de l'enregistrement des faits marquants de la carrière militaire : engagements, rengagements, promotions et départs. Toutefois pendant la première moitié du siècle, l'imprécision du langage risque de surprendre le chercheur peu familiarisé avec les contrôles. Les plus estimables sur ce point de ces documents mentionnent à la fois la date d'engagement et celle d'enrôlement, ainsi exprimées : « engagé en..., enregistré (c'est-à-dire inscrit sur le registre) le... ». Mais cela est peu fréquent en dehors des contrôles de Périgord-infanterie de 1716 (1 Yc 669), et d'Autichamp-dragons de 1763 (7 Yc 2). Partout ailleurs on ne trouve qu'une seule indication : « engagé le... » ou bien « enregistré le... » et assez souvent une simple date qui semble le plus souvent être la date d'engagement. Dans les contrôles les plus anciens et également par la suite pour les hommes arrivés après la confection du contrôle, fréquemment la date n'est indiquée que par le millésime. Dans les contrôles de 1716, pour les hommes arrivés avant cette date, on doit souvent se contenter de la mention « sert depuis... ans ». Ces formules sont reprises pour les mêmes hommes dans les registres suivants (La Sarre-infanterie, 1 Yc 945). Les grenadiers posent parfois un problème. Dans le contrôle de leur compagnie, on ne rencontre qu'exceptionnellement la distinction entre date d'engagement et date d'entrée aux grenadiers, si bien qu'on peut hésiter sur le sens de la date unique qui est mentionnée dans la colonne réservée aux dates d'enrôlement.
La durée de l'engagement est parfois indiquée par des expressions diverses : « promesse de 6 ans » ou « congé limité » ou « sans limite », ou encore avec plus de précision « congé limité qui expire en... » (Vermandois-infanterie en 1747 et 1749. 1 Yc 1030 et 1032), ou encore « engagé en... jusqu'en... ». (Royal-des-Vaisseaux en 1737, 1 Yc 914 et La Couronne, 1 Yc 427-2). Mais le plus souvent, avant 1763, on ne trouve que la formule « engagé pour 6 ans », ou seulement la date et « 6 ans », durée portée à 8 ans après 1763, ou parfois 3 ans seulement dans les corps étrangers. Ces chiffres correspondent aux ordonnances, mais nous savons qu'ils ne reflètent pas toujours la réalité. (L'Armée française ... t. 2, pp. 583-605. On rencontre des engagements de durée insolite, 13, 19 ans. Sont-ils le résultat de commutation en service militaire de peines d'emprisonnement de durée équivalente ?)
L' « argent du roi » reçu par le soldat est assez souvent inscrit, mais de manière sommaire sauf pour les Gardes Françaises et les Corps suisses. A partir de l'ordonnance du 17 janvier 1730 qui semble avoir été appliquée avec une certaine rigueur lorsque l'argent du roi est mentionné, se répète inlassablement sauf exception l'indication : 30 livres. Mais c'est une indication purement fictive. Les capitaines n'osent pas enfreindre l'ordonnance qui limite la « prime d'engagement » à 30 livres, mais en fait sont obligés de consentir à leurs recrues des sommes bien supérieures. On a donc plus de chances d'être exactement renseigné sur cette « prime d'engagement » avant cette date. Toutefois ce n'est pas le cas pour les registres des Gardes Françaises, dans lesquelles les majors reprennent vite à cet égard une certaine franchise. De plus, dans ces mêmes registres, on apprend quelles sont les modalités du versement de l'argent du roi, convenues par le recruteur et la recrue, et aussi quelles sont les avances d'argent remboursables sur la solde que reçoivent des recrues pressées sans doute de s'engager pour acquitter quelques dettes. Mais pour toutes ces questions d'argent, ce sont les contrôles des régiments suisses qui présentent le plus grand intérêt.
En effet, ils assument un véritable rôle de registre comptable. De type particulier, une page y est réservée à chaque soldat où à la suite des renseignements habituels sont portées toutes les sommes reçues par le soldat pendant son service, tant pour son engagement ou ses rengagements que pour sa solde et son entretien.
Si la recrue a déjà servi, le fait est mentionné dans la mesure où l'homme naturellement l'a fait connaître. Les services antérieurs font parfois l'objet d'une rubrique très précise, indiquant le corps où ils se sont effectués et la date du congé absolu qui rend le soldat libre à l'égard de ce corps. Pour les miliciens incorporés dans les troupes réglées, c'est-à-dire versés en renfort dans les régiments ordinaires, suivant un procédé annonçant l'amalgame des troupes de la Révolution (L'Armée française…, pp. 241-251) ils sont indiqués par les termes ou sigles : « Miliciens » ou plus simplement « Mil. », voire « M ». Certains majors négligent même de faire état de cette origine. On ne sait jamais à quelle classe de la milice appartiennent ces hommes, c'est-à-dire à quelle date ils sont devenus miliciens. Hors du fait qu'ils ont été miliciens et par conséquent qu'ils constituent des recrues offertes aux capitaines par le roi, mais libérables à la fin de la guerre, les majors ne s'intéressent qu'à la date de leur incorporation, c'est-à-dire de leur enrôlement.
Le lieu d'engagement est très rarement indiqué. C'est pourtant le cas dans le régiment de cavalerie de la Reine en 1716 (3 Yc 215) et également dans certains registres d'enrôlement des Gardes Françaises. On ne peut que regretter l'absence de cette indication qui aurait permis de préciser mieux certaines circonstances de l'engagement et de jeter quelques lueurs sur les déplacements de population. Assez souvent les registres des Gardes Françaises indiquent le nom du bas-officier ou du soldat qui a engagé la recrue, mais cela n'a guère d'intérêt pour la vie militaire.
Les contrôles de milice différent sensiblement à ce sujet de ceux des troupes réglées. Ils indiquent outre le lieu de naissance du milicien, la paroisse pour laquelle il sert, ce qui permet parfois de saisir quelques traits des mouvements migratoires en milieu rural, La date d'enrôlement est remplacée par l'indication de l'année de levée. Rappelons enfin que les troupes de la Compagnie des Indes possèdent non de véritables contrôles, mais, à l'instar des Gardes Françaises, des registres d'enrôlement sur lesquels les hommes sont inscrits dans l'ordre de leurs arrivées à Lorient. Or ils sont acheminés par groupes appelés « recrues » venus le plus souvent de Paris, mais aussi de Rennes, auxquels se joignent des hommes engagés en route. Pour chacun on connaît donc, la date d'engagement, la « recrue » dont il a fait partie, ce qui donne implicitement une indication sur le lieu de son engagement, enfin la date de son enrôlement lors de son arrivée à Lorient. C'est là un faisceau de renseignements que l'on ne retrouve qu'exceptionnellement dans les contrôles des troupes réglées.
La carrière militaire de chacun des soldats apparaît dans les contrôles de troupes mais de manière incomplète et même assez peu cohérente. En effet les contrôles sont dressés compagnie par compagnie et le changement de compagnie n'est indiqué que lorsqu'il s'effectue à l'intérieur du même bataillon pour les fantassins avant 1776, à l'intérieur du régiment pour les hommes des troupes montées ou pour les fantassins après 1776. Cela permet de suivre à peu près le soldat dans son régiment, tout au moins dans son bataillon s'il est fantassin. Il est vrai que les changements de compagnie n'ont pas la faveur de l'administration militaire et ne semblent pas aussi fréquents que pourrait le laisser penser la mobilité de la société militaire d'alors.
Les rengagements ne sont pas toujours indiqués. Il est vrai que le congé absolu n'est pas automatiquement accordé au bout du temps d'un premier engagement. Pour être libéré de celui-ci, il faut que le soldat n'ait aucune dette envers son capitaine ou ses camarades. De plus on prolonge le temps de l'engagement du temps des congés limités, nos permissions, obtenus par le soldat. Enfin, on ne libère pas les hommes en temps de guerre, du moins en principe et, en temps de paix, on ne doit en libérer que deux par semestre d'hiver. Aussi le fait de voir un homme servir au-delà du temps pour lequel il s'était engagé ne signifie pas qu'il se soit rengagé. Lorsque les rengagements sont indiqués, c'est avec des précisions variées. La date y figure avec quelquefois la durée, mais rarement l'argent reçu. Par contre nous avons vu que le major du régiment de dragons de Bauffremont en 1763 exigeait que les rengagés signassent l'indication de leur rengagement porté sur les contrôles.
La vie militaire comporte des absences par congés limités, nos permissions. Ces retours momentanés à la vie civile intéressent au premier chef les rapports entre société militaire et populations et seront étudiés en même temps que le retour, définitif à la vie civile. Parmi les absences momentanées, au moins en principe, on trouve la captivité militaire. Or celle-ci n'apparaît qu'exceptionnellement dans les contrôles avec la formule : « revenu des prisons de Bohême (ou Hongrie ou tout autre pays) ». La date de retour n'est pas toujours indiquée. Quant à celle de la capture elle est négligée. Cela s'explique assez bien. Les capitaines sont bien souvent hors d'état de préciser la cause de la disparition de tel de leurs hommes, surtout au lendemain d'une bataille. Tués, prisonniers, déserteurs ? Seul le retour permet de savoir que le soldat a été fait prisonnier de l'ennemi, à condition qu'il ait un papier signé du commissaire des guerres qui a procédé à l'échange de prisonniers dont il a bénéficié, ou qu'il soit reconduit à son corps par un officier. Du point de vue juridique la captivité militaire ne prit qu'assez lentement la signification actuelle. Au XVIIe siècle, le capitaine avait un mois pour racheter un de ses hommes fait prisonnier. Passé ce délai, l'homme était tenu quitte de son engagement envers son capitaine. Il pouvait donc s'engager à n'importe quel officier qui le rachèterait aux ennemis. Il fallait bien entendu que ce fut pour le service du roi, car l'engagement au roi restait entier. En fait le soldat prisonnier de guerre s'engageait assez souvent à l'ennemi. Cela n'était pas nécessairement une trahison, car un certain nombre revinrent à leur corps dès qu'ils le purent en désertant le drapeau de l'ennemi. Tout cela explique que faute de faire le partage entre captivité et désertion, les contrôles restent le plus souvent muets sur ce point.
