La conquête du Dahomey (1890-1894)
Le 27 octobre 2021, la France, conformément à une promesse faite en 2017 par le président de la République, rendait au Bénin 26 objets, pris à l’occasion de la conquête du royaume de Dahomey, entre 1890 et 1894.
Ces 26 objets – des objets royaux ou regalia ayant appartenu aux rois du Dahomey – avaient été confiés au musée de l’Homme, installé au Trocadéro, en 1894 par le général Dodds, commandant des deux expéditions de 1892 et 1894, après la défaite du roi Béhanzin et l’établissement du protectorat français. Ils étaient conservés et exposés au musée du quai Branly - Jacques Chirac – musée des arts premiers.
Cet évènement historique a donné lieu à une manifestation scientifique au cours de laquelle le SHD a été invité à présenter ses archives concernant les expéditions au Dahomey, et à évoquer les étapes de cette conquête militaire.
Le royaume de Dahomey était un vieux royaume africain, né au XVIIe siècle et qui avait noué des relations avec la France dans le cadre de la traite des esclaves. A la fin du XIXe siècle, le roi Béhanzin, monté sur le trône en 1889, entend résister militairement aux ingérences françaises, et remettre en cause les accords passés. C’est dans ce contexte que la France entreprend la colonisation du Dahomey.
Cette conquête s’organise en trois temps, scandés par trois expéditions militaro-scientifiques. La première expédition, qui vise essentiellement à défendre les comptoirs français installés sur la côte, est confiée au commandant Terrillon des Troupes de Marine et se déroule de mars à avril 1890. Elle s’achève avec la bataille d’Atchoupa, le 20 avril 1890, et une victoire française. Un premier traité de paix est signé le 3 octobre 1890, mais il n’est pas ratifié par la Chambre des députés. La situation entre le royaume du Dahomey et la France demeure par ailleurs tendue, le roi Béhanzin, hostile à l’ingérence française, optant pour une politique de force et de confrontation. Une seconde expédition est organisée de juillet à décembre 1892, précédée par le blocus maritime de la côte. Il ne s’agit plus cette fois de défendre les établissements français avec un effectif constitué rapidement, mais bien de mener une expédition dans le cœur du royaume du Dahomey, avec, à terme, l’établissement d’un protectorat. L’expédition est confiée au colonel Dodds. Partie de Cotonou et Porto Novo, la colonne française remonte jusqu’à Abomey, la capitale du royaume de Dahomey, occupée le 17 novembre 1892. C’est là que le désormais général Dodds, fait saisir les objets royaux pour les expédier en France. Il proclame également la déchéance du roi Béhanzin, mais n’est pas parvenu à le faire prisonnier. Ce sera le but de la troisième expédition, d’octobre 1894 à janvier 1895. Elle s’achève le 15 janvier, par la proclamation d’un nouveau roi de Dahomey, allié à la France, puis par la reddition de Béhanzin, et enfin par la proclamation du protectorat français sur le Dahomey, le 29 janvier 1895.
Behanzin défait, le haut Dahomey s’ouvre à la pénétration française avec, en ligne de mire, le Niger. Il s’agit, selon le ministre des Affaires étrangères Delcassé, de maintenir la voie libre vers le Soudan et le Niger en installant dans le haut Dahomey une sphère d’influence française. De 1894 à 1898, une série de missions permettent d’établir cette tutelle française, reconnue par une série de conventions avec l’Allemagne et le Royaume-Uni entre 1897 et 1898.
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La progression de la colonisation à travers les cartes (1889-1893)
Ces quatre cartes conservées au SHD ont été dressées entre 1889 et 1893. Leur comparaison révèle la progression de l’exploration du terrain par les Français (civils puis militaires), d’abord le long de la côte et des cours d’eau, puis sur les routes de la conquête militaire. Les illustrations et certains toponymes reflètent quant à eux l’imaginaire et les préjugés utilisés pour justifier la colonisation. La précision des relevés et du tracé géographiques rappellent également le savoir-faire des officiers et des services dédiés en matière de topographie.
Carte des établissements français du golfe du Bénin, Victor Ballot, 1889.
Cette carte a été dressée par l’administrateur des établissements français, ou résident, au Bénin, Victor Ballot, en 1889. A cette date, seules sont connues, et donc représentées, la côte et les localités situées le long des fleuves, ponctuées de drapeaux tricolores qui signalent les comptoirs français. Sont indiqués d’un trait rectiligne les itinéraires des principales missions d’exploration de Whidah (ou Ouidah) à Abomey, entre 1845 et 1871. Sur le reste de la carte apparaissent en blanc les « régions inexplorées ».
Carte du Dahomey et des pays limitrophes, J. Hansen (géographe), 1892
Cette carte « dressée d’après les plus récentes explorations », c’est-à-dire après les deux premières expéditions militaires de 1890-1892, présente en effet les connaissances les plus récentes concernant la topographie, la toponymie, le climat et les paysages des territoires du Dahomey. Le Sud du territoire s’intitule déjà « territoire français ». Il s’inscrit entre les territoires voisins conquis par les Allemands et les Anglais.
Les vignettes illustrées, les toponymes, et les notices sur le climat, la population, l’économie, la population, sont un mélange d’observations scientifiques rigoureuses et d’images d’Epinal, voire de préjugés justifiant les expédition au nom d’une « mission civilisatrice » de la France : la côte s’appelle encore « côte des esclaves » ; les territoires du Nord-Est sont désignés comme des « royaumes ravagés par le Dahomey » belliciste ; on présente les armes servants aux « sacrifices » humains et les crânes exposés sur les remparts d’Abomey ; les « superstitions » et le « culte des fétiches » sont illustrés par un « temple aux serpents » ; les féroces et célèbres Amazones du Dahomey sont également représentées.
Carte du Dahomey établie par ordre du général Dodds, d’après les travaux des officiers du corps expéditionnaire, 15 mars 1893.
Cette carte a été établie par des militaires (le bureau topographique de l’état-major des troupes du Bénin), à l’aide, indique la notice, des travaux de reconnaissance des officiers du corps expéditionnaire, et les renseignements obtenus lors d’interrogatoires menés par le « service des affaires politiques de la colonie du Dahomey ». On constate que la connaissance des territoires au Nord a largement progressé, non seulement autour d’Abomey, capitale conquise en novembre 1792, mais bien au-delà. Les territoires au Sud sont à présent appelés « territoire annexé ». La connaissance de l’ensemble reste cependant ordonnée aux routes utilisées.
Carte du Dahomey établie d’après les renseignements du commandant Trinité-Schillemans, 1er juillet 1893.
Bien qu’établie peu de temps après la précédente, par les mêmes services (le commandant Trinité-Schillemans dirige le service des affaires politiques déjà nommé), cette carte est plus complète encore. Cette description précise du territoire illustre l’approfondissement de la domination française sur la désormais nommée colonie du Dahomey. Les diverses frontières – limites des territoires annexés, du royaume de Porto-Novo, des province d’Allada et d’Abomey – ont cette fois été clairement tracées. L’exploration ne s’est plus limitée aux environs des routes. Seuls les territoires plus au Nord restent en pointillé.
La deuxième expédition du Dahomey en images d’Epinal.
Cartes postales illustrant la campagne du Dahomey, sans date.
Ces cartes postales au liseré doré, que l’on trouvait dans des tablettes de chocolat, indiquent que la campagne a eu lieu en 1892 mais illustrent des événements de 1893. Magnifiant la geste coloniale française, elles représentent les principales victoires françaises au Dahomey, les Français toujours victorieux repoussant des ennemis courageux et exotiques, parmi lesquels ne manquent pas de se trouver les Amazones du roi Behanzin. Les uniformes, les armes, les paysages sont à peine esquissés, mais tous les éléments sont là pour ancrer la légende dans les esprits.
L’attaque du camp de Dogba par les Dahoméens (19 septembre 1892).
Les guerriers fons et les Amazones du roi Behanzin aux tenues chamarrées attaquent le campement français au petit matin : un tirailleur sonne l’alerte tandis que tirailleurs et légionnaires vêtus de blanc accourent sur un arrière-fond de tentes et de soleil levant. Les Français l’emportent après un combat acharné, au cours duquel le commandant Faurax est tué.
La prise de Cana (4 novembre 1892).
L’image illustre la dernière charge, à la baïonnette, des légionnaires et tirailleurs contre les soldats et Amazones de Behanzin, avant de s’emparer du palais royal dans cette ville « sainte » du Dahomey.
Entrée du drapeau à Abomey (17 novembre 1892).
En bon ordre, les troupes françaises (troupes de marine et tirailleurs) entrent avec le drapeau tricolore dans la capitale dahoméenne, abandonnée par le roi Behanzin. C’est la fin de la seconde expédition. La population accueille les Français en libérateurs, leur présentant leurs enfants ; comme un rappel de la « barbarie » justifiant la conquête, les crânes des « sacrifiés » ornent encore les remparts, et la ville, qui aurait été incendiée par le roi à l’approche de l’ennemi, telle Moscou face à Napoléon, brûle à l’arrière-plan.
L’exil du roi Behanzin en photographies.
Le roi Behanzin finit par se rendre en janvier 1894 ; il est déporté en Martinique avec ses proches. Cet exil a été immortalisé par quelques photographies en noir et blanc, prises par un marin de la goélette « la Mésange ».
Béhanzin et sa famille
Le roi en exil reste digne ; il est entouré de ses proches - des femmes et un enfant. L’une des femmes tient une ombrelle pour protéger sa tête et une autre semble lui apporter à boire. Les regards sont graves, mais pas accablés. A l’arrière-plan, on aperçoit des soldats français coiffés du casque colonial ; à gauche, des cordages rappellent que l’on se trouve sur un navire.
Les ministres de Behanzin
Fiers et résignés, les ministres de Behanzin posent sur le pont de la Mésange. Comme un rappel de la victoire, la devise « Honneur et patrie » (devise de l’armée française) s’affiche au-dessus de leurs têtes. Un de leurs geôliers, un marin armé d’un fusil, pose avec eux, mais curieusement flouté par la lumière, il semble s’effacer devant la dignité de ce gouvernement en exil.
Mémoire de l’expédition
Médaille commémorative de l'expédition du Dahomey, Division de la symbolique, 1892.
Cette médaille fut créée en 1892 et remise pour la première fois au général Dodds à son retour en France. Sur l’avers, on voit l’effigie de la République casquée encadrée d’une couronne de lauriers ; au revers, une étoile symbolisant le rayonnement de la France sur le monde, un trophée de quatre drapeaux rappelant la victoire, et une ancre de marine pour les troupes de marine. Son ruban, jaune jonquille coupé de raies noires est le même que celui de la médaille commémorative de l’expédition du Tonkin (1883-1885).