La vie militaire comporte également les punitions. Mais celles-ci n'apparaissent guère dans les contrôles que lorsqu'elles entraînent le renvoi de l'armée. Tout au plus perçoit-on les sanctions infligées à des gradés cassés de leur grade et à des soldats condamnés à perdre leur ancienneté et leur rang, par exemple pour s'être mariés sans l'autorisation de leur colonel.
Chaque soldat a un rang dans la compagnie, déterminé d'abord par l'ordre chronologique des engagements. Cependant les punitions peuvent faire remettre l'homme à la queue de la compagnie et pendant les congés limités, nos permissions, l'ancienneté du soldat est suspendue. Donc l'ordre des engagements n'est pas toujours respecté dans l'ordre d'inscription des hommes sur les contrôles de troupe (Voir Chartres-infanterie, 1 Yc 255, année 1763). Vers la fin de l'Ancien Régime, certains majors donnent des numéros aux soldats, correspondant à leur rang (Cf. Quercy-infanterie, 1 Yc 757 et 761 ; La Marine-Infanterie, 1 Yc 885 ; Les Chasseurs des Cévennes, 9 Yc 3-2). Les ordonnances exigeaient que lorsqu'un homme changeait de corps, il perde son ancienneté et son rang dans la compagnie où il passait. Mais si ce changement était involontaire, par exemple, en cas de « réforme », c'est-à-dire de dissolution d'un corps, un épineux problème se posait. Un certain nombre d'hommes étaient également réformés et renvoyés. S'ils allaient s'engager dans un autre régiment, ils devaient en principe, prendre la queue de leur compagnie. Cela d'ailleurs ne nuisait aucunement à leur espoir d'accéder un jour aux Invalides, puisque pour y être admis, on tenait compte de la durée des services et non du rang. Il se trouva des hommes qui quoiqu'appartenant à des corps réformés furent conservés et versés dans d'autres régiments. En 1715, la plus grande démobilisation connue jusqu'alors par l'armée française, donna lieu à un brassage important des hommes. Aussi on les classa généralement d'après leur premier engagement. Encore qu'un certain flottement se soit produit d'un corps à l'autre, on peut citer comme exemple cette note inscrite sur la page de garde du contrôle du régiment de cavalerie du commissaire-général :
« Dans plusieurs compagnies il se trouve des dattes d'engagements plus anciennes que celles qui les précèdent : ce qui paroist n'estre pas l'ordre, mais cela vient de ce que les cavaliers de ses (sic) dattes ont servi ailleurs et que dans le rang qu'ils tiennent, ils ont demandez d'estre enregistré suivant celle de leur premier engagement qu'ils ont produit avec les congés ; affin que leurs services puissent leurs valloir en tant que de raison ; d'autres quoiqu'engagés avant leur camarade pour la même compagnie, ny sont cependant enregistrés, qu'après eux parce qu'ils ny sont venus que les derniers, et qu'il est d'usage qu'ils n'y tiennent rang que du jour de leur arrivée.
Les aages des anciens cavaliers en ce nouveau Registre sont augmentés du tems Ecoulé depuis 1716 qua commencé le Registre Militaire et ceux des engagés ensuitte de 1716 sont aussy augmentez depuis la datte de leur Engagement ; le présent Registre signallé à Marville le 31 mars 1723 » (3 Yc 75).
Hors de ces circonstances exceptionnelles, le classement des hommes ne présente que des problèmes limités à la compagnie. Généralement d'un contrôle au contrôle suivant on voit le soldat avancer, dans le rang à condition qu'il reste dans la même compagnie.
Les promotions ne sont pas toujours indiquées par une mention ajoutée au signalement. Là encore il faut comparer les contrôles consécutifs du corps. Les promotions sont, outre le passage dans la compagnie des grenadiers, les nominations aux hautes payes (appointés), aux grades d'anspessade, caporal, sergent dans l'infanterie. Dans la cavalerie avant 1763, les brigadiers sont considérés comme des bas-officiers et les maréchaux des logis comme des officiers. C'est pourquoi ces derniers ne figurent pas sur les contrôles de troupes. Mais à partir de 1763, les maréchaux des logis sont devenus de simples bas-officiers et figurent sur les contrôles de la troupe. Les brigadiers sont ramenés au même rang que les caporaux. A cette même date, les fourriers apparaissent également sur les contrôles de troupes, généralement après les sergents et maréchaux des logis. Quelquefois ces nominations font l'objet d'une mention comportant la date où elles interviennent. La plupart des contrôles n'indiquent même pas les grades.
Cependant cette lacune peut être comblée. En effet les hommes sont inscrits de manière régulière suivant leur rang et leur ordre hiérarchique. Il suffit donc de garder présent à l'esprit le nombre des gradés dans chaque compagnie pour déterminer le grade de chacun. Ainsi dans les contrôles d'infanterie de 1716, les deux premiers hommes inscrits dans les compagnies de fusilliers sont sergents, le 3e et le 4e sont caporaux et les 5e et 6e sont anspessades. Tous les autres sont simples soldats. Donc on peut savoir quel est le grade et le rang des hommes dans la compagnie au moment de la confection du contrôle. Dans l'intervalle de deux contrôles, on est réduit à des hypothèses. Prenons un exemple. Le départ de la compagnie d'un caporal permet la promotion à ce grade d'un anspessade et au grade d'anspessade du soldat le plus ancien. Si la date du départ du caporal est indiquée, il est raisonnable de penser que les promotions supposées ont lieu peu de temps après, sinon à ce moment même. Ce qui est vrai pour la nomination des anspessades et brigadiers ne l'est pas systématiquement pour celle des sergents et maréchaux des logis. En effet ces bas-officiers ne sont pas toujours pris parmi les caporaux et brigadiers. Ces derniers se voient parfois préférer des soldats plus jeunes, mais jugés plus aptes au commandement. En particulier l'avancement au choix progresse sous Choiseul lorsqu'on exige des sergents qu'ils sachent lire et écrire. Dans les Gardes Françaises la promotion aux grades d'anspessade et caporal est toujours indiquée, mais pas la date où elle s'effectue. Par contre les sergents figurent dans chaque registre de compagnie à deux endroits. D'abord là où ils ont été inscrits lors de leur arrivée, ensuite sur une liste des sergents portée sur des pages laissées blanches au début du registre afin d'y inscrire ces bas-officiers dans l'ordre de leur nomination. La date est toujours indiquée, sauf cas de négligence assez rare.
Le passage aux compagnies de grenadiers est plus facile à étudier. Certains contrôles de ces compagnies indiquent deux dates dans le signalement de chaque homme. L'une est celle de l'entrée dans la compagnie de grenadiers, l'autre rappelle l'engagement (Santerre-infanterie en 1718, 1 Yc 942 ; Touraine-infanterie en 1749, 1 Yc 999-3 ; Royal-La Marine en 1749, 1 Yc 882). Ce travail, certains majors s'en acquittent avec soin, tel celui du régiment d'infanterie de Saillians en 1716 qui se donne la peine d'avertir l'utilisateur éventuel des contrôles par la note suivante : « Il faut remarquer que les grenadiers sont mis suivant le jour qu'ils sont entrés dans lad, comp[agni]e. Et la datte de leur enrolement du jour qu'ils sont entrés dans le Régiments » (l Yc 923). Assez souvent le départ des grenadiers de la compagnie où ils servaient auparavant est ainsi mentionné : « Grenadier le... » ou simplement « G... et la date » (Vivarais-infanterie, 1 Yc 1049-I).
En l'absence de ces indications on peut cependant repérer le passage d'un homme à la compagnie de grenadiers puisqu'on doit trouver en principe l'homme inscrit deux fois sur le même contrôle : d'abord dans la compagnie de fusiliers où il s'était engagé, puis dans la compagnie de grenadiers, toujours placée en tête du contrôle, où il est inscrit à la suite des hommes présents au moment de la confection de ce contrôle. Eventuellement on le retrouvera encore dans le contrôle suivant dans cette même compagnie de grenadiers. Dans les Gardes Françaises où chaque compagnie a son registre de contrôle, il faut chercher l'homme dans les contrôles des trois compagnies de grenadiers.
Les changements de compagnies sont rares mais presque toujours mentionnés quand ils sont réguliers. C'est le cas par exemple lors des changements de capitaines dans les compagnies de fusiliers. Un usage veut au début du siècle, que le colonel prélève alors sur la compagnie qui change de capitaine, deux hommes pour sa propre compagnie. Les départs pour d'autres corps : Royal-artillerie lorsque ce régiment prélève des hommes dans les bataillons d'infanterie, compagnie des Grenadiers à cheval de la Garde, et naturellement Invalides, sont généralement mentionnés. Par contre les nominations au grade d'officier ne sont guère indiquées que lorsqu'il s'agit de bas-officiers. Les cadets ou volontaires, jeunes gens qui viennent apprendre le métier des armes dans la compagnie d'un parent ou ami, mais qui ne sont pas engagés, apparaissent dans les contrôles et en disparaissent sans qu'on sache s'ils ont effectivement obtenu une lieutenance. La difficulté de suivre les hommes lorsqu'ils changent de corps est très grande. Elle existait déjà pour les contemporains ainsi qu'en témoignent les états des services des hommes admis aux Invalides, pleins d'incertitudes et comportant de nombreuses lacunes. Mais, à partir de 1763, tous les renseignements relatifs à la carrière militaire de soldats sont beaucoup plus soignés et le chercheur se trouve sur un terrain beaucoup plus sûr.
E) LA SOCIETE MILITAIRE
J'ai tenté ailleurs de montrer que l'armée française du XVIIIe siècle constituait une société militaire ouverte sur la société civile, mais n'en possédant pas moins un particularisme assez marqué dont les noms de guerre ne sont qu'un élément pittoresque. Toutefois, outre sa hiérarchie et ses règles d'avancement, la société militaire a sa démographie propre.
Avant d'exposer les traits de cette société que révèlent les contrôles de troupes, examinons comment s'achève la carrière militaire pour ceux qui arrivés très vieux ne cessent d'appartenir à l'armée. Certes on rencontre dans les troupes des hommes fort âgés, mais ils sont de plus en plus souvent admis aux Invalides. Entre le début et la fin du siècle, le nombre des invalides a triplé. Rappelons l'ordonnance du 26 février 1764 qui accorde le droit à pension militaire aux hommes justifiant de vingt-quatre ans de service et la demi-pension à ceux qui justifient de seize ans, avec la faculté d'en jouir chez eux.
A la fin du règne de Louis XV, les quelques 30.000 invalides sont répartis de la manière suivante. Les hommes mutilés ou devenus totalement inaptes au service sont groupés dans des compagnies hébergées à l'Hôtel des Invalides. Les hommes les plus valides forment des compagnies détachées de l'Hôtel qui tiennent garnison dans des forteresses. Enfin viennent les hommes qui ont préféré se retirer chez eux ou pensionnés, dont il sera question plus loin.
Dans les contrôles de troupes la mention : « admis aux invalides » ou « invalide » ou même seulement « inv. » est semble-t-il régulièrement portée, mais la date fait parfois défaut. Les registres d'immatriculation des Invalides comblent ces lacunes. Grâce à eux, aucun invalide n'échappe à la recherche, lis reproduisent tous les renseignements figurant dans les contrôles de troupes au sujet de l'état civil et du lieu de naissance des soldats. Par contre l'indication des professions disparait fréquemment. De plus ils rassemblent tout ce que l'on connaît des services de l'homme. Celui-ci n'a intérêt à en omettre que s'il a quitté irrégulièrement un corps. Quand il ne peut présenter de certificats fournis par les chefs de corps ces services sont rapportés sous forme dubitative. Enfin les contrôles des compagnies détachées donnent un complément d'information, à la vérité peu fournie, car ils se bornent le plus souvent à mentionner pour chaque soldat la date de son entrée à la compagnie et celle de son départ, le plus souvent de son décès.
Avant d'entrer aux Invalides et souvent après, certains hommes sont envoyés en cure dans des stations thermales, telles Barèges ou Balaruc. Ces absences momentanées sont parfois indiquées sur les contrôles de troupes. Les listes des hommes passés en revue dans les hôpitaux militaires sont quelquefois conservées aux archives de la guerre dans la série Ya ou dans les fonds des intendances des Archives départementales. Les cartons de la série Xb, Xc... contiennent souvent la liste des hommes de chaque régiment envoyés aux eaux.
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A l'armée, plus souvent dans les compagnies détachées des Invalides que dans les corps de troupes, des soldats sont accompagnés de leur famille. Malgré les ordonnances et un préjugé des officiers, longtemps défavorable aux hommes mariés, des soldats n'hésitent pas à prendre femme. Ils perdaient leur ancienneté, ne pouvaient devenir gradés ou recevoir de haute-paye. En cas de réformes ils étaient renvoyés les premiers. Cependant l'opinion devient lentement plus favorable aux soldats mariés et dans la première moitié du siècle ces mesures ne sont progressivement plus appliquées qu'aux hommes qui se sont mariés sans l'autorisation de leur colonel. Les hommes mariés ne sont guère indiqués comme tels que dans les registres d'immatriculation des Invalides, qui en tiennent le plus grand compte. Probablement la proportion des gens mariés y est plus forte que dans les corps de troupes. De plus ces registres indiquent souvent aussi le lieu du mariage. Il est inutile de souligner l'intérêt de cette mention pour l'étude de la mobilité géographique. Malheureusement les archives françaises conservent très peu de registres d'aumône ries militaires pour les corps ou pour les hôpitaux qui ont possédé une aumônerie. (On trouve aux Archives Nationales le registre de l'aumônerie de l'hôpital royal militaire de Spire dans l'hiver 1734-1735. MM. 834). Aussi, en dehors des invalides, on ne sait que bien rarement si les hommes étaient mariés. Cependant quelques majors, tels celui du régiment d'infanterie de La Couronne de 1769 à 1772 notent assez souvent les hommes qui sont mariés. Mais comme la proportion de ceux-ci est insignifiante par rapport à celle que révèle les registres des invalides parmi les hommes qui arrivent, il est permis de douter que le major ait eu l'intention de mentionner tous les hommes mariés. Peut-être s'est-il contenté de signaler ceux que leur femme accompagnait parmi les civils suivant les troupes ?
Quant aux fils de soldats, ils ne sont repérables que lorsqu'ils obtiennent d'être mis à la solde, c'est-à-dire d'être engagés dans la compagnie de leur père. Ce sont alors les enfants du corps. Il s'agit là d'un usage répandu partout dans les régiments sauf les régiments récents, et plus particulièrement dans les régiments étrangers. Leur signalement est assez sommaire. L'âge manque souvent et la taille toujours. Cependant à la fin du siècle, l'usage est devenu institution. Chaque régiment a le droit d'enrôler un certain nombre d'enfants du corps qui sont mis, suivant leur âge à la demi-solde ou à la solde complète. Ce sont les ancêtres si l'on peut dire, des enfants de troupes. Leur présence étant régulière, on ne cache plus leur âge. Certains sont fort jeunes. On en rencontre qui sont inscrits à l'âge de cinq ans. On leur apprend à battre le tambour.
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Dans les corps de troupes on enregistre des mariages et naissances, mais surtout des décès. Les officiers chargés du détail notent régulièrement semble-t-il les décès, sauf pour les hommes morts en captivité ou en congé limité qui sont souvent portés déserteurs au bout d'un certain temps, faute de les voir réapparaître. Par contre, il est impossible de dire ce que sont les pertes par les combats. La mention « tué » est très peu répandue sauf dans les registres des Gardes Françaises, qui indiquent : « tué au combat de... » ou « tué le... », date précise qui permet l'identification du combat, ou seulement « mort à... » avec le nom d'une bataille ou encore « mort le... » suivi d'une date précise, dont il reste à chercher la signification. Il ne fait pas de doute que beaucoup d'hommes notés comme décédés ou morts ont été tués sur un champ de bataille ou sont morts des suites de leurs blessures. Malgré cette incertitude, les pertes sont moins grandes qu'on l'a souvent prétendu, car la plupart des décès sont enregistrés en hiver au moment des épidémies mais non des combats. La surmortalité des périodes de campagnes est relativement faible dans l'ensemble. De plus elle risque d'être exagérée par les contrôles. En effet, beaucoup d'hommes ont été déclarés morts qui sont en réalité des déserteurs que leur capitaine n'a pas déclarés. Une complicité lie le capitaine qui retient à son profit la solde du déserteur et les hommes qui se partagent ses rations et il est vrai également ses tours de gardes et corvées. Le capitaine espère que l'homme pris de repentir reviendra, une fois passé le moment de découragement qui lui avait inspiré la désertion. Ce raisonnement se révèle souvent juste. De plus le capitaine dissimule à ses supérieurs ce qui pourrait être interprété comme un manque d'autorité. Que survienne un combat, les comptes de la compagnie sont régularisés. Le déserteur est porté comme mort. Parfois on a la surprise de le voir réapparaître avec cette mention : « avait été porté mort par erreur» (L'Armée française... pp. 579-580).
J'en arrive donc à une des caractéristiques de la société militaire française du XVIIIe siècle, sa mobilité, entretenue surtout par la fréquence des désertions. L'institution des contrôles de troupes n'est d'ailleurs qu'un des aspects de la lutte contre la désertion. L'ordonnance de 1716 menaçait les déserteurs de la peine de mort, quelques soient les circonstances de la désertion, si bien que la désertion suivie de rengagement dans un autre corps était punie aussi sévèrement que la désertion à l'ennemi. Tous les mois les majors devaient envoyer à la Cour un état signalétique des hommes portés déserteurs par leur capitaine. La Cour faisait alors composer tous les trois mois un Rôle des déserteurs, imprimé à 600 exemplaires qui étaient envoyés aux intendants, commandants de places, commissaires des guerres, majors des régiments et prévôts des maréchaux « qui feraient visiter de mois en mois les lieux de naissances des déserteurs » (Ordonnance du 2 juillet 1716, art. 32). Le peu de zèle à dénoncer les déserteurs est quelquefois attesté dans les contrôles par des mentions qui sont autant d'aveux : « Jean La France déserté le 10 juillet 1716, n'a esté dénoncé qu'au mois de may 1717 » (Piémont-infanterie, cie Mérie. 1 Yc 708) ou encore Julien Joseph, « déserté le 25 Xbre 1716 n'a été dénoncé que le 9 juin 1717 par oubly (Royal-des-Vaisseaux, cie Boissonnade. 1 Yc 913). On signale même que Jean Dervognie « a été engagé pour emplacer du Glucq cy dessus [inscrit] que l'ayde-major ne dénonce pas comme déserteur... » (Saint-Aignan-cavalerie, cie mestre de camp. 3 Yc 268). La recherche des déserteurs fut accélérée par l'ordonnance du 17 janvier 1730 en compensation de l'amnistie que celle-ci accordait. Tout soldat absent sans autorisation serait jugé par contumace après un délai de huit jours par le commandant du corps ou de la place. Le ministre recevrait donc désormais, non la dénonciation, mais le jugement. La condamnation par contumace pourrait donc être affichée dans le lieu de naissance du contumax qui du jour de cet affichage serait réputé mort civilement (art. 6) (L'Armée française... pp. 746-747). Les hommes en congé limité ne se présentaient pas toujours au terme fixé. On les disait alors « outrepassés ». Pour eux, la procédure resterait la même qu'auparavent. Ils seraient dénoncés au ministre qui les ferait sommer trois fois à leur domicile et faute d'obtempérer dans un délai de trois mois, ils seraient condamnés et inscrits sur le rôle des déserteurs, La maréchaussée chargée de la recherche des déserteurs ne montrait guère de zèle et se contentait bien souvent des explications données par les parents du déserteur. Elle ne mettait aucune hâte à renouveler les sommations.
Tous ces actes répressifs laissent leur trace dans les contrôles. Avant 1730 on lit la mention fréquente : « Déserté le ... ». Après 1730 on lit : « Déserté le ... jugement le ... » ou beaucoup plus souvent : « Déserté, jugement le ... » ou encore « Dés. Jug. le ... » ou même « D. J. le ... ». Parfois le major préfère inscrire : « Contumacé le ... ». Pour les hommes en congé limité qui ne sont pas rentrés, on trouve parfois : « Outrepassé le ... ». Très rarement ces indications sont accompagnées de : « exécuté le ... », « a eu la tête cassée le ... », « passé par les armes le ... » ou même « aux galères le ... », car la plupart des déserteurs échappaient à la justice. On rencontre plus souvent : « gracié le ... ». Pendant le temps parfois très long qui s'écoulait entre le jugement par contumace et l'arrestation éventuelle, le coupable ou sa famille pouvait intéresser un haut personnage et le roi commuait assez souvent la peine de mort en peine des galères perpétuelles ou encore en envoi « aux Isles » .
Pour le déserteur contumace qui n'avait pas obtenu de grâce, l'essentiel était de pouvoir attendre le bénéfice d'une amnistie. Elles furent nombreuses pendant la guerre de Succession d'Espagne. Puis l'ordonnance de 1716 ayant annoncé qu'il n'en serait plus accordé, il n'en fut effectivement promulgué aucune de 1716 à 1730, Mais cette résolution cessa en 1730, tant était grand le nombre des déserteurs, malgré la menace de la peine de mort. Depuis lors, les amnisties se succèdent à intervalles plus ou moins longs. Dans les contrôles on trouve donc certaines mentions telles que « amnistié en ... » ou « revenu par amnistie le ... ». Par contre, on lit parfois cette expression assez surprenante : « perdu par amnistie », ce qui veut dire que l'homme ayant déserté du régiment s'était engagé dans un autre où l'amnistie lui permettait de rester. Il était donc bien perdu pour le premier régiment. Cela explique amplement que les rouleurs ou billardeurs, ces hommes qui passent d'un régiment à l'autre, tiennent dans les contrôles une place importante qui peut prêter à exagération sur leur importance numérique réelle. Il n'en reste pas moins que le nombre des déserteurs était considérable. Un soldat sur 4 ou 5 pendant la guerre de Succession d'Espagne, un sur cinq pendant la plus grande partie du siècle, et encore un sur 10 à la fin de l'Ancien Régime ont déserté pendant la durée de leur service (L'Armée française... pp. 746-747).
F) LE RETOUR A LA VIE CIVILE
Le départ de l'armée s'accomplit soit de manière irrégulière et précaire par la désertion, soit de manière momentanée par un congé limité, soit enfin de manière durable par un congé absolu. Quelques déserteurs arrivent à faire régulariser leur départ de l'armée par la grâce royale en fournissant un remplaçant ou en remboursant l'argent du roi, ou tout simplement par le bénéfice d'une amnistie. Cela leur permet de se réintégrer à la société civile, si par ailleurs ils ne rencontrent pas d'autres obstacles. Mais beaucoup, du fait même qu'ils se trouvent en situation irrégulière et sont plus ou moins traqués passent dans ce que l'on appellera plus tard les classes dangereuses.
Quoique n'interrompant pas l'engagement, les congés limités remettent le soldat en contact avec la vie civile et le placent sous l'autorité directe des intendants des généralités où il séjourne. D'ailleurs il est arrivé souvent que de retour chez eux, avec l'aide de la bourse familiale, ils se « dégagent » en fournissant à leur capitaine un remplaçant ou une bonne somme d'argent. Pour ce genre d'accord l'autorisation du roi est de plus en plus indispensable. Aussi le congé limité est assez souvent le prélude au congé absolu. Mais évidemment ce n'est pas toujours le cas. On peut distinguer des congés limités proprement dits qui sont les équivalents de nos permissions, les congés de semestre ou « semestres », Ces derniers n'interrompent pas le service. Ils sont accordés à des bas-officiers et à des hommes chargés de faire des recrues pendant que le corps est en quartier d'hiver, soit pendant un semestre qui dure d'octobre à mars et bien souvent se prolonge jusqu'en mai. L'ancienneté du semestrier continue à courir et il touche le montant de sa solde à son retour, déduction faite des sommes qui lui ont été avancées à son départ. Des retenues de solde sont imposées lorsque le soldat regagne son corps avec retard. Les semestres ne sont jamais mentionnés sur les contrôles de troupes, sauf lorsque le soldat en a profité pour déserter. On lit alors la note : « déserté en semestre ». Les congés limités, au contraire des semestres, s'ils n'interrompent pas l'engagement, interrompent le service et le terme de celui-ci s'en trouve reculé d'autant de jours que le soldat a effectivement été absent. C'est pourquoi le nombre et la durée de ces congés limités sont assez grands, sauf bien entendu en temps de guerre. Cependant les ordonnances prescrivent de n'accorder de congés limités que pendant le quartier d'hiver et à un nombre limité de soldats. Les soldats préféraient les congés d'été qui leur permettaient soit d'aider leur famille aux champs, soit de gagner quelque argent. L'ordonnance du 20 mars 1731 accédait à ce désir. Dans un contrôle du régiment de La Fère-infanterie, on trouve une liste des congés limités accordés de 1750 à 1762 (1 Yc 336. Voir l'Armée française, t. II, p. 833). Ce document est assez exceptionnel. Les hommes en congé limité reçoivent des cartouches aux armes de leur régiment, semblables aux cartouches de congé absolus, sur lesquels figurent les signatures des capitaine, commandant du régiment, major ou aide-major, ainsi que le visa du commissaire des guerres et éventuellement du commandant de la place. Ils doivent le présenter à toute réquisition de la maréchaussée et l'intendant peut les renvoyer à leur corps s'il le juge bon. Semestres et congés limités remettent le soldat en contact avec les populations. Au XVIIIe siècle et jusqu'à ce que les réformes de Choiseul et Saint-Germain aient isolé la société militaire de la société civile, le soldat vivant hors de son corps devient un type social très répandu qui n'est pas sans causer quelques soucis aux autorités et même aux familles (Voir par exemple la lettre de la Veuve Deguilly au capitaine de son fils, lui demandant de ne pas laisser venir ce dernier en congé limité parce qu'il la gruge. Cité dans l'Armée française..., t. 2, p. 832, n. 56).
Les congés définitifs sont de caractère divers : congés absolus, congé d'inaptitude et congés infamants. Ils donnent lieu à la délivrance par les majors de cartouches aux armes du régiment et portant le sceau de celui-ci, et, à la fin de l'Ancien Régime la signature du scribe certifiée par le major ou aide-major, visée par le commissaire des guerres et approuvée par le commandant du régiment. Ces documents reproduisent le signalement du soldat : état civil et signalement physique. Ils certifient la date d'engagement. Ils attestent enfin si, à la connaissance des officiers l'homme a ou n'a pas contracté mariage. On retrouve actuellement un certain nombre de cartouches blancs, conservés par les intéressés ou leurs familles qui prouvent des services et un départ honorable. Mais il existait au moins dans la seconde moitié du siècle des cartouches verts pour les congés d'invalidité ou d'inaptitude et des cartouches jaunes pour les congés infamants. Evidemment ces pièces sont beaucoup plus rares. Sur les contrôles de troupes, seuls les congés infamants se distinguent des autres par la mention : « chassé le ... », souvent précédée par la formule : « passé par les verges », Ces congés infamants ne libèrent pas nécessairement l'homme. Il arrive que celui-ci soit envoyé aux galères pour punition d'un délit contre les ordonnances militaires, ce qui est exprimé par : « aux galères le ... » ou simplement : « gal. ... », Lorsque le soldat a commis un délit à l'encontre des populations il tombe sous la justice de l'intendant et des juridictions ordinaires. L'armée l'abandonne à celles-ci. Tel est le sens de la note : « abandonné le ... » que l'on rencontre parfois. Par contre les antres congés ne se distinguent pas toujours entr'eux. L'expression « congé d'ancienneté » ne laisse aucun doute. Elle ne peut s'appliquer qu'à des hommes qui ont accompli entièrement leur engagement, mais elle est assez rare. « Congé absolu », « congé abs. » ou « C. A. » est beaucoup moins précis, puisque ces mots accompagnent aussi le signalement d'hommes qui n'ont pas servi tout le temps prévu. Le mot « absolu » signifie seulement que ce congé laisse l'homme libre de tout engagement vis-à-vis de l'armée, mais n'est-ce pas parfois un congé d'inaptitude, surtout lorsqu'il est accordé au bout de quelques jours seulement ? Ces congés prématurés sont fréquemment le résultat d'un rachat du soldat par sa famille. Or les raisons en sont très rarement exprimées. Malgré les ordonnances déclarant qu'il ne serait accordé que deux congés par semestre dans chaque compagnie, et seulement en temps de paix, on constate que des congés absolus sont délivrés régulièrement en toutes saisons, même en temps de guerre, avec une fréquence évidemment variable. Notons enfin que, pas plus que la désertion, le congé absolu signifie le retour définitif à la société civile. En effet, pour un grand nombre, il permet tout simplement le changement de corps. Bien que les ordonnances prétendent empêcher cette pratique, elle reste très répandue.
Parmi les anciens soldats réintégrés dans la société civile, les pensionnés tiennent à partir de 1764 une place à part. En effet ils sont autorisés à porter l'uniforme et en reçoivent un tous les huit ans. Ils sont admis aux hôpitaux militaires. L'intendant leur fait verser leur pension et doit s'assurer périodiquement qu'ils sont toujours en vie. Aussi font-ils l'objet de vérifications au moins annuelles par généralités. Ils sont sous le contrôle étroit de l'intendant. On peut donc retrouver leurs traces dans les fonds d'intendance des Archives départementales (série C). Pour être complet, citons les anciens soldats devenus cavaliers de maréchaussée, puisque à partir de 1720, ce corps se recrute presque exclusivement parmi les hommes ayant servi, notamment dans la cavalerie. On peut connaître les cavaliers de maréchaussée par les contrôles de 1720, 1730 et 1760 qui donnent outre l'indication du domicile, l'état civil, le signalement physique, un état des services dans l'armée, voire dans d'autres services tels les Fermes Générales. De plus ces contrôles portent les appréciations sur les hommes.
Les sources civiles permettent de rencontrer un grand nombre de militaires : soldats en semestre ou en congé limité, déserteurs, pensionnés. En outre on trouve ceux qui tout en restant sous l'autorité militaire sont en contact avec les autorités civiles pour des affaires de recrutement, d'étapes, de logement des gens de guerre, de rixes. Il peut être utile de rechercher tous ces hommes dans les contrôles de troupes. Je pense que cela est relativement facile.
CHAPITRE III
GUIDE DES RECHERCHES
Les contrôles de troupes de l'Ancien Régime n'ont guère fourni jusque-là la matière à des études historiques, si ce n'est la recherche que j'ai effectuée poux l'Armée française de la fin du XVIIe siècle au ministère de Choiseul. Le soldat, qui est loin d'en avoir épuisé tout l'intérêt. Depuis l'ouverture en 1948 de ce fonds aux lecteurs, peu de chercheurs y ont recouru et exclusivement pour des recherches de caractère biographique.
Dans l'orientation actuelle de la recherche historique, les contrôles de troupes constituent une mine remarquable pour des recherches d'ordres divers :
1° - Militaire : recrutement, carrières, historique des corps, pratiques de l'administration militaire... spécialement pour la période 1770-1789, si importante dans l'histoire de la formation de l'armée française moderne.
2° - Sociologique : comme beaucoup d'études de ce genre, l'Armée française... ne représente qu'un moment dans la connaissance d'une petite fraction du passé. Il reste à poursuivre la recherche pour la période 1770-1789 et à voir à travers la société militaire tout ce que les contrôles de troupes révèlent de la société civile. Surtout les conclusions que j'avais proposées devront être confrontées aux résultats obtenus par les recherches sur les structures sociales qui se répandent actuellement. Pour cela, les contrôles de troupes devront être consultés.
3° - Biographique : Bien que certains historiens aient tendance à négliger cet aspect de l'histoire, il me paraît indispensable. Sans doute les généalogistes peuvent s'intéresser aux contrôles de troupes comme aux registres paroissiaux. Toutefois je pense qu'il n'y a pas d'histoire sociologique sérieuse sans une hase biographique solide. On ne peut verser aux dossiers de l'histoire des structures sociales que des cas individuels nettement précisés par les méthodes biographiques habituelles. Il me paraît que les thèses récentes ayant pris comme sujets l'étude de la structure sociale dans le cadre d'une ville ou d'une province présentaient une lacune pour n'avoir pas utilisé les renseignements qu'offraient les contrôles de troupes sur les collectivités humaines évoquées. Qui songerait à en faire un reproche aux auteurs ? Il leur était absolument impossible de retrouver dans les contrôles de troupes les hommes passés par l'armée. J'ai voulu que cela fut désormais possible.
Il fallait donc constituer l'instrument de travail qui permette de rechercher les individus connus par ailleurs. Il fallait faciliter les relations entre contrôles de troupes et sources locales de l'histoire sociale tels registres paroissiaux, documents fiscaux... Avant tout il était indispensable de présenter les contrôles de troupes dans un ordre pratique. Tel est le but de cet ouvrage qui est un inventaire raisonné et un essai de reconstitution logique d'un fonds qui, il faut bien le dire revêt un aspect assez déconcertant.
I - INVENTAIRE RAISONNÉ ET ESSAI DE RECONSTITUTION LOGIQUE
Il existe un répertoire des contrôles de troupe conservés aux Archives de la Guerre qui donne aux chercheurs l'orientation indispensable pour demander communication des registres concernant tel régiment. Jean Claude Devos et André Cambier l'ont établi avec un grand soin malgré la difficulté d'identifier certains volumes. Ils ont indiqué les filiations de régiments les plus indiscutables. Ainsi peuvent être rapprochés des contrôles que l'ordre alphabétique avait dispersés. Mais ce que nous savons du désordre régnant dans le fonds, rendait impossible la confection d'un répertoire raisonné en quelques pages, et bien souvent le lecteur restait livré à lui-même. Fallait-il faire un inventaire ? Un tel travail devait respecter la division de la série Yc en ses sous-séries. Or, cette division s'appuyant sur la distinction des armes : infanterie, cavalerie, dragons, artillerie, milices, Gardes Françaises... est dans l'ensemble des contrôles, en partie factice. Ainsi tous les registres de l'infanterie ont été rassemblés dans la seule sous-série 1 Yc alors qu'ils en formaient trois, correspondant aux registres primitifs ou reliés sous le Directoire et antérieurs à 1763, aux registres rouges et aux registres bleus. Par contre une sous-série 10 Yc a été formée pour l'artillerie alors qu'elle entrait dans l'infanterie. Quant à la distinction entre 2 Yc (grenadiers royaux) et 13 Yc (milices), elle n'est aucunement justifiée par le contenu. Il s'agit dans les deux cas de contrôles de milices, avec pour 2 Yc, quelques contrôles de ces régiments d'élite tirés des milices, qu'étaient les grenadiers royaux. De plus les erreurs de classement ne sont pas rares : des registres de cavalerie se trouvent dans l'infanterie et vice versa : le désordre existe à l'intérieur des volumes. Un inventaire classique, pour être utile eut donc nécessité un nombre important de renvois qui ne pouvaient qu'en rendre la consultation pénible. Il m'a paru préférable de présenter plutôt un essai de reconstitution du fonds et un guide du chercheur.
Rappelons que les contrôles sont effectués par régiment, ou par bataillon pour les régiments d'infanterie qui comptent plusieurs de ces unités. Il était indispensable de revenir à cette forme primitive de tous les registres qu'ils l'aient gardée ou qu'ils aient été reliés en volumes factices. C'est pourquoi j'ai attribué un numéro à chaque contrôle primitif. Un volume recevra donc autant de numéros qu'il contient de contrôles. On aboutira à une reconstitution de ce fonds sous la forme théorique prévue, qu'il n'a peut-être jamais eue dans la réalité d'une manière parfaite et dont en tout cas il s'est éloigné lorsque certains registres ont été rassemblés et reliés. Deux ordres de classement étaient possibles : par date d'établissement des contrôles et armes, ou par armes et régiments. Le premier plus proche de la forme théorique permettait de donner une image de l'armée aux dates d'établissement ou de renouvellement des contrôles : 1716, 1718, etc. Il présentait cependant des inconvénients. En premier lieu à côté des renouvellements généraux il y avait eu des renouvellements partiels à des dates variables. Ensuite et surtout les renouvellements ont été de véritables recensements de l'armée à une date déterminée. Tous les hommes engagés dans l'intervalle qui sépare la confection de deux contrôles consécutifs sont signalés avec un minimum de renseignements, quelquefois on ne connaît d'eux que les noms, prénoms et noms de guerre. On obtiendrait donc une série d'états militaires séparés par des lacunes importantes, concernant suivant la fréquence des renouvellements, la moitié ou les deux tiers des hommes. Or si ces soldats sont restés au corps, ils figurent avec des signalements complets sur le contrôle suivant. Il importe donc d'établir la liaison entre les contrôles successifs d'un même régiment voire d'une même compagnie. Cela est conforme me semble-t-il à l'intérêt que présentent ces registres pour l'historien.
Précisément que peut-on attendre des contrôles de troupes ?
1°) Ils apportent des éléments précieux à des enquêtes collectives, de caractère général, concernant l'histoire militaire et divers aspects de l'histoire sociale.
2°) Ils sont pour les études de caractère biographique ou généalogique un appoint non négligeable.
Dans les deux cas il faut constituer des fiches individuelles dont le contenu est emprunté à des contrôles successifs. Il est indispensable pour cela de suivre les hommes dans la compagnie où ils servent, malgré les changements de colonels et de capitaines, donc malgré les changements de nom et de rang du régiment et des compagnies. C'est pourquoi j'ai choisi le classement par armes et régiments qui d'ailleurs avait déjà été adopté dès la confection des registres rouges.
La tâche est malaisée, spécialement lorsqu'on se trouve devant des contrôles de bataillon. En effet, le bataillon n'est qu'une unité tactique. Dans un régiment à plusieurs bataillons en temps de guerre, une compagnie peut passer de l'un à l'autre. De plus le nombre des compagnies par régiment ou bataillon ayant varié plus d'une fois, bien des hommes ont changé de compagnie, soit parce que celle où ils servaient était supprimée, soit parce qu'ils avaient été appelés à former des compagnies nouvelles. On ne s'étonnera donc pas des multiples accrocs rencontrés dans la filiation des compagnies. Quand cela se produit, il faut chercher dans les contrôles de toutes les compagnies du régiment si le soldat étudié sert encore. Toutefois, dans le plus grand nombre de cas, principalement pour le temps de paix, le travail sera facilité par cet ordre de classement. Je m'en suis tenu au classement par régiment. Mais pour les mineurs et sapeurs, les Gardes Françaises et les Invalides détachés, les contrôles étant fait par compagnie, j'ai respecté cette division. Les bataillons seront mentionnés mais ne fourniront pas les cadres du classement, sauf en ce qui concerne les bataillons du Royal-artillerie, devenus des régiments en 1765, et naturellement la milice qui, jusqu'en 1771 ne connut pas les régiments.
Selon les principes adoptés par le regretté Olivier de Prat pour le classement des cartons de la série Xb contenant les archives des corps de troupe, on trouvera pour chaque arme en premier lieu les régiments réformés, dans l'ordre chronologique de leur réforme, et pour tous ceux qui sont réformés en même temps, suivant le rang qu'ils avaient entre eux à ce moment. Puis viendront les régiments de la filiation, suivant le rang qu'ils avaient entre eux en 1791 et qui était celui de l'Ancien Régime à quelques exceptions près. La principale concerne le régiment du roi qui, compromis dans les émeutes militaires de Nancy en 1790 fut rétrogradé du 23e au 105e rang. Pour les troupes montées la filiation est plus difficile à établir car des régiments sont passés de la cavalerie aux dragons ou vice-versa et de ceux-ci aux chasseurs à cheval. Là aussi j'ai pris la qualification et l'ordre qu'ils avaient en 1791, de façon à mettre en relation les contrôles de l'Ancien Régime avec ceux qui suivent. Pour les milices, deux cas se présentent : celui des grenadiers royaux, organisés comme les troupes réglées et ayant un rang entre eux et celui des bataillons de milice que j'ai classés suivant leur généralité d'origine, puisqu'ils eurent un recrutement local dans le cadre de cette circonscription administrative, même après leur transformation en régiments provinciaux qui leur donna un rang entre eux. A l'intérieur de ces unités, régiments ou généralités, l'ordre chronologique a été respecté sauf pour quelques registres reliés dans des volumes où le désordre est tel que la reconstitution des anciens contrôles serait illusoire. J'ai également placé, à l'intérieur d'une même année, les contrôles très incomplets après les contrôles intacts.
Chaque contrôle est décrit de la façon suivante :
a) Position, donnée par
1°) un numéro d'inventaire ;
2°) la cote de l'article où se trouve le contrôle et pour les registres comprenant plusieurs contrôles, un numéro d'ordre ;
3°) le nom porté par le régiment sur la feuille de garde et éventuellement, le numéro du bataillon, le lieu, la date d'établissement et la signature ou, à défaut, toute inscription permettant de dater ou encore, entre crochets carrés, la date reconnue après étude du contrôle.
b) Composition
En même temps qu'une reconstitution de ce fonds, j'ai tenté de composer un guide de recherches. Pour cette raison il m'a paru indispensable d'énumérer les compagnies dont le contrôle est contenu dans chaque registre. Cela permet d'établir souvent leur filiation donc de suivre assez facilement un homme dans sa carrière militaire. Cela rend possible également le rapprochement des contrôles de troupes et des autres sources de l'histoire sociale. En effet, lorsqu'un soldat décline son identité sous l'Ancien Régime, il ajoute fréquemment le nom de sa compagnie, rappelant ainsi le contrat qui le lie à son capitaine, au moins jusqu'en 1763. C'est souvent avec cette précision que les militaires sont mentionnés dans les registres paroissiaux, les archives judiciaires et les actes notariés.
Le nom du régiment apparait moins volontiers jusqu'au milieu du XVIIIe siècle. De toutes façons l'indication de la compagnie constitue une précision fort utile. Elle est la clé de toutes recherches concernant un soldat dans les contrôles de troupes. Il faut reconnaître que cela est moins commode à partir de 1776, car alors les capitaines changent fréquemment de compagnie. C'est probablement pourquoi les contrôles de la série suivante commencée en 1786 comportent un index alphabétique des soldats qui y figurent.
Dans l'inventaire présenté, la liste des capitaines, donc des compagnies suivra l'ordre réel dans lequel on rencontre celles-ci, et non pas celui des listes souvent écrites au dos de la feuille de titre, que le groupement des contrôles en volumes a pu bousculer. Dans ce cas, j'ai renoncé à respecter le rang de chaque compagnie puisque, établi suivant l'ancienneté des capitaines, il variait constamment. Pour chaque compagnie ont été cités, quand ils sont indiqués, les noms qu'elle a porté successivement pendant que le contrôle décrit a été en usage. Ainsi on rencontrera dans le contrôle 1 Yc 978 du régiment de Tallard en 1722, la compagnie Taulignan - Robineau. Dans 1 Yc 974 en 1729, la même compagnie sera appelée : Robineau - chev. de Clermont.
Les noms ont été transcrits exactement sous la forme où ils figurent, en conservant le mot « de », dont on ne sait jamais s'il s'agit de la particule ou de la préposition marquant la propriété de la compagnie ou encore s'il n'a pas été abusivement détaché du nom. Les fantaisies orthographiques sont telles, qu'il valait mieux laisser aux chercheurs le soin de faire les interprétations nécessaires. On ne pouvait songer à entreprendre un pareil travail sur 70.000 mentions environ. Si on confronte la liste des capitaines d'un régiment telle quel ressort des contrôles de troupes avec celle que renferment les contrôles collectifs d'officiers (série Yb), plus d'un désaccord se manifeste. Rappelons-nous aussi que le même capitaine peut être inscrit sous des noms différents, patronymes, noms de terre, et que le même nom peut désigner deux capitaines servant en même temps dans un même régiment, par exemple deux frères, le père et le fils, l'oncle et le neveu. S'ils se succèdent à la tête de la même compagnie, la mutation n'est pas toujours indiquée. Dans les contrôles de troupe les noms des capitaines sont rarement complets, et l'expression, « l'aîné », « le cadet », « le jeune », ne figurent pas toujours en pareil cas. El en est de même du titre de chevalier, qui s'attache souvent au plus jeune. Les bureaux de la guerre à l'époque s'y trompaient parfois (1 Yc 961, note : « Il y a des soldats du ch[evalie]r de Moran dans Moran, erreur d'état »). Il arrivait qu'ils demandassent aux majors de les renseigner sur la filiation de telle compagnie (1 Yc 40, pièce, 7 juin 1760. Le major (?) du régiment d'Aquitaine répond à une demande au sujet du nom porté par la compagnie Daston, « pour pouvoir y décharger les nommés Lambert et Lorieux, tous deux soldats déserteurs de la compagnie ». La compagnie s'appelait chevalier de Béon jusqu'en 1758 où elle devint Aston). Enfin les contrôles collectifs d'officiers relatent toutes les mutations, tandis que les contrôles de troupes, négligent les noms des capitaines qui n'ont pas effectivement pris possession de leur charge et parfois de ceux qui n'ont fait que passer. Il n'est pas impossible également qu'au lieu du nom d'un capitaine absent, figure celui d'un capitaine en second ou d'un lieutenant qui commande effectivement la compagnie (dans Dauphin-dragons, de 1776 à 1786, l'escadron mestre de camp est indiqué comme ayant été commandé par Champeaux, Langle, Montigny et Rochelambert. Cf. inventaire n° 2615. Or d'après les contrôles d'officiers (série Yb), Montigny n'était que lieutenant.). Les compagnies de grenadiers, colonelles ou mestre de camp et lieutenantes-colonelles sont souvent indiquées sans noms de titulaires. D'ailleurs les soldats de ces compagnies ne s'exprimaient pas autrement. Il ne serait donc pas indispensable pour retrouver ceux-ci de connaître le nom des colonels et mestres de camps (sauf dans les régiments de gentilhommes qui portent le nom de leur chef), ou celui des lieutenants-colonels ou même dans les régiments à un seul bataillon celui du capitaine des grenadiers. Cependant afin de présenter un tableau autant que possible complet des différents corps, j'ai indiqué les noms de ces officiers dont le rôle est d'une importance évidente. Cette reconstitution a été faite à l'aide des contrôles collectifs d'officiers (Yb 78-107). Elle figure entre crochets carrés.
Cette manière de procéder ne présente aucun inconvénient lors qu'il s'agit des contrôles antérieurs à l'ordonnance du l8 février 1749. Mais à cette date les colonels, lieutenants-colonels et commandements de bataillon perdent leur compagnie, sauf dans les régiments étrangers. Cependant dans chaque régiment des compagnies continuent à porter les titres de compagnies colonnelle, lieutenante-colonelle, voire commandante, Ce sont les compagnies commandées par les capitaines les plus anciens. Par suite des départs ou promotions de ces officiers, ces titres honorifiques passent donc d'une compagnie à l'autre. Logiquement ils ne devraient plus figurer dans les listes de compagnies. Toutefois ils continuent à être employés par les hommes à l'exclusion du nom du capitaine commandant. Il faudrait donc restituer les noms de ces derniers lorsqu'ils ne figurent pas dans les contrôles de troupes. Or il est impossible d'effectuer ce travail avec certitude. Aussi ai-je continué quand apparaissaient les termes de compagnies colonelle ou lieutenante-colonelle de les faire suivre des noms restitués du colonel ou du lieutenant-colonel. Ces noms sont seulement imprimés en italique pour montrer que ce ne sont pas ceux des commandants effectifs de ces compagnies. Toutefois il se présentera bien des lacunes, car en 1749, certains majors semblent avoir interprété l'ordonnance du 12 février d'une manière excessive en supprimant les épithètes de colonelle ou lieutenante-colonelle. Il était difficile de rechercher à quelles compagnies ces épithètes étaient attribuées à la date où fut effectué le contrôle.
Enfin j'ai reproduit toutes les indications concernant la réforme des compagnies, leur fusion avec d'autres, leur dédoublement...
c) Description
L'irrégularité dans les renseignements sur les hommes qu'offrent les registres est un obstacle à des enquêtes d'histoire sociale. Aussi pour chacun d'eux, le lecteur pourra lire une brève description du contrôle d'une compagnie choisie comme type. En règle générale c'est la quatrième qui a été retenue afin d'éviter les compagnies de grenadiers, colonelles, lieutenantes-colonelles dont le recrutement présenterait des particularités. Cette description comporte :
– La date d'engagement la plus ancienne, et la plus récente, cette dernière précédant de peu la clôture du registre.
– Le nombre d'hommes inscrits. Il comprend à la fois le nombre des hommes présents au moment de la confection du contrôle, (précision non mentionnée car il est à peu de chose près conforme à l'effectif théorique de la compagnie, grâce parfois à quelques habiletés de l'officier chargé du détail) et le nombre de ceux qui s'engagent par la suite et dont le signalement est des plus sommaires. L'ensemble donne une idée de la rapidité du renouvellement des soldats dans la compagnie.
– Eventuellement les indications de caractère militaire ou sociologique, ainsi que tout autre détail qui m'a paru utile. Les indications les plus générales sont données d'une manière statistique à la suite de ce chapitre.
– Enfin on trouvera le compte des pièces incluses dans ces registres, avec citations des plus importantes d'entr'elles.
II - INDICATIONS PRATIQUES
On peut classer les recherches possibles dans les contrôles de troupes sous deux rubriques ; recherches biographiques et recherches d'intérêt général, militaire ou sociologique. Les premières peuvent être poursuivies dans un but particulier, par exemple pour compléter une généalogie, mais elles peuvent tout aussi bien constituer la phase préliminaire aux secondes.
A) RECHERCHES DE CARACTERE BIOGRAPHIQUE
La recherche d'un individu parmi près de deux millions de signalements différents contenus dans les contrôles de troupe exige un minimum de données permettant de le situer dans l'armée. Il est souhaitable de connaître le nom du régiment et celui du capitaine ainsi que les dates du service dans ce régiment. La recherche est néanmoins possible si on ne possède pas correctement tous ces renseignements. Le nom du régiment ne suffit évidemment pas, car, même avec une date approximative, il nécessite le dépouillement de nombreux registres, surtout lorsqu'il s'agit d'un régiment à quatre, voire cinq bataillons. Le nom du capitaine est plus précieux, mais implique une recherche longue parmi les quelques 10.000 officiers dont la compagnie est signalée dans les contrôles. Pour éviter ce travail fastidieux, j'ai dressé un index de toutes les références aux noms des capitaines contenus dans les inventaires des tomes II et III. Cet index constitue la plus grande partie du tome IV.
Le lecteur a pu voir plus haut quelles difficultés comportait l'utilisation des noms des capitaines comme repère des soldats. Rappelons les cas fréquents d'homonymie surtout lorsqu'il s'agit de membres de la même famille, les changements de nom dus à l'emploi soit de patronymes, soit de noms de terre, soit de titres nobiliaires, enfin les divergences constatées entre contrôles de troupes et contrôles d'officiers. A ce sujet je pense que les contrôles de troupes, s'ils ne présentent pas l'image d'une situation administrative exacte, sont plus proches de la situation réelle et ont donc plus de chances de correspondre à ce que déclare le soldat.
Il existe enfin une sérieuse difficulté propre aux contrôles de troupes, dont il faudra tenir compte dans l'utilisation de l'index des noms des capitaines. Cette difficulté provient du fait que la particule et la préposition de se superposent dans l'expression compagnie de où apparaissent les noms des capitaines. D'ailleurs particules (ou prépositions) sont bien souvent supprimées, de même que les Du, La, Le, (ou (O', Saint, etc.) qui figurent en tête du nom. Inversement particules (ou prépositions) sont fréquemment soudées au nom de manière abusive. Une autre source d'erreur a une origine des plus curieuses. Il arrive que dans l'esprit de l'officier chargé du détail qui a établi le contrôle, une confusion se soit produite entre les deux expressions : compagnie de Carbonnier (compagnie du sieur Carbonnier) et la Carbonnier (la compagnie Carbonnier), confusion qui finit par entraîner l'emploi du féminin : la Carbonnière. Probablement beaucoup de ces la sont abusifs pour cette raison. Bien des pluriels ont vraisemblablement une origine semblable. De même qu'on disait les Fischers, les Chamborants et parfois les Noailles, pour désigner les soldats des corps commandés par Fischer, Chamborant ou un Noailles ; il est possible que l'expression compagnie Des Carbonières doive être lue compagnie des Carbonnières, c'est-à-dire compagnie commandée par le sieur Carbonnière ou Carbonnier ou peut-être Charbonnier... On peut encore observer qu'avec les noms commençant par Le, l'expression compagnie de... devient quelquefois compagnie du... Comme rien n'indique que dans tel cas précis le major ou l'aide-major ait pratiqué l'un de ces usages contradictoires, je m'en suis tenu aux formes indiquées. II pourra donc être utile de chercher à La, Des ou Du... un officier dont le nom ne comporte pas en réalité ces articles. Il est à noter que la liste des compagnies souvent inscrites au dos de la feuille de garde imprimée dans les registres destinés au corps ne respecte pas davantage les orthographes. Elle est dressée par le major pour son propre usage. D'ailleurs l'ordre des compagnies y réserve parfois des surprises. En effet il ne correspond pas toujours à celui dans lequel on trouve effectivement les contrôles de chacune d'elles. Rappelons que le registre était fait d'un cahier par compagnie. Une nouvelle reliure a pu en bouleverser l'ordre. Dans bien des cas sans doute la table des compagnies a été dressée après coup suivant l'ordre nouveau des compagnies, les contrôles de chacune d'elles se trouvant effectivement placés suivant un ordre devenu périmé. Dans l'inventaire, c'est l'ordre réel dans lequel les compagnies se présentent et non pas celui indiqué par la table qui a été reproduit.
La lecture et l'interprétation des signalements n'offrent pas de difficultés. Cependant elle exige quelques précautions :
1°) L'âge indiqué est tantôt l'âge à l'engagement, tantôt l'âge au moment de l'établissement du contrôle. On peut s'en rendre compte de la manière suivante. Les soldats étant classés par ordre d'ancienneté dans la compagnie si l'âge indiqué décroit de la tête à la queue de la compagnie, il est évident qu'il s'agit de l'âge à la date du contrôle. Sinon, c'est l'âge à l'engagement. De toutes façons, pour les hommes inscrits à la suite, l'âge indiqué est toujours l'âge à l'engagement. On a vu que certains aide-majors négligents se sont bornés à recopier dans un contrôle les âges portés sur le contrôle précédent.
2°) Le grade n'est pas toujours indiqué, mais les hommes étant inscrits selon leur grade et rang, il suffit de se référer à la composition des compagnies prévue par l'ordonnance. Reprenons le raisonnement cité plus haut. En 1737 la compagnie d'infanterie a deux sergents, deux caporaux, deux anspessades. Dans le contrôle, les deux premiers hommes sont les sergents, les deux suivants les caporaux et les 5e et 6e, les anspessades, avec un décalage si par hasard un cadet ou un tambour est inscrit dans l'une des six premières cases.
Voici la composition des compagnies aux dates auxquelles sont établis les contrôles :
INFANTERIE
Grenadiers. Fusiliers. Chasseurs.
1716 : Grenadiers - 2 sergents, 3 caporaux, 3 anspessades. Fusiliers - 2 sergents, 3 caporaux, 3 anspessades.
1718 : Grenadiers - 3 sergents, 3 caporaux, 3 anspessades. Fusiliers - 2 sergents, 3 caporaux, 3 anspessades.
1722 : Grenadiers - 2 sergents, 3 caporaux, 3 anspessades. Fusiliers - 2 sergents, 2 caporaux, 2 anspessades.
1737 : Grenadiers - 2 sergents, 2 caporaux, 2 anspessades. Fusiliers - 2 sergents, 2 caporaux, 2 anspessades.
1763 : Grenadiers - 2 sergents, 1 fourrier, 4 caporaux, 4 appointés. Fusiliers - 4 sergents, 1 fourrier, 8 caporaux, 8 appointés.
1771 : Grenadiers - 2 sergents, 1 fourrier, 4 caporaux, 4 appointés. Fusiliers - 3 sergents, 1 fourrier, 6 caporaux, 6 appointés.
1776 : Grenadiers - 1 sergent-major, 4 sergents, 1 fourrier, 8 caporaux. Fusiliers - 1 sergent-major, 5 sergents, 1 fourrier, 10 caporaux.
1784 : Grenadiers - 1 sergent-major, 4 sergents, 1 fourrier, 8 caporaux, 8 appointés. Fusiliers - 1 sergent-major, 5 sergents, 1 fourrier, 10 caporaux, 10 appointés. Chasseurs - 1 sergent-major, 4 sergents, 8 caporaux, 8 appointés.
CAVALERIE ET DRAGONS
1716 : 2 brigadiers (Les maréchaux des logis sont alors considérés comme officiers et ne figurent pas sur les contrôles de troupes).
1763 : 4 maréchaux des logis, 1 fourrier, 8 brigadiers, 8 carabiniers dans la cavalerie et 8 appointés dans les dragons.
ARTILLERIE
Les grades étant toujours indiqués avec assez de précision il n'existe aucune difficulté à ce sujet.
MILICE
1748 : 2 sergents, 3 caporaux, 3 anspessades. Cette organisation est commune aux compagnies de grenadiers royaux qui en temps de guerre sont rassemblées pour former des régiments de grenadiers royaux, aux compagnies de grenadiers postiches qui en temps de guerre prennent dans les bataillons de milice la place des grenadiers royaux et servent de réserve aux régiments des grenadiers royaux, et enfin aux compagnies de fusiliers.
Grenadiers. Fusiliers.
1775 : Grenadiers - 1 fourrier, 2 sergents, 4 caporaux, 4 appointés. Fusiliers - 1 fourrier, 3 sergents, 6 caporaux, 6 appointés.
Le nombre des gradés est rarement conforme aux prescriptions de l'ordonnance du 4 août 1771.
GARDES FRANÇAISES
Les sergents figurent sur une liste placée en tête du contrôle de chaque compagnie.
3°) La lecture des contrôles de troupes n'offre pas de grande difficulté quoique les inscriptions soient peu soignées lorsqu'il s'agit des hommes enrôlés après la confection du contrôle, notamment en temps de guerre. Alors les notations elliptiques et les abréviations se multiplient. Il apparaît utile de donner l'explication de quelques termes qui peuvent rebuter certains chercheurs et de quelques abréviations.
LEXIQUE DES TERMES, EXPRESSIONS ET ABREVIATIONS LE PLUS SOUVENT RENCONTRÉS DANS LES CONTROLES DE TROUPES
Abandonné : abandonné à la justice ordinaire.
A la cour, à la cour le... : le signalement du soldat ou l'annonce de son départ de la compagnie a été envoyé au secrétariat à la guerre.
Ansp. le... : fait anspessade le... (Au xvIIIe siècle l'anspessade ne se distingue des simples soldats que par la haute paye qu'il reçoit.)
Ap. ou Appointé le... : fait appointé le... (Le terme appointé remplace celui d'anspessade en 1763.)
Arrivé le... : contrôle arrivé à la Cour le...
Brig, le... : Fait brigadier le...
Cap. le... : Fait caporal le. .
Ch. ch., Chev. chat. : cheveux châtains.
C.A., C. abs. : congé absolu.
Congé limité, parfois engagement à temps, le plus souvent « permission » d'absence.
Dans... : passé dans la compagnie de...
D., Des. : déserté.
D.J., Des. Jug. le... : déserté, jugement le...
E., Env., Envoyé le... ; envoyé à la cour. (Le signalement ou l'annonce du départ).
Ecr. : sait écrire (seulement dans 1 Yc 659).
Gal. : envoyé aux galères.
G., Gren., grenadier le... : fait grenadier le...
Grenadiers royaux : 1re compagnie des bataillons de milice dans l'organisation de 1748. En temps de guerre elle contribue à former les régiments de grenadiers royaux.
Grenadiers postiches : 2e compagnie des bataillons de milice dans l'organisation de 1748. En temps de guerre, elle remplace au bataillon la compagnie de grenadiers royaux et sert de réserve aux régiments de grenadiers royaux.
Inv, le... : admis aux Invalides le...
M., Mil., Milicien : Vient d'un bataillon de milice. Il s'agit d'un milicien « incorporé » dans les troupes réglées.
Perdu, Perdu par amnistie. Marqué en face du signalement d'un déserteur qui s'est engagé dans un autre corps et qu'une mesure d'amnistie a autorisé à rester dans cet autre corps.
Réf., Réformé le... : réformé, c'est-à-dire renvoyé à ses foyers car en surnombre, ou par suite d'une réduction des effectifs.
4°) Il reste bien d'autres difficultés pour situer un homme dans l'armée. L'une d'elle est le changement de sens des mots : compagnie colonelle, lieutenante-colonelle, commandante. Avant 1749, les colonels, lieutenants-colonels et commandants possèdent des compagnies. Dans les premiers (ou uniques) bataillons des régiments d'infanterie, l'ordre des compagnies est le suivant : compagnies de grenadiers, colonelle, lieutenante-colonelle, compagnies de fusiliers sauf pendant la courte période où le Régent rétablit la charge de colonel-général de l'infanterie pour son fils. Dans les contrôles de 1722 à 1729 l'ordre des compagnies est le suivant : compagnies de grenadiers, colonelle-générale (c'est l'ancienne compagnie lieutenante-colonelle dont le colonel-général est le capitaine d'honneur, mestre de camp (c'est l'ancienne compagnie colonelle : le colonel-général étant le colonel de tous les régiments d'infanterie, ceux-ci n'ont plus de colonels particuliers, mais des mestres de camp). Ces dénominations réapparaîtront dans l'infanterie de 1780 à 1788, lorsque la charge de colonel-général y sera rétablie pour le prince de Condé, mais à cette date les compagnies n'appartenant plus qu'au roi, cela n'entraîne pas d'autres conséquences pour la troupe. Dans les bataillons suivants de chaque régiment d'infanterie l'ordre est : compagnies de grenadiers, commandante, compagnies de fusiliers. L'ordonnance du 18 février 1749 ôta leurs compagnies aux officiers supérieurs. Cependant il resta dans chaque régiment une compagnie colonelle détentrice du drapeau blanc, qui devait être la première compagnie de fusiliers, c'est-à-dire en principe la compagnie dont le capitaine avait le rang le plus élevé dans le régiment, en fait l'ancienneté la plus grande. Aussi trouve-t-on alors souvent une compagnie colonelle appelée tantôt compagnie colonelle, tantôt du nom de son capitaine. De plus elle ne se trouve pas toujours placée en tête du premier bataillon après la compagnie de grenadiers, mais on peut la rencontrer dans un autre bataillon. Il ne semble pas que l'ordre d'ancienneté des capitaines ait été rigoureusement respecté pour l'attribution du commandement de la compagnie colonelle.
Dans les troupes montées, des colonels généraux ne cessèrent d'être nominalement à la tête de chaque arme. Aussi les colonels n'eurent-ils que le titre de mestre de camp. Les lieutenants-colonels possédaient des compagnies mais au simple titre de capitaine et on n'attribuait pas à celles-ci l'épithète de lieutenante-colonelle.
Sans doute le soldat qui décline son identité ne manque pas lorsque c'est le cas, de dire qu'il appartient à la compagnie colonelle, ou lieutenante-colonelle ou à une compagnie de grenadiers, Il peut être cependant utile de connaître le nom des officiers qui commandent ces compagnies. Je l'ai recherché dans les contrôles d'officiers et je le présente entre crochet carrés et sous toutes réserves dans chaque rubrique de l'inventaire, à la place où se trouvent énumérées ces compagnies. Il était beaucoup plus difficile de procéder ainsi pour les compagnies de grenadiers royaux et postiches des bataillons de milice.
Ces réflexions ne s'appliquent qu'aux contrôles des troupes réglées ou des milices. Dans un appendice j'ai tenté de présenter les contrôles des troupes diverses, registres d'enrôlement ou d'immatriculation formant d'autres fonds aux Archives de la Guerre ou conservés dans d'autres dépôts. Ce sont :
1°) Les registres d'admission et d'immatriculation des Invalides qui ont fait récemment retour aux Archives de la Guerre, après avoir été longtemps conservés à l'Institution Nationale des Invalides. J'ai signalé ici ceux qui appartiennent à la première série qui se termine en l'an V. Ils contiennent rappelons-le les signalements d'environ 130.000 officiers et soldats.
2°) Aux Archives des Colonies, les contrôles des troupes coloniales, qui lorsqu'elles n'ont pas été réformées, ont fini par passer dans l'armée de terre (série D2a, D2b, D2c.
3°) Aux Archives de la Marine, les contrôles des troupes destinées au service des ports ou à être embarquées sur les vaisseaux du roi, (série C8).
4°) Enfin dans divers dépôts d'Archives départementales, se trouvent aux fonds des anciennes intendances (série C) des contrôles de milice semblables à ceux qui sont conservés aux Archives de la Guerre. J'ai donc signalé ceux des contrôles de bataillon qui étaient dans ce cas. Leur énumération n'est certainement pas complète.
On aura donc intérêt à ne pas se contenter des recherches effectuées dans les seules Archives de la Guerre.
Il ne faut pas trop se leurrer sur la possibilité que l'on a de retrouver dans les contrôles de troupes des hommes connus comme soldats à partir d'autres sources. Il arrive en effet que des hommes servent très peu de temps et échappent à un signalement précis parce qu'ils ne sont pas présents au moment où le contrôle est renouvelé. Disons pour fixer les idées que lorsque j'ai recherché dans les contrôles des troupes réglées des hommes mentionnés dans les registres paroissiaux comme militaires, avec le nom de leur capitaine, je les ai retrouvés environ deux fois sur trois.
B) RECHERCHES DE CARACTERE GENERAL
Les indications précédentes et l'expérience déjà réalisée des « contacts » entre contrôles de troupes et sources collectives locales d'histoire sociale ouvrent quelqu'espoir dans la possibilité d'études de caractère général.
En premier lieu se situent les recherches sur l'armée. Certes les sources administratives émanant du secrétariat à la Guerre paraissent mieux répondre à l'idée qu'on se fait de l'armée d'un pays à un moment donné. Toutefois entre l'image qui parvient aux bureaux et l'image que présente l'armée au niveau des compagnies, il existe bien des différences. Chacune des deux a sa valeur. Jusque-là les historiens militaires se sont surtout souciés de la première. Il est souhaitable que par les contrôles de troupes, ils prennent connaissance de la seconde. Ainsi pourrait-on comprendre ce que fut pour les hommes une levée de troupes, une campagne, une bataille, une réforme.
En second lieu, et c'est probablement ce qui touchera le plus grand nombre d'historiens, les contrôles de troupes apparaissent comme le complément indispensable aux études des structures sociales d'une paroisse, puisque pour plus du dixième des hommes, nous connaissons les noms des parents et les professions du soldat et de son père. Par leur caractère groupé les recherches dans les contrôles de troupes peuvent être effectuées pour toute une province sans que cela dépasse les possibilités d'une petite équipe.
Dans un ordre d'idée assez proche, la connaissance, même assez peu précise, des âges, tailles, traces de maladies et blessures pour le plus grand nombre, des décès des parents et des mariages pour un nombre plus restreint, me semble ne devoir pas être négligé par les recherches de démographie historique.
L'ethnologie peut également y trouver son compte puisque outre la taille, la couleur des cheveux et des yeux, voire le teint, sont généralement indiqués en même temps que l'origine régionale.
Telles sont les principales perspectives qu'ouvre l'accès aux contrôles de troupes.
Última modificación el 13/06/2